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–Rencontre avec Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale, secrétaire général de la majorité présidentielle
Après avoir compté sur le développement du secteur minier, le Congo semble se tourner à nouveau vers l’agriculture…
Depuis Léopold II puis l’ère coloniale, l’agriculture représente la première génération des ressources du pays, les mines sont la deuxième. Aujourd’hui il nous faut passer à la troisième génération de nos ressources, les richesses stratégiques comme le coltan, mais aussi les forêts, les eaux douces et, une fois encore, l’agriculture… Ce sont ces ressources là qui feront du Congo un pays émergent en 2030, qui assureront la prospérité des générations à venir…
Il faut des projets structurants, ambitieux, comme à Bukanga Lonzo dans le Bandundu. Dans toutes les provinces, le gouvernement envisage de mettre des moyens pour développer des projets similaires.
Des documents officiels assurent que « le Congo a perdu la bataille contre la faim ». Que pensez vous d’un tel scandale ?
Je ne dirais pas que nous avons perdu, mais que nous avons connu beaucoup de vicissitudes, essentiellement les guerres récurrentes, les pesanteurs dans la gestion… Mais aujourd’hui nous sommes en train de mieux planifier la République, nous savons où nous allons. Un Etat avec autant de ressources naturelles que la RDC ne peut pas perdre la bataille de la pauvreté…
Désormais, l’argent obtenu proprement circule selon des critères acceptés. Aujourd’hui, pour être payé par l’Etat, il faut avoir suivi toutes les procédures prévues. Un million de fonctionnaires, dont 500.000 à Kinshasa, sont désormais régulièrement payés.
Pourquoi cette exigence de « cohésion nationale » née des concertations qui ont eu lieu en octobre dernier ? Pourquoi ne pas suivre le jeu normal « majorité/opposition » et alternance éventuelle à l’issue des élections ?
Lorsque le chef de l’Etat avait lancé les concertations nationales l’an dernier, cela répondait à deux objectifs, mettre fin à la guerre et améliorer la gouvernance. A l’époque, dans la majorité, certains estimaient qu’un simple remaniement suffirait, au niveau des partis au pouvoir afin de renforcer leur cohésion. Mais le chef a voulu aller plus loin parce qu’il ne peut pas accepter que l’on parle d’un « émiettement » de la RDC, aussi longtemps qu’il est Président de la République. Il doit donc tout mettre en œuvre, sur le plan structurel, pour que tout se passe de façon apaisée. C’est pourquoi nous avons organisé les concertations nationales auxquelles, malheureusement, certains amis de l’opposition ont refusé de prendre part. Aujourd’hui l’un des objectifs est déjà atteint, la fin de la guerre à l’Est. Cependant, le chef s’est engagé solennellement auprès d’une partie de l’opposition, celle qui a participé aux concertations, à l’associer au pouvoir. Autrement dit, si une partie de l’opposition du MLC (Mouvement pour la libération du Congo, présidé par Jean-Pierre Bemba) nous rejoint pour mieux organiser les élections, cela fait 75 députés qui s’inscriront dans la logique d’une meilleure organisation des élections et d’un renforcement de la stabilité nationale.
Je suis convaincu de la nécessité d’organiser les choses de manière à ce qu’après les prochaines élections, il n’y ait pas de troubles susceptibles de réveiller les passions post électorales.
Autant certains ont essayé de déstabiliser ce pays par la voie des armes, autant la « passion post électorale » peut être tout aussi dangereuse…Si nous pouvons construire un schéma avec l’opposition, en tous cas avec celle qui a accepté de participer aux concertations, pourquoi pas ?
Il faut trouver des mesures plus adaptées à la mécanique politique et cela prend du temps… Les recommandations des concertations nationales doivent être mises en œuvre mais en tenant compte de la dynamique actuelle.
