-C’est un dossier tentaculaire et qui pourrait bien coûter leur carrière à un nombre considérable de politiciens brésiliens. L’opération « lavage rapide » lancée en 2014 par la police brésilienne n’est qu’un volet du scandale qui frappe la compagnie nationale de pétrole Petrobras. