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-“Ce jour-là, on était presque en deuil”. Luc Bagalwa, chef du département de géophysique de Lwiro se souvient de sa tristesse lors de l’éruption du volcan Nyiragongo en 2002: ses appareils de mesure n’avaient plus de papier pour consigner l’activité sismique.
Comme ses pairs du Centre de recherche en sciences naturelles (CRSN) installé dans cette localité de l’est de la République démocratique du Congo, à plus de 200 km au sud de ce volcan qui détruisit la moitié de la ville de Goma cette année-là, M. Bagalwa témoigne d’un enthousiasme communicatif à faire avancer la science mais déplore un manque criant de moyens.
Perché dans les hauteurs à une cinquantaine de kilomètres à l’ouest de Bukavu, la capitale du Sud-Kivu, le CRSN est un miracle. Il a survécu aux guerres et aux conflits armés qui déchirent la province depuis plus de vingt ans, et le tremblement de terre qui frappa la région en 2008 ne lui a causé que quelques fissures.
Avec sa succession de cloîtres décrépis, le centre a des airs de phalanstère. Construit en 1947 sous la colonisation belge treize ans avant l’indépendance du pays, Lwiro semble s’être figé dans le temps.
Le directeur général, Jean-Pierre Baluku Bajope, reçoit dans une vaste salle aux murs verts et lambrissés autour d’une gigantesque table en marqueterie entourée de chaises carrées tapissées de cuir. “Elle pèse douze tonnes”, précise-t-il. N’était-ce le grand portrait du président congolais Joseph Kabila en équilibre au-dessus de la cheminée, on se croirait cinquante ans en arrière.
Aujourd’hui, le centre accueille environ 120 chercheurs et emploie en tout près de 790 personnes en comptant les techniciens, le personnel administratif et les agents chargés de l’entretien des lieux et de 75 hectares de forêts, jardins et vergers au milieu des bananeraies et des champs de maïs, haricot et manioc cultivés par les habitants des environs.
De l’entrée, on aperçoit le lac Kivu en contrebas, du côté opposé, la ligne de crêtes du parc Kahuzi-Biega, repaire de gorilles menacés et de quelques groupes armés.
Pour M. Baluku, “la force [du centre] c’est que malgré les guerres, les agents n’ont pas quitté les lieux, ils ont continué à travailler”. Quand ils passaient par le CRSN, parfois pour y dormir, les militaires ou miliciens “ne touchaient pas, ils regardaient”, raconte-t-il, notant même un intérêt de leur part pour le travail des chercheurs.
– ‘Prix Nobel’ –
Aujourd’hui, l’Etat congolais paye les salaires. Pour le reste c’est au Centre de se débrouiller. Avec des financements internationaux et les recettes dégagées par les visites ou les frais versés par les chercheurs étrangers de passage, le budget tourne autour 5. 000 dollars par mois, dit M. Baluku, rêvant de pouvoir disposer du double.
Une ambiance studieuse règne dans la bibliothèque. Mis à part l’absence de publications récentes, l’endroit n’aurait rien à envier à une salle de lecture européenne.
Depuis quatre jours, l’électricité est coupée, comme cela arrive fréquemment pour ceux qui ont la chance d’en avoir au Congo. On s’enfonce dans un long couloir en s’éclairant à l’aide de son téléphone portable pour découvrir à l’étage l’herbarium : des milliers de spécimens de plantes locales soigneusement archivées dans des pochettes cartonnées empilées dans des armoires métalliques.
La RDC Congo est une énorme réserve de biodiversité. Dans la salle du laboratoire de rodentologie (étude des rongeurs), les chercheurs s’animent en parlant de leurs récentes trouvailles : l’identification d’une nouvelle espèce de musaraigne, et d’une autre de chauve-souris.
Malheureusement, pour la chauve-souris, on n’a trouvé qu’un seul exemplaire et elle est conservée à Chicago, l’équipe ayant financé la recherche étant américaine, dit Robert Kizungu, le directeur scientifique du centre.
M. Kizungu voudrait des fonds pour pouvoir financer des sorties sur le terrain mais il s’emballe quand on lui parle de sa chauve-souris : “C’est fantastique, vous découvrez quelque chose que personne n’a jamais découvert, c’est une contribution pour la science, d’autres personnes ont eu le prix Nobel pour cela !”
Au laboratoire de phytochimie, Melchi Kazadi Mizangi expose ses travaux sur des oléagineuses locales destinés à trouver de nouveaux aliments pour le bétail. En face, ses confrères entomologues étudient sur les tiques afin de trouver un remède aux maladies qu’elles transmettent au cheptel de la région.
Sur la table traînent les dernières publications des chercheurs. Selon M. Baluku, le centre a publié environ 70 articles dans des revues scientifiques internationales en 2014. Pour 2015, l’objectif est que chaque chercheur publie au moins une fois.
( Jeuneafrique)