Si je comprends bien, la nouvelle équipe gouvernementale devra préparer les prochaines échéances électorales…
Elle devra préparer ces échéances de manière à ce que les prochaines élections se déroulent dans un climat apaisé, avec un consensus acceptable qui nous évitera de tomber dans des schémas d’affrontements. Le chef se demande souvent si nous avons déjà atteint le point de non retour ..Il nous faut encore travailler pour éviter totalement la guerre…D’où l’idée d’associer l’opposition au pouvoir, déjà maintenant…
Dans notre pays, l’opposition a toujours souhaité participer au pouvoir. Nous sommes une jeune démocratie, un système où l’opposition doit se construire…
Ailleurs dans les « vieilles démocraties » l’opposition se construit dans l’alternance. Ici, ce serait plutôt dans le consensus, l’association au pouvoir…
Il y a deux impératifs ; organiser des élections, ce qui est clair car la RDC a réellement fait ce choix, pas sous la pression extérieure, pour faire plaisir à qui que ce soit mais pour nous-mêmes, parce que nous y croyons. Mais nous voulons aussi sauvegarder l’unité du pays, l’intégralité de nos 2.345.000 km2 de territoire…
L’un des piliers de cette unité, c’est notre armée, que nous n’avons pas encore fini de reconstruire, qui n’a pas encore atteint le niveau requis pour une armée républicaine. Dans un tel contexte, après une longue guerre, après des « mixages » ou « brassages » (ndlr. ce terme désigne l’intégration d’anciens groupes armés rebelles au sein de l’armée nationale) pas nécessairement réussis c’est un élément dont il faut tenir compte dans l’analyse globale de la problématique électorale, avoir une approche qui va au-delà de la seule majorité. Nous devons construire quelque chose avec l’opposition.
Notre situation demeure spécifique, il faut donc des mesures particulières propres au Congo, c’est pour cela que nous avons entamé les concertations. Le besoin pour l’opposition, de co-gérer avec la majorité s’explique aussi par le besoin de préserver l’unité de ce pays atypique qu’est la RDC.
Nous sommes en train d’asseoir notre jeune démocratie sur une culture où il y a une certaine tradition d’arbitrage, de consensus. Même la justice coutumière congolaise est fondée sur l’arbitrage. Il nous faudra peut être trois législatures pour asseoir un type de démocratie qui reflétera à la fois les standards universels en matière de démocratie et la particularité du peuple congolais qui tend vers cette culture du consensus, où les étiquettes fabriquées à l’étranger (droite, gauche…) ne valent pas. Le consensus doit aussi s’établir entre les différentes aires linguistiques qui sont aussi une réalité. C’est avec le temps que nous allons définir le modus vivendi approprié.
Après les concertations nationales il est entendu que le prochain gouvernement devra travailler davantage avec l’opposition pour préparer les futures échéances électorales.
Dans ce contexte peut on imaginer une vice-présidence qui serait confiée à l’opposition ?
Nous allons y réfléchir… Je n’affirme rien, mais dans l’hypothèse où il y aurait une vice-présidence, cela pourrait aussi être un instrument important pour répondre à la particularité congolaise. Mais rien n’est décidé à ce stade..
La particularité du schéma congolais
Cette idée est cependant sur la table..
En parler, ce n’est pas mauvais car il s’agît d’une hypothèse sérieuse…On en parle…
C’est une idée qui pourrait devenir le « schéma congolais » avant ou même après les élections… Il faut réfléchir, ensemble, avec les amis de l’opposition… Nous discutons beaucoup avec eux, avec ceux qui sont ouverts…
Dans les jours à venir, je vais aussi discuter avec ceux qui n’ont pas pris part aux concertations nationales, car face à un impératif aussi important que la stabilité du pays, il faut que tout le monde se parle.
L’incertitude qui se prolonge n’est elle pas dangereuse, elle aussi ? Les décisions ne se prennent pas, cela ne va plus durer..
Certes, cela ne va pas durer…Quand le fruit est mûr il tombe, tout va se préciser.. .Avant septembre, où nous reprendrons la session ordinaire de l’Assemblée, la décision devrait tomber.
Le chef de l’Etat s’est imposé une méthode, à l’aune de son expérience depuis 2001, de sa connaissance des hommes politiques congolais.. Il prendra une décision dans l’intérêt de la République…
Les jours du Premier Ministre Matata Ponyo sont comptés. Etes vous candidat pour lui succéder ?
Nous sommes de la même génération lui et moi, nous sommes entrés en politique à la même période. Son échec serait mon échec, nous ne sommes pas rivaux, bien au contraire : dans ma fonction à l’Assemblée nationale, je l’ai toujours protégé. Il y a eu des moments durs pour lui, où des motions étaient en l’air et, par principe, je l’ai toujours soutenu. Il ne s’agissait pas seulement de loyauté : il y a aussi le fait que j’appréciais le travail abattu par Matata, même s’il est très technique dans la finance alors que l’appréciation de l’appareil de l’Etat dans sa globalité, la conjugaison des différentes priorités, c’est toujours politique.
Par rapport à mon éducation, reçue de ma mère et de mon père, par rapport aux réalités du pays, je n’ai jamais demandé au chef de l’Etat de recevoir le poste de Premier Ministre. Je l’ai répété à Matata Ponyo, pour qu’il en soit certain…Ici, je suis bien dans ma peau, j’ai du travail à faire, je me bats à l’Assemblée, pour mon parti, pour mon pays…
Il est vrai que ma position est moins exposée que celle du Premier Ministre…
La théorie de la ligne ineffaçable
Cela étant, par rapport à d’éventuels changements institutionnels, vous jouez un rôle pivot…
J’ai un rôle important, c’est vrai, ne serait ce que pour conseiller le chef de l’Etat, et je ne tremble pas devant lui. Je ne peux que lui présenter les conséquences positives ou négatives de toute décision…. A l’université, chacun devait présenter sa théorie : la mienne, c’était la théorie de la ligne ineffaçable. Je parlais du Congo : nous avons connu la conférence de Berlin, en 1885, nous avons connu Léopold II, la colonisation, connu Lumumba et sa manière ineffaçable de s’exprimer, connu Kasa-Vubu et bien sûr Mobutu…
Quand vous voyez l’acte de Berlin, en 1885 vous constatez que les Américains ont joué un rôle, que la France avait un droit de préemption…Il faut savoir évaluer les rapports de force et, éventuellement, travailler pour les changer, c’est toujours possible.
J’ai quatre projets de loi importants à présenter, sur la loi électorale, susciter une certaine cohésion non seulement avec l’opposition mais aussi avec la majorité. Il faudra aussi modifier l’article 97 qui parle de la possibilité du suffrage indirect pour l’élection des députés provinciaux…
A l’étranger, on connaît surtout l’article 220, qui concerne l’élection présidentielle et qui est « boulonné »…
A ce sujet, il faudra qu’une décision soit prise, et alors on appellera les conseillers…Il faudra en tous cas tenir compte de tous les paramètres, dont celui de l’armée.
Brassages et mixages ayant échoué, il faut savoir qu’un seul homme, aujourd’hui, a de l’ascendant sur tous les commandants, et il ne s’agît pas du chef d’Etat major ni de tout autre officier supérieur, mais du chef de l’Etat… Il est le seul qui, commandant suprême de l’armée, en connaît tous les rouages. Cette armée, en pleine recomposition, il ne faudrait pas la mettre mal à l’aise. Constituer une armée forte, avec une capacité dissuasive, pour un pays de cette taille, cela prend du temps, ce n’est pas en cinq ans qu’on peut le réussir, sinon, il y a beaucoup de risques de dérapages…
En outre, le dossier de l’Est du pays est loin d’être clos, rien n’est terminé. Des aspects militaires doivent encore être gérés…
Un autre président élu chercherait d’abord à se sécuriser lui-même, ce qui signifierait démanteler les bataillons actuels pour créer d’autres structures. Durant ces temps de recomposition, il apparaîtra peut-être que les velléités rwandaises ne sont pas terminées. Et ne parlons pas des Mai Mai, des Bakata Katanga…Il y a tellement de tensions en Afrique que l’on ne peut s’offrir le luxe d’une déstabilisation du Congo, qui serait provoquée par une « passion post électorale ». D’où la nécessité de maîtriser tous ensemble le processus post électoral, c’est un impératif qu’il faut bien faire comprendre.
Nous allons aussi défendre notre dossier sur le plan international en soulignant qu’on ne peut faire deux poids deux mesures, avoir un message pour le Congo, un autre pour le Burkina Faso, le Congo Brazzaville, le Rwanda…Il faut avoir le même degré d’exigence pour tout le monde…
De toutes façons, pour toute révision constitutionnelle, nous pensons qu’il faut passer par le « souverain primaire » c’est-à-dire le peuple, donc organiser un referendum…Mais le « go » n’est pas encore donné, même si la majorité présidentielle va bientôt révéler sa stratégie…
Propos recueillis à Kinshasa