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Football Leaks : quand le pouvoir sportif capitule face aux clubs les plus riches

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On savait déjà que l’UEFA avait largement perdu la partie du Fair-play financier (FPF). Les révélations des Football Leaks sur ses « négociations » avec le PSG et Manchester City – selon l’enquête de l’European Investigative Collaborations publiée par Mediapart – montrent l’ampleur de sa capitulation.

Dans ce dossier, l’objet « technique » du débat est inchangé : il est toujours question de l’évaluation des contrats de sponsoring conclus avec des entités liées aux États du Qatar et d’Abou Dhabi, levier de financement essentiel pour ces clubs (1,8 milliard d’euros en six ans pour le premier, 2,7 en sept ans pour le second).

Pour les accusateurs, il s’agit d’un moyen de déguiser le budget avec des contrats considérablement surévalués, ce qu’étayent les expertises, et de contourner les contraintes du Fair-play financier de l’UEFA (FPF). Pour les dirigeants du PSG, le bénéfice – en termes d’exposition médiatique mondiale du Qatar et de ses entités – est tel qu’il n’est pas possible de les comparer avec des contrats classiques, invoquant la notion de « nation branding ».

LE FANTÔME DU FAIR-PLAY FINANCIER

On peut défendre la thèse parisienne, mais pas avant de s’être demandé par quelle folie on est arrivé à une situation où un club de football devient l’instrument des stratégies géopolitiques d’un État. En attendant, l’autre volet du débat concerne le Fair-play financier, auquel les révélations vont peut-être porter le coup de grâce.

S’il a eu le mérite de susciter un assainissement massif des comptes des clubs professionnel européens, en réduisant considérablement leurs pertes, le Fair-play financier n’a quasiment eu aucun effet en termes de régulation, du moins si l’on attendait de lui qu’il limite un peu le creusement des écarts de puissance économique en faveur d’une hyper-élite qui s’enrichit continûment.

Tout au plus a-t-il eu, et ses détracteurs (dont le PSG) le lui reprochent aussi, pour effet de figer les positions en empêchant les nouveaux entrants d’acheter leur entrée dans ce cercle fermé. De manière très relative puisqu’on apprend que ceux-ci ont pu négocier l’aménagement des règles et des sanctions pour que chacun sauve les apparences – même si l’important contrat du PSG avec Qatar Tourism Authority (145 millions par saison) est interdit par la chambre d’instruction de l’UEFA pour les prochains exercices.

Car ce que révèlent les documents de Football Leaks ne porte pas tant sur ces éléments connus que sur le caractère fantoche de ce FPF, objet de négociations et d’arrangements entre les clubs concernés et la tête l’UEFA – en shuntant l’autorité indépendante censée enquêter et l’appliquer, l’Instance de contrôle financier des clubs (ICFC). En résumé, le PSG et Manchester City ont moins eu à se conformer aux exigences du FPF que le FPF à se conformer aux leurs.

L’ABDICATION DE L’UEFA

Les raisons de la complaisance, voire de l’allégeance de l’UEFA sont de plusieurs ordres. D’abord, la menace de recours contre le FPF, mal sécurisé juridiquement et dont l’existence pourrait être menacée devant les tribunaux. Appliquant une nouvelle version de la « stratégie du choc », les clubs riches pourraient en profiter pour s’en débarrasser.

Ensuite, le simple intérêt à ne pas se fâcher avec ces puissances qui pèsent sur le football par bien d’autres biais que les clubs dont elles sont propriétaires. Ainsi, non seulement le Qatar finance une des équipes all-stars qui alimentent le grand show du football actuel, mais il investit en tant que diffuseur et organise la prochaine Coupe du monde.

Les clubs sanctionnés, même a minima, n’ont pas de raison d’apprécir le Fair-play financier. Ceux qui le trouvaient au contraire laxiste vont s’ulcérer de ces passe-droits. Les uns vont appeler à sa liquidation, les autres à son renforcement. On ne saura pas à qui donner la palme des pratiques anticoncurrentielles.

Pour Jean-Claude Blanc, directeur général du PSG, « la liberté d’investir existe partout, ce serait bien que ce soit le cas dans le football » (Canal+). Cette « liberté » est presque totale dans le football, mais le club parisien a quand même voulu contourner la seule contrainte existante…

LA DÉRÉGULATION AVANT LA SÉCESSION

Les blasés adopteront la posture fataliste de rigueur, en ne voyant « aucune surprise » dans ses révélations. La connaissance des faits et de leurs principes ne devrait pourtant pas amoindrir la colère qu’ils suscitent. Moins à propos de ces dernières péripéties, aussi graves soient-elles, que contre ce qui en est à l’origine.

Depuis vingt-cinq ans, toutes les évidences de la libéralisation forcenée du football et de ses conséquences sont sous nos yeux : rupture tragique de l’équité sportive, ignorance de tout intérêt collectif, destruction méthodique des digues empêchant la logique économique de s’imposer de plus en plus à la logique sportive. Et, donc, généralisation du « dopage financier ».

Dans cette affaire, on sait aussi que l’UEFA a cédé devant la sempiternelle menace d’une Ligue privée, agitée par l’oligarchie, lui concédant reformes sur réformes à son avantage, à commencer par celles de la Ligue des champions.

Une « Super ligue », dont l’objectif est d’accaparer encore plus de revenus à leur profit exclusif, et dans laquelle – apprécions le cynisme – le PSG et Manchester City seraient bienvenus, selon un autre pan des Football Leaks qui dévoile l’avancement de discussions secrètes entre les clubs désireux de faire sécession.

DÉMISSION COLLECTIVE

Rien de tout cela n’aurait été possible sans la résignation et la passivité générales. Les pouvoirs publics, en tout premier lieu la Commission européenne, ont estimé qu’ils pouvaient livrer le sport professionnel au marché, lui déniant toute spécificité susceptible d’imposer une régulation – l’arrêt Bosman constitue à ce titre le principal symbole d’une doctrine globale du laisser-faire.

Les fédérations et les ligues nationales, les confédérations (UEFA et FIFA) ont cédé à leur propre cupidité devant la possibilité de recettes de plus en plus faramineuses. L’UEFA a aussi payé son affaiblissement politique face à des clubs de plus en plus autocratiques.

Les principaux médias spécialisés, eux-mêmes intéressés au développement de cette industrie (en tant que diffuseurs, pour les télévisions), sont restés spectateurs ou complices de ces évolutions, renonçant aussi bien à les exposer qu’à les critiquer.

Tous ont trahi les valeurs les plus élémentaires du sport dont, tous, ils se réclament pourtant. Aujourd’hui, les pouvoirs économiques ont pris le pouvoir au point d’imposer leurs conditions au pouvoir sportif, sommé d’avaler en silence ses principes et sa part du gâteau. Le pouvoir politique est porté disparu. Le football, du fait même de sa prospérité, est dans un état critique.

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