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C’est seulement ce matin du dimanche 15 mai 2016, alors que je me trouvais au studio de la Rtnc 2 pour l’enregistrement de l’émission «Forum des Médias», que j’ai appris la nouvelle de votre décès.
Forte est sincèrement l’envie de te tutoyer, mais je ne sais pas le faire parce que vous avez été élevé en dignité. Vous étiez ministre et même député.
Je vous dois les honneurs de la fonction.
Excellence,
La dernière fois que nous nous sommes revus, c’était le 2 mai 2016, à l’occasion de la partie officielle des funérailles de Jules Shungu, à qui je venais, la veille, de réserver ma chronique intitulée «Voisin, Jules Shungu Wembadio» en tant que condisciple de classe à l’athénée de Victoire et coordonnateur administratif aux Editions Musicales Veve.
Quand je vous ai salué, vous avez gardé ma main plus longtemps qu’il n’en fallait. C’est du moins l’impression que j’ai eue puisqu’après moi, il se trouvait des gens qui voulaient poser le même geste.
Je retiens que vous m’avez fait le reproche de me manifester rarement et vous m’avez enjoint de vous voir en vos bureaux après les funérailles de Jules.
Ce jour-là, devant tout ce que le pays compte comme notabilités et devant toute la Nation, vous avez rendu à Shungu un bel hommage. Fait, notamment, de l’initiative de transformer la journée du 24 avril en «Journée de la rumba congolaise», de plaider auprès de l’Unesco pour que cette rumba devienne un «patrimoine de l’Humanité» et de faire aménager, dans l’aile du futur bâtiment de la Culture en construction aux côtés du Palais du Peuple (ex-Place Tembe na Tembe) un local pour «Effets personnels de l’artiste» ! Preuve, s’agissant de la première initiative, que vous avez cherché à dépolitiser cette date, pourtant mémorable, en ce qu’elle consacre l’annonce de la libéralisation politique avec la fin du monopartisme d’Etat.
Hélas, – et vous avez raison – le 24 avril génère une cacophonie politique lamentable surtout ces temps derniers.
Excellence,
Notre avant-dernière rencontre remonte à Sun City, en 2002. Quatorze ans se sont écoulés. Vous participiez au dialogue intercongolais en tant que membre du Rcd, et moi je couvrais ces assises pour le compte du journal «Demain Le Congo».
En aparté, je vous avais demandé pourquoi ce choix. Vous m’avez donné la réponse que je me interdits de révéler ici. Ce qui est au moins vrai, c’est que vous avez fini par créer votre propre parti politique : Adeco. Et vous êtes resté fidèle à Joseph Kabila jusqu’à votre mort.
Vous connaissiez le prix de la fidélité. Vous aviez été fidèle au maréchal Mobutu jusqu’à la liquidation du Mpr Parti-Etat le 24 avril 1990 et vous l’avez encore été jusqu’à l’annonce de son décès en décembre 1997, au Maroc.
Dès que vous vous étiez rendu compte des déchirements autour de ce qui restait Mpr fait privé, vous aviez pris la direction sage de vous retirer. On ne peut pas dire de ceux qui vous avaient poussé à quitter ce parti qu’ils lui ont redonné vie. Bien au contraire.
Excellence,
Vis-à-vis de Joseph Kabila, vous êtes demeuré également fidèle dès la formalisation de votre engagement de rejoindre l’Alliance pour la majorité présidentielle (Amp) et en y restant après sa transformation en Majorité présidentielle (Mp).
Vous siégiez au Bureau politique de la plateforme.
A l’heure du bal des chauves, vous n’avez pas rejoint la bande à Moïse Katumbi, constituée de Charles Mwando Simba, Gabriel Kyungu et Ado Banza, pour ne citer que les Katangais. Bien des observateurs de la scène politique vous ont même confondu avec ce dernier.
Votre dernier conseil au dernier gouverneur du Katanga, m’a-t-on rapporté, a été celui de l’inviter à éviter d’entrer dans l’entonnoir de la Justice. «Maloba ya moweyi», dit-on.
Excellence,
Je vous ai connu au début de la Transition 1990-1997. A la surprise générale, le maréchal venait de vous nommer premier vice-président et coordonnateur du Mpr fait privé. Vous n’étiez pas un béni oui-oui ! Pas du tout. Vous aviez du respect à son égard, mais vous lui disiez la vérité, selon votre conviction.
Pour l’anecdote, vous lui avait demandé pourquoi le choix d’Augustin Kisombe au poste de gouverneur de la ville de Kinshasa ! Mobutu, m’aviez-vous dit, ne voulait pas d’un maire intellectuel qui passerait son temps à débattre avec l’Opposition. Et vous lui aviez dit : «Maréchal, vous avez tort. La population kinoise a besoin de débat pour se faire une idée exacte de l’enjeu politique».
Conséquence : faute de débat, et en laissant l’initiative à l’Opposition, la rue kinoise n’a entendu qu’un seul son de cloche. Jusqu’au 17 mai 1997.
Excellence,
Ironie du sort ou non, la mort vous surprend la veille de la célébration du 19ème anniversaire de la chute du régime mobutien consacrant l’avènement de la révolution afdelienne. Elle vous surprend dans la même psychose de la crise politique, chauffée à blanc par les mêmes acteurs, ou presque. Notamment à la suite de l’arrêt de la Cour constitutionnelle par rapport à l’article 70 de la Constitution.
Votre voix, je l’ai entendue la dernière fois le 12 mai, justement à cette occasion. Vous avez relevé et souligné la respectabilité des membres de la Cour en citant même MM. Banyaku et Vundwawe, deux personnalités de grande valeur que vous connaissiez personnellement.
Opposants d’hier, Opposants d’aujourd’hui et Opposants d’hier et d’aujourd’hui, tout comme ceux de demain, le savent aussi. Après tout, il n’y a à proprement parler pas matière à débat puisque les 9 sages ont réservé une réponse juridique à une question juridique ! C’est tout ce que vous leur avez dit.
Excellence,
Au moment où votre pèlerinage s’achève sur ce plancher des vaches, s’il est un regret que je me dois de relever, c’est celui de voir le ministère de la Culture et Arts toujours réduit aux «bikeko».
En principe et en toute logique, il aurait dû être le premier de tous les ministères après la Primature. Car, en 56 ans bientôt d’indépendance, le pays, avec ses diversités culturelles, devrait se doter d’une Culture véritablement nationale. A l’instar de l’Occident avec la culture judéo-chrétienne, du Japon avec la culture nippone, de la Chine avec la culture chinoise.
«Un peuple sans culture est un peuple sans âme», dit-on.
Notre pays a raté ce rendez-vous avec le recours à l’Authenticité qui accru plutôt les antivaleurs au lieu de les enrayer.
C’est ce dont je voulais vous parler, Excellence.
L’homme propose, Dieu dispose, me voici, le cœur serré, réduit, moi également, à faire plutôt une oraison funèbre…
Adieu, Baudouin !
Omer
@omernsongo