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-La situation redevenait calme en fin d’après-midi. Lundi, le commerce va reprendre dans les petites échoppes de Kintambo et des Kinois retourneront boire des bières à Matonge. Jusqu’à la prochaine marche? Les prochaines élections présidentielles ne sont pas prévues avant le 23 décembre.
“Elle n’est pas morte pour rien. C’est une martyr”, lance Jean-Claude qui s’improvise porte-parole du clan dans la cour de la résidence familiale, à Kinshasa.
Elle, c’est sa grande sœur, Deshade, 24 ans, aspirante à la vie religieuse, qui vient d’être fauchée par une rafale de balles devant la paroisse Saint-François de Salles, à Kintambo, un quartier populaire de la capitale de la République démocratique du Congo.
La jeune femme de 24 ans aux tresses noires et marrons, qui sourit à la vie sur un selfie présenté par ses proches en pleurs, est l’une des six victimes de la répression des marches des catholiques contre le maintien au pouvoir du président Joseph Kabila.
“Des soldats ont tiré au moins cinq balles. Ma grande sœur a perdu beaucoup de sang”, poursuit Jean-Claude.
C’est une femme officier qui a donné l’ordre de tirer le coup de rafale fatale, accusent des témoins.
Derrière le frère, parmi les femmes qui hurlent de douleur, un membre du clan se tait. Le père. “Je ne peux rien dire, je suis officier de police. Dieu jugera”, soupire l’homme, acteur malgré lui d’une tragédie congolaise.
Saint-François, Christ-roi, Saint-Joseph, cathédrale Notre-Dame…: dans la capitale aux 160 paroisses, les fidèles ont défié les forces de sécurité et marché après les messes pour dire non à la prolongation du pouvoir du président Kabila, dont le dernier mandat a expiré le 20 décembre 2016.
Contrairement à la précédente marche du 31 décembre, les catholiques ont résisté après les premiers tirs de gaz lacrymogènes.
Pneus brûlés, poubelles renversées, rues barricadées, le quartier de Kintambo, l’un des plus vieux de Kinshasa avec ses petites échoppes à un étage, a été l’un des centres de la colère populaire.
Des jeunes, des femmes, des hommes ont marché rameaux à la main, entonnant des chants anti-Kabila, au nez et à la barbe des policiers.
“Ils nous tueront ensemble”
“Qu’il parte! Il ne fait que tuer les gens, on n’en peut plus”, hurle un jeune homme d’une vingtaine d’années. “Kabila doit partir, nous n’allons plus lui laisser du temps”, lance un autre.
L’espace d’une matinée, “Kin-la-belle”, la troisième mégapole africaine qui déborde d’énergie malgré la misère, a renoué avec les heures sombres de son histoire.
Plus loin dans un autre quartier, à Lemba, un homme en civil se promène à l’arrière d’une moto en tirant des coups de feu en l’air. La scène se déroule en face du camp militaire “Mzee Kabila”, en référence à Laurent-Désiré Kabila, père de l’actuel président, assassiné il y a tout juste 17 ans en janvier 2001.
A une vingtaine de mètres, un groupe de jeunes en colère défient des policiers, visiblement débordés.
Les marches ont commencé à la fin des messes, comme dans la paroisse Saint-Joseph de Matonge, quartier connu en temps ordinaire pour ses bars et ses boîtes.
“S’il arrivait qu’on nous menaçait, restons unis et s’ils veulent nous tuer, ils nous tueront ensemble”, donne pour consigne à l’assistance un responsable laïc avant la marche.
La procession sort, les fidèles arrachent des branches d’arbres pour les agiter comme des rameaux de paix, derrière un enfant de chœur qui porte le crucifix.
Après 100 mètres, les cantiques religieux s’arrêtent net aux premiers coups de gaz lacrymogènes.
“Je voudrais qu’on appelle à une nouvelle marche même dans trois jours. Il faut continuer à faire pression sur ce pouvoir”, s’emporte Jean-René, un fidèle.
“Nous avons tenu tête aux policiers malgré leur brutalité”, se félicite Néhémie, un spécialiste en communication numérique, sonné par les gaz lacrymogènes.
Dans une autre paroisse, Christ-Roi, les fidèles ont marché sur près de deux kilomètres, avant de recevoir des tirs de lacrymogènes et de balles réelles.
Ils ont répondu par des jets de pierre. Après un quart d’heure d’affrontement, le curé leur demande de regagner l’enceinte de l’église ou de retourner chez eux.
“Le pays va bien, la police est très gentille”, ironise un policier qui contrôle l’équipe de l’AFP à l’un des très innombrables barrages déployés dès l’aube.
Avec AFP