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-Détenu et poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) en tant que co-auteur indirect de crimes contre l’humanité commis durant la crise postélectorale, l’Ivoirien publie ce 24 mars un livre témoignage : « De l’enfer, je reviendrai ». Morceaux choisis.
Charles Blé Goudé est accusé de crimes contre l’humanité comme le meurtre, le viol et autres actes inhumains ou – à titre subsidiaire – la tentative de meurtre, et les persécutions perpétrées à Abidjan, en Côte d’Ivoire, entre le 16 décembre 2010 et le 12 avril de 2011 ou vers cette date.
L’ancien « général de la rue » de Gbagbo, comme il se faisait appeler, continue aujourd’hui, comme il le faisait voici déjà cinq ans, de clamer son innocence, s’estimant prisonnier politique depuis que, un soir de janvier 2013, il a été arrêté au Ghana, où il était en exil, et transféré en Côte d’Ivoire avant de rejoindre les Pays-Bas. De ces péripéties, Charles Blé Goudé en livre aujourd’hui sa vérité, parfois à l’opposé de celle du gouvernement ivoirien.
Voici les principaux enseignements de son livre, De l’enfer, je reviendrai, écrit en collaboration avec l’avocat Seri Zokou et à paraître le 24 mars aux Éditions du Moment.
Lors de son exil, il n’aurait jamais quitté le Ghana
Durant les presque deux ans de son exil, Charles Blé Goudé n’a, dit-il, jamais quitté le Ghana. « Des articles de presse m’annoncent souvent en Gambie, en Afrique du Sud et dans d’autres pays ouest-africains. La réalité est tout autre », écrit-il. « Depuis mon départ forcé de la Côte d’Ivoire, je ne suis jamais sorti du Ghana. Tous les écrits publiés à ce sujet ne sont que le fruit de l’imagination de certains journalistes », ajoute-t-il.
L’ancien ministre de la Jeunesse, de la Formation professionnelle et de l’Emploi de Laurent Gbagbo, qui se dit volontiers chantre de la non-violence, explique encore ne pas être responsable des attaques de mercenaires venues du Liberia, comme il a pu en être accusé. Selon lui, il n’a jamais séjourné dans le nord du Mali, où certains lui ont attribué des contacts avec « des jihadistes et les putschistes qui avaient renversé le président Amadou Toumani Touré ». Charles Blé Goudé sera finalement extradé par le Ghana à la Côte d’Ivoire, le 17 janvier 2013.
Il affirme avoir été détenu dans une cuisine puis à la DST
Charles Blé Goudé réfute également avoir été maintenu en résidence surveillée par les autorités ivoiriennes après son extradition, comme Abidjan continue de l’affirmer. Selon lui, il a été « maintenu au secret » et interrogé pendant trois mois dans des résidences « pillées et réquisitionnées par les FRCI », et notamment dans une cuisine. « Ce minuscule espace d’à peine 2 m² me sert de couchette, de toilettes et j’y prends mon repas », explique-t-il.
Blé Goudé aurait à l’époque été gardé par des éléments des FRCI dirigés par un homme de main de Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur, avant d’être transféré à la Direction de la surveillance du territoire (DST), où il aurait ensuite été emprisonné. Le prisonnier y évoque des traitements dégradants et inhumains. En mars 2014, le ministre de l’Intérieur avait, en réponse aux mêmes accusations, publié des photos de Charles Blé Goudé en parfaite santé et détenu dans des conditions décentes.
Il aurait été le voisin de cellule de « l’homme à tout faire de Mokhtar Belmokhtar »
Charles Blé Goudé consacre également un chapitre entier à un étonnant personnage : celui qui fut son voisin de cellule neuf mois durant à la DST, un certain Mohamed Abu Mustapha (MAM), qui serait « l’homme à tout faire de Mokhtar Belmokhtar », le chef des jihadistes maliens d’Al-Mourabitoune.
Ledit MAM aurait fait à son codétenu ivoirien cette confidence très éclairante à la lumière des derniers événements de Grand-Bassam : « Tant qu’ils ne nous laisseront pas en paix, ils ne connaîtront plus jamais la paix. Ici, en Côte d’Ivoire, on a fini nos repérages : l’hôtel Pullman, l’hôtel Ivoire et Assinie. Là, on est sûrs d’atteindre nos cibles, qui sont les Européens, surtout les Français, et les autorités ivoiriennes. »
Il voulait être transféré à La Haye
Dans son livre, Charles Blé Goudé parle peu de la Cour pénale internationale. Il évoque toutefois son transfèrement aux Pays-Bas, le 22 mars 2014, comme une sorte de délivrance. Convoquée devant une Chambre d’accusation qui doit décider s’il sera jugé à La Haye ou à Abidjan, alors que le gouvernement vient d’autoriser son transfèrement, l’ancien président du Cojep raconte ainsi avoir choisi la CPI et avoir prévenu ses avocats en ce sens en espérant échapper à une justice ivoirienne qu’il juge « aux ordres ».
« Aussi paradoxal que cela puisse paraître, je suis pressé de quitter Abidjan, de quitter la Côte d’Ivoire, de quitter mon propre pays, mon pays bien aimé. En vérité, j’étais en train de mourir à petit feu dans cette détention au secret », confie-t-il. Et de conclure : « Pour moi, la CPI n’est pas une fin, c’est plutôt un début ».
Il aime citer Nelson Mandela
Nul doute que, si Nelson Mandela était encore en vie, il aurait presque pu revendiquer la co-signature de cet ouvrage. Pas un chapitre ou presque n’échappe au procédé de la citation du grand homme sud-africain. Sur le pardon, sur la détention, sur la souffrance face à un régime autoritaire, etc… De l’introduction à la fin du récit, la référence à l’Afrique du Sud est partout.
Charles Blé Goudé écrit notamment : « Si De Gaulle est rentré dans l’histoire (…), si Winston Churchill a su se faire adopter par les Anglais (…), si les noms de Georges Washington, Kennedy et Martin Luther King s’écrivent en lettres d’or dans l’histoire des États-Unis d’Amérique, si l’histoire personnelle de Nelson Mandela a finalement épousé celle d’une Afrique du Sud pré et post-apartheid, c’est justement parce que, par leurs choix (…), ces figures emblématiques nous ont clairement montré que nous ne sommes pas obligés d’accepter le monde tel qu’il est, mais que nous devons tous jouer un rôle pour le rendre tel qu’il devrait être. » On sait désormais à quel destin rêve Charles Blé Goudé.