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ParAnselme Nkinsi (IPS Africa)
— «Nous attendons l’eau depuis presque une semaine et la dernière fois que nous l’avions eue, elle est arrivée à 3 heures du matin pour repartir quelques heures après», se plaint Judith Kapenda, une mère de quatre enfants, dans la commune de Kintambo, à Kinshasa, la capitale congolaise. IPS a rencontré Kapenda devant sa maison le 11 juin, et comme elle, beaucoup d’autres attendaient le liquide précieux. Le spectacle qu’offrent régulièrement les habitants de toutes les communes de la capitale de la République démocratique du Congo (RDC) est désolant: bidons, bassins, seaux, bouteilles et récipients divers à la main, à travers la ville, cherchant de l’eau partout.
«Je suis allé un jour à Selembao (une autre commune) et la scène que j’ai vécue était horrible. Des hommes, des femmes et des enfants allaient à la recherche de l’eau. Cette situation m’a écoeuré puisque beaucoup de gens étaient dans la rue, à la recherche de l’eau», témoigne Michel Kalumvueziko, secrétaire exécutif provincial du Comité d’action de l’eau et de l’assainissement.
Au regard des nombreuses usines de captage d’eau – dont six pour alimenter les communes de Kinshasa – et qui appartiennent à la Régie de distribution d’eau (REGIDESO), une entreprise publique, les gens ne comprennent pas l’ampleur de la pénurie d’eau observée dans la capitale.
«J’habite Bumbu, une commune de Kinshasa-ouest. Cette partie de la ville n’est pas alimentée en eau potable alors qu’il existe un site de stockage d’eau à Selembao (une commune voisine de Bumbu), déclare à IPS, Fidèle Ipama, chef du quartier Mbandaka.
La pénurie d’eau de ces derniers mois n’épargne aucune couche de la population. Quand l’eau manque dans le quartier, ceux qui ont de véhicule transportent des récipients à leurs lieux de travail. Si hier, cette besogne était réservée aux femmes et aux enfants, aujourd’hui, même les hommes en cravate, qui ont des domestiques chez eux, s’en mêlent.
«Je connais beaucoup d’amis dont les véhicules de service font des navettes pour ramener l’eau à leurs domiciles. A l’Université de Kinshasa, les professeurs puissent l’eau au bâtiment administratif. Ils viennent avec leurs bidons et autres récipients pour puiser de l’eau sur le campus. Parfois, ils vont du côté de la Faculté des sciences», explique à IPS, Félicien Kabamba Tino, chef de travaux dans cette faculté.
«Personnellement, j’ai eu à recevoir un ami qui est venu du Plateau des professeurs (un quartier pour les enseignants) pour puiser de l’eau chez moi à la maison à Lemba», indique Fidèle Mwaku, professeur assistant à l’Université pédagogique nationale.
Partout, plusieurs chefs de famille ou de service font cela pour se tirer d’embarras, souligne Mwaku qui déplore, par ailleurs, les montants souvent trop élevés des factures de consommation d’eau. Il est parfois surprenant de constater que même là où l’eau n’arrive qu’une fois par semaine, les abonnés reçoivent des factures. Les ménages qui consomment moins d’eau payent le même montant que ceux qui font de réserve de plusieurs jours.
«L’eau n’arrive que la nuit. Si vous ne vous réveillez pas à temps, vous la manquez. Et là, ma famille est obligée de se procurer l’eau ailleurs moyennant 100 francs congolais (FC), l’équivalent d’un dollar américain pour un bidon de 20 litres», explique Joseph Lubamba, un abonné. «Je dois payer presque 80.000 FC, soit 90 dollars pour dix mois de consommation. Qu’est-ce qui m’encouragerait à payer beaucoup d’argent pour de l’eau que je puise rarement», s’interroge-t-il.
Cette situation de pénurie d’eau à Kinshasa apparaît comme un paradoxe puisque la ville et même la RDC dispose de l’un des réseaux hydrographiques les plus enviés au monde, avec notamment le fleuve Congo (4.640 km), le deuxième du monde par l’étendue de son bassin et par son débit.
Conséquences de la pénurie: des maladies d’origine hydrique affectent plusieurs familles démunies. «Il s’agit d’un problème sérieux pour la ville», déclare à IPS, Franck Kimbembe, directeur de la direction de distribution d’eau à Kinshasa-ouest. Le problème d’eau est lié actuellement à la situation des travaux des «Cinq chantiers de la République».
Selon Kimbembe, toute la ville de Kinshasa est en chantier, avec des travaux qui sont exécutés ça et là et qui obligent parfois la REGIDESO à suspendre et à déplacer son réseau de transport d’eau au niveau de certaines artères principales. «De plus, l’absence répétée de l’énergie électrique porte un coup dur à l’effort de notre service consistant à satisfaire les attentes de nos abonnés en eau potable car nos usines travaillent avec de l’énergie électrique», ajoute-t-il.
Jean-Pierre Ntombolo, chargé de la communication à la Cellule d’exécution des projets relatifs à l’eau à la REGIDESO, estime qu’avec le temps, la situation va se décanter et s’améliorer au fur et à mesure que les différents projets seront achevés. Les projets d’alimentation en eau potable en milieu urbain, et d’assainissement en milieu semi-urbain sont financés par la Banque mondiale, la Banque africaine de développement, et la Coopération japonaise.