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-Présents en Afrique centrale depuis le 16eme siècle, les Jésuites se sont implantés en terre kongo dès la naissance de l’Etat indépendant du Congo, fondant la Mission du Kwango. Tout les intéressait : la botanique, la linguistique, l’histoire, l’archéologie et, au fil des années, ces érudits-missionnaires envoyèrent en Belgique des documents ethnographiques ou scientifiques qui aujourd’hui encore font autorité. Leur rapport aux objets fut mitigé : pour certains, masques et statues utilisés dans les rites religieux n’étaient que des « fétiches » qu’il importait de désacraliser et de détruire. Pour d’autres, ces masques rituels étaient des outils aidant à mieux connaître des populations qu’il importait de convertir et même si les objets collectés dans les villages n’étaient pas considérés comme des œuvres d’art au sens occidental, les religieux s’employèrent souvent à les rassembler et à les envoyer en Belgique, soit au siège de leur ordre à Louvain-Heverlee, soit au Musée de l’Afrique centrale à Tervuren. Ce dernier, en 1998, a repris la gestion physique de la collection missionnaire, préservant ainsi des œuvres d’une richesse aussi exceptionnelle que… pratiquement invisible.
En effet, les collections de Tervuren sont d’une diversité telle, enrichies par des envois de générations d’administrateurs coloniaux, de missionnaires, de colons que la plupart de ces trésors, faute de place pour les exposer, ont longtemps dormi dans des caves et des armoires. Préservés certes, mais inconnus du grand public. La fermeture provisoire du Musée de l’ Afrique centrale, en pleine rénovation, peut apparaître comme une chance : soucieuse de rappeler son existence, l’importance de ses collections et la valeur de son personnel scientifique, la vénérable institution se voit obligée d’organiser, ailleurs que dans ses locaux, des expositions thématiques. C’est ainsi que le musée Belvue, qui jouxte le Palais royal, accueille jusqu’en novembre prochain une série de masques géants qui dormaient dans les caves de Tervuren depuis qu’ils avaient été envoyés par les missionnaires depuis le cœur du Kwango, répertoriés et classés par la suite.
Chez les populations Yaka et Suku du Kwango, ces masques imposants, le grand Kakuunguou son pendant féminin le Kazeba, étaient utilisés lors des fêtes d’initiation, les mukanda . Les jeunes garçons, lors d’une longue retraite en brousse, étaient alors préparés à leur vie d’adulte et circoncis. Leur retour au village était marqué par des danses masquées publiques, où les danseurs s’identifiaient aux ancêtres et à leur force vitale.
Aujourd’hui encore, pour la première fois exposés ensemble, côte à côte, ces masques dégagent une force impressionnante. Même si certains d’entre eux ont gardé un aspect terrifiant, tous demeurent empreints de mystère, comme s’ils demeuraient reliés à des forces inconnues. Mais notre regard a changé : qui oserait encore qualifier de « fétiches » ces pièces d’une beauté extraordinaire, dont certaines sont de purs chefs d’œuvres qui suscitent la jalousie des plus grands musées du monde…
Cette exposition, pas très grande, mais magnifique et centrée sur un sujet précis mériterait d’être visitée par les enfants des écoles bruxelloises, qu’ils soient inscrits ou non dans les cours de morale ou de religion: ils y apprendraient la beauté des cultes des “autres”, feraient fonctionner leur imaginaire et éduqueraient leur regard dans un monde diversifié. Quant au enfants d origine africaine, si nombreux à Bruxelles, on ne peut que souhaiter qu’ils viennent en masse au musée Belvue: ils en ressortiront avec des étoiles dans les yeux.
(Colette Braeckman)