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Le style des documents « signés » par le Pasteur-conseiller du « roi »


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Par J.-P. Mbelu

Depuis la semaine dernière, deux documents liés à la Présidence de la République (dite) Démocratique du Congo circulent sur Internet. Le premier a pour objet la « stratégie de l’ennemi pour faucher le Président Joseph Kabila » et le deuxième l’« espionnage de la Maison civile et vol d’archive officielle et secrète ». Ces documents peuvent ne pas porter de « signature officielle » du Pasteur-conseiller du « roi », mais ils sont écrits dans un style propre à une catégorie de pasteurs  et surtout à celui de certains  pasteurs des églises de réveil.

Notre article s’intéresse à ce style. Il nous semble faciliter la compréhension du fonctionnement (et/ou du dysfonctionnement) des gouvernants aux affaires chez nous. Tous les deux documents  sont « riches » de citations bibliques. Le premier évoque la sagesse biblique liée à l’accession, à la gestion du pouvoir ainsi qu’aux « mesures disciplinaires du Créateur et Auteur du pouvoir ».  Le deuxième compare l’initiative de dénoncer « la stratégie de l’ennemi » à celle  de « Mardochée  face à la criminalité des eunuques Bigthan et Théresh ainsi qu’à la faillibilité du système vindicatif de Haman, conformément » à certains versets bibliques tirés du livre d’Esther.

Dans le premier comme dans le deuxième document, les institutions issues des élections dites libres, transparentes et démocratiques de 2006 disparaissent au profit d’une seule, la Présidence ,  et de sa Maison civile.  La « stratégie de l’ennemi pour faucher le Président Joseph Kabila » n’est communiqué ni aux instances judiciaires, ni à l’Assemblée nationale.  La Maison civile croit que cette question doit être réglée par «  le roi ». Et les versets  bibliques confortent le Pasteur-conseiller du « roi » en cette matière. Il partage avec « le roi » les convictions selon lesquelles « il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu ». Il ajoute : « Celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu  a établi, et  attirera une condamnation sur lui-même. »  (cfr Romains 13, 1,2 et 7). Le Dieu du Pasteur-conseiller du « roi » est Celui qui a « créé l’ouvrier qui fabrique une arme pour son travail, mais qui a aussi créé le destructeur pour la briser. » 

Dans le premier document, le Pasteur-conseiller du « roi » énumère « les mesures disciplinaires du Créateur et Auteur du pouvoir ». L’application de ces dernières sert le  pouvoir du « roi ». Dans l’extrait de Jérémie 27, 6-8, le Créateur dit : « Maintenant, je livre tous ces pays entre les mains de Nebucadnestar, roi de Babylon, mon serviteur (…) Je châtierai la nation qui ne se soumet pas à Nebucadnestar par la famine et la peste, jusqu’à ce que je l’aie exterminée par ma main. »

Les extraits bibliques cités trahissent un  langage martial caractéristique de  celui utilisé souvent dans gestion des affaires publiques par les gouvernants actuels.  « Le roi » est créé par Dieu pour briser l’arme de l’ouvrier et sa cour doit « ôter le méchant de devant le roi ».

Dans le deuxième document, en dénonçant « le comble de la ruse de l’Ambassadeur Katumba », le Pasteur-conseiller du « roi » soutient que son initiative est bibliquement fondée. Et que réclame-t-il bibliquement pour « le rusé » ? Citant un extrait du livre d’Esther, il écrit : « Qu’on prépare un bois haut de cinquante coudées, et demain matin demande au roi qu’on y pende Mardochée ; puis tu iras joyeux au festin avec le roi. (Comble de barbarie !) Cet avis plu à Haman, et il fit préparer le bois. »

Ce recours à la Bible nous aurait laissé indifférent si le député national, Kiakwama  Kia Kiziki, n’avait pas,  indépendamment de ce dossier, de l’intérieur des institutions actuelles, révélé la façon dont fonctionne la majorité au pouvoir depuis 2006. Dans une conférence tenue à Montréal le 24 juillet 2010, traitant  de la Majorité parlementaire et de son émanation, le Gouvernement, Kiakwama disait : « Au-delà de sa structuration et de son organisation, qui ne correspondent pas aux défis actuels posés par la démocratisation et surtout le développement de notre pays, notre gouvernement est affligé d’une tare congénitale et rédhibitoire ; il pense être de droit divin, et agit comme tel. Ceux qui nous gouvernent pensent tout savoir mieux que personne. Ils ont tout compris, font tout à la perfection et refuse donc toute critique, tout débat contradictoire public, tout contrôle, toute remise en question. Le Gouvernement et sa majorité au Parlement développent une mentalité de forteresse assiégée qui induit une crispation des rapports politiques, néfastes à la construction d’une démocratie apaisée. A mon sens, l’instauration des 5 piliers de la Démocratie dont je ne cesse de parler devrait faire l’objet d’un consensus minimum, mobilisateur de toutes les énergies, car ils sont des conditions nécessaires à la Démocratie et au Développement, mais certainement pas suffisantes. » (Nous soulignons.)

Avoir au niveau de « l’autorité morale » un Pasteur-conseiller aide celle-ci  à asseoir son pouvoir et celui de ses dépendants sur « un choix divin ». Comment, des gouvernants convaincus de détenir leur autorité de Dieu peuvent-ils accepter de soumettre son exercice au débat contradictoire public, au contrôle et à la remise en question ? Cela étant, posons la question de savoir sur quoi repose cette conviction ?  Elle reposerait sur une falsification des résultats électoraux. Le choix divin ayant été porté sur « l’autorité morale de l’AMP » avant sa naissance, les élections de 2006  n’ayant pas réussi à le confirmer ont été « arrangées » autrement afin que  l’élection divine triomphe. Les témoins en sont les Pasteurs.

Cette approche divinisante de l’autorité et du pouvoir qui en découle n’est pas partagée par plusieurs autres Pasteurs dont l’Abbé José Mpundu, ami du prophète de la Justice Sociale , Amos.

Dans sa conférence tenue à Kingasani (Kinshasa) le 29 juillet 2010 (et intitulé Et la femme congolaise engendra un autre Congo), il soutient que le Congo actuel est dirigé par la maffia politico-financiè re ; et non par « les élus de Dieu ». Citons-le. « Une lecture attentive de l’histoire de notre pays, avoue José Mpundu, nous montre que le Congo, hier et aujourd’hui, est le pays des autres. En effet, depuis que Léopold II s’est approprié la terre de nos ancêtres et en a fait son domaine privé qu’il légua ensuite à la Belgique , son pays, le Congo ne nous appartient plus. Si hier, il était une colonie belge, aujourd’hui, cinquante ans après l’indépendance, notre pays est devenu plus que jamais une « no man’s land » où toutes les grandes puissances viennent se servir à leur aise. En somme, notre pays est devenu une « colonie internationale ». Il est dirigé par la « communauté internationale » qui n’est autre chose que la maffia politico-financiè re internationale qui mène le monde d’aujourd’hui. »

A son avis, « Dieu n’est pas le tout-puissant qui vient justifier tous les pouvoirs autocratiques et dictatoriaux qui se réclament de lui.» José Mpundu s’en prend à une approche de Dieu qui en fait un bouche-trou, en ces termes : « Dieu n’est pas celui qui va faire tout à notre place et n’est pas le bouche-trou de nos ignorances. Il a confié la pleine responsabilité à l’homme pour poursuivre l’œuvre de création qu’il a commencée. Il ne peut rien faire sans la collaboration de l’homme. » Et pour lui, « le pouvoir est un service pour la croissance et l’épanouissement de tout l’homme et de tous les hommes. Il ne peut être considéré comme venant de Dieu que dans la mesure où celui qui l’exerce le fait dans un esprit de service. D’où les modes d’exercice de pouvoir qui sont  tyranniques, autocratiques et dictatoriaux dans la mesure où ils oppriment l’homme ne viennent pas de Dieu. » Cette autre approche conduit à la promotion des valeurs de l’égalité et de la liberté dans la pratique de l’autorité et dans la gestion de la chose commune. Elle peut être apprise.

C’est le député Kikwama qui, au cours de la conférence susmentionnée, rappelle que la démocratie relève (aussi) de la culture. De celle que nous avons acquise au contact avec l’Occident mais aussi de celle que nous devrions hériter de nos ancêtres pour une gestion idoine de la chose commune. Mais qui se réfère encore à la culture de nos ancêtres ? Tout se passe comme si l’approche biblique de l’exercice du pouvoir n’était pas plurielle, (culminant, pour les chrétiens dans l’identification du pouvoir au service fraternel) ; tout se passe comme si avant la Bible et l’invasion de nos terres par les négriers et les autres colons, nos pays n’avaient pas étaient gouvernés !  C’est d’un.

De deux, les deux documents étudiés prouvent à suffisance que la Constitution de 2006 ne sert à rien dans la gestion réelle du pouvoir actuel. Celle-ci est laissée à la discrétion du « roi » et de « sa cour ».

De l’analyse de ces documents, il ressort que dans l’imaginaire de « hauts fonctionnaires de notre pays », le Congo actuel n’est pas un pays démocratique ; il est   fondé sur une théocratie taillée sur mesure et  fondamentaliste ; au service de la mort et de la prédation. Un pays où les conseillers de « la cour du roi » disent au peuple : « « Ne t’élève pas devant le roi, et ne prends pas la place des grands. » Si tu souffres de maladie et de faim, c’est par ta faute : tu ne veux pas te soumettre au roi. Tu n’as pas d’alternative : ou tu te soumets au roi ou tu meurs. » Comment rompre avec ce fondamentalisme religieux déresponsabilisant et obscurantiste marquant l’imaginaire de la majorité de nos gouvernants et de nos populations dans un monde où le capitalisme du désastre prospère là où triomphe la religion-opium ? Quand il n’y a pas de débat public promoteur de la solidarité et de la convivialité, de remise en question de la gestion de la chose commune ou de son contrôle ? Il y a là l’un des multiples défis à relever pour la re-naissance d’un autre Congo.

J.-P. Mbelu