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Angola:Abel Chivukuvuku sur RFI: «en Angola, les partis traditionnels ne sont pas à la hauteur»


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Abel chivukuku- Angola-C’est le troisième homme sur la scène politique angolaise. Et c’est l’homme qui monte. Il y a un an, Abel Chivukuvuku était encore, pour beaucoup, un inconnu. Mais aux législatives du mois d’août dernier, son tout nouveau parti, la Large convergence pour le salut de l’Angola (Casa), a réussi à se placer troisième, derrière le MPLA (Mouvement populaire pour la libération de l’Angola) et l’Unita (Union nationale pour l’indépendance totale de l’Angola). Le pétrole, les Américains, les relations avec Kinshasa : de passage à Paris, le numéro 2 de l’opposition angolaise répond sans tabou aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Pourquoi avez-vous rompu avec l’Unita ?

Abel Chivukuvuku : Parce qu’il fallait amener dans la vie politique angolaise un instrument nouveau, qui puisse garantir l’espérance. J’étais arrivé moi-même, personnellement, à la conclusion que mon rôle politique était fini dans l’Unita pour l’Angola.

Qu’est-ce qui vous différencie sur le plan politique ?

Vision, énergie, confiance. Parce que nous, à la Casa, nous avons la foi pour dynamiser le changement.

En fait, ce que vous dites, c’est que l’Unita est un vieux parti sclérosé. C’est ça ?

Les partis traditionnels ont joué leur rôle, et je pense que pour les défis de l’avenir, ils ne sont pas à la hauteur.

Oui, mais l’Unita a eu quatre fois plus de députés que vous !

L’Unita existe depuis presque quarante ans. Le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA, parti au pouvoir, ndlr) existe depuis presque soixante ans. Quand nous sommes allés aux élections, nous existions depuis seulement quatre mois. C’est un espoir ! Et je vous garantis que dans les cinq prochaines années, nous serons la force politique la plus relevante de l’Angola.

Donc en fait, votre objectif c’est de « manger » l’Unita ?

Non, notre objectif c’est de gouverner le pays, d’amener le changement. « Manger » le MPLA serait donc plus correct.

Vous avez obtenu huit députés aux dernières élections. Mais du coup, est-ce que vous n’avez pas divisé l’opposition et fait le jeu du parti au pouvoir ?

Au contraire. Le MPLA avait 80 % de l’électorat. Nous avons créé la Casa, et le MPLA a baissé. Le MPLA ne va pas faire la démocratie, parce qu’ils n’ont pas de conviction démocratique. Ils ne croient pas à ça. Et dos Santos (président de l’Angola, ndlr) l’a dit clairement, la démocratie lui a été imposée par la force.

Alors, il faut conquérir la démocratie en Angola ! Plus de 60 % de la population est très pauvre. La gouvernance, c’est la corruption, le despotisme. José Eduardo dos Santos est l’un des plus riches de l’Afrique. Sa fille est devenue la femme la plus riche. En dix ans ! Et tout le monde le sait.

 

Le MPLA ne peut-il pas s’appuyer sur les revenus du pétrole ? Ne vous sentez-vous pas tout petit, face à une telle puissance ?

Le MPLA s’appuie sur les revenus du pétrole. Et c’est exactement pour cette raison que le peuple ne va pas accepter cet état de choses continuellement !

Allez dans les bidonvilles des grandes villes, allez dans l’espace rural. La population souffre. A quoi sert d’avoir beaucoup de pétrole si la population est pauvre ?

Voilà trente-quatre ans que José Eduardo dos Santos est à la présidence. Il va peut-être bientôt partir. Est-ce que vous pensez que la bataille pour sa succession est une opportunité pour vous ?

Le changement est inévitable. Et nous voulons que ce soit la Casa qui l’emporte. La Casa n’a pas la lourdeur d’un passé de guerre. Elle n’a qu’un an d’existence.

Oui, mais vous étiez un camarade de Jonas Savimbi ?

Je l’étais. Mais je n’ai pas le poids des choses de la guerre ! Ça c’est l’histoire du MPLA et de l’Unita. Pas de la Casa !

Au moment de la prochaine succession du président dos Santos, pensez-vous que le MPLA va se déchirer ?

Le déchirement est inévitable, parce que les signes sont déjà là. Il y a ceux qui sont aujourd’hui au pouvoir et qui représentent la présidence et il y a le parti, les apparatchiks du parti.

Risque-t-il d’y avoir une guerre de succession entre les proches du président actuel, comme l’ancien Monsieur « pétrole », Manuel Vicente et les apparatchiks du MPLA ? 

Cette lutte du pouvoir est déjà concrète. Et à un moment où ils quittent le pouvoir, ça me paraît inévitable.

Et qui va l’emporter ?

De toute façon, nous espérons profiter de cet état de choses, et que ce soit nous.

 

L’armée de votre pays est l’une des plus fortes du continent. Si demain, le président dos Santos se retire, est-ce qu’elle ne sera pas l’arbitre ?

Non, elle ne le sera pas, parce que depuis la fin de la guerre, elle s’est retirée de la vie politique.

Et (on voit) la façon dont elle est construite aujourd’hui, avec des éléments qui sont venus des forces armées de et pour la libération de l’Angola (les Fala et les Fapla, ex-groupes armés respectivement du MPLA et de l’Unita, ndlr). Il faudra maintenir la cohésion des forces armées pour le bien du pays. Parce que sinon, ce sera problématique.

Vous craignez un retour de la guerre civile ?

Ce n’est pas possible d’avoir un retour à la guerre civile. Mais il faut garantir un changement avec stabilité.

Est-ce que l’autre force du MPLA, ce n’est pas le soutien dont il bénéficie, notamment à Pékin et à Washington ?

Aujourd’hui, le système et le régime sont discrédités partout. Même les affaires sont conditionnées ! C’est dos Santos (qui distribue), maintenant un peu pour Total, demain un peu pour Chevron, etc. Il joue les équilibres. Mais ce n’est pas une économie ouverte et libérale. Et c’est pour cela que je dis qu’aujourd’hui (que) la communauté internationale ne supporte pas le régime, elle le tolére seulement.

Pour l’enclave de Cabinda, quelle est la solution ? Le statu quo, l’autonomie ou l’indépendance ?

Dialogue et autonomie. Dialogue, pour en finir avec l’état actuel d’instabilité et de conflits. On ne va pas résoudre le cas du Cabinda avec les armes. Il faut établir un cadre d’autonomie, dans le cadre angolais. Je ne pense pas que le Cabinda soit viable en gagnant son indépendance. Avec l’Angola, avec la RDC, cela pourrait même susciter des conflits militaires entre ces pays, qui tous, réclament une certaine « proximité » avec l’enclave. Alors c’est pour cela que je pense qu’il faut quand même garantir le dialogue mais conserver un régime d’autonomie au Cabinda.

Et l’alliance politique aujourd’hui, entre le régime MPLA et le régime de Joseph Kabila à Kinshasa, est-ce une bonne stratégie ?

Je ne crois pas qu’il y a coopération. Ce qu’il y a, c’est une espèce de tutelle de l’Angola sur la République démocratique du Congo (RDC).

C’est-à-dire ?

C’est-à-dire que le gouvernement de la RDC n’est pas complètement indépendant. Ils doivent d’un point de vue stratégique, composer avec l’Angola. Sinon, ils ne peuvent survivre, à cause du Rwanda à côté, notamment. Tant qu’il y a la garantie que dos Santos est proche de Kabila, les Kagamé (président du Rwanda, ndlr) et autres de la région doivent être beaucoup plus prudents.

Y a-t-il aujourd’hui des militaires angolais qui stationnent au Congo-Kinshasa ?

Il y a des éléments de coopération pour la formation et pour la garantie de la sécurité du président Kabila.

Par Christophe Boisbouvier- rfi