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C’est une histoire digne d’un thriller historique que conte Michel Bouffioux dans la dernière livraison de “Paris Match”.
Le journaliste a pu voir, à l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique (IRSNB), une boîte dans laquelle se trouve le crâne de Lusinga Iwa Ng’ombe, chef congolais de la région du lac Tanganyka, qui refusa, en 1884, de se soumettre à l’autorité d’Emile Storms, à l’époque lieutenant belge. Celui-ci avait été chargé par le roi Léopold II de diriger la quatrième expédition de l’Association internationale africaine.
De cette expédition, qui préparait la Conférence de Berlin du 26 février 1885, au cours de laquelle le Congo fut livré à Léopold II, Emile Storms revint, passablement épuisé, fin 1885. Il alla ensuite de conférence en conférence, expliquant sa mission “pacificatrice” et rendant hommage au Roi “qui a largement contribué à la civilisation de l’Afrique centrale”.
Les membres de la société d’anthropologie de Bruxelles feront des exposés sur les… trois crânes ramenés du Congo par Storms, explique Michel Bouffioux. C’est que la “craniologie” bat alors son plein. Il s’agissait d’une discipline de l’anthropologie physique consistant à mesurer des crânes, à les comparer et à tirer de tout cela des conclusions sur la supériorité de certaines races ou cultures.
Selon le journaliste de “Match”, ces exposés sont teintés de racisme et les récits de Storms révéleraient une violence assumée dans la manière dont lui et ses troupes ont “colonisé” la région.
C’est avec ostentation que l’officier montre son “butin” de guerre, les crânes donc, mais aussi des statuettes que la veuve d’Emile Storms (mort en 1918) confiera, dans les années ‘30, au futur Musée royal de l’Afrique centrale, à Tervuren. Les crânes ne furent, on s’en doute, jamais exposés. Ces restes humains furent transférés en 1964 à l’IRSNB. Ils y furent rangés et… oubliés.
Restituer les crânes ?
Michel Bouffioux a décidé de s’intéresser à nouveau au dossier. Le conservateur de l’IRSNB n’a fait aucune difficulté pour lui montrer les crânes de Lusinga et celui d’un autre chef, appelé Malibu. Le troisième crâne, celui du chef Mpampa, a, lui, disparu. Le fait que les noms de ces individus soient connus n’est pas indifférent. En 2016, à une question du sénateur Bert Anciaux (SP.A) portant sur l’existence de restes humains dans les établissements scientifiques fédéraux, la secrétaire d’Etat Elke Sleurs (N-VA) avait répondu qu’on ne connaissait pas le nom des Africains auxquels appartenaient ces restes.
Michel Bouffioux prouve donc le contraire et se pose désormais la question de la restitution des crânes aux familles des victimes mais aussi de la restitution aux autorités africaines des objets d’art, comme les statuettes ramenées par Emile Storms, dérobés aux populations locales. Une question récemment posée en France par le président Macron en personne.
En Belgique, l’article de “Match” risque d’obliger les politiques à rouvrir le débat.
Avec La Libre Belgique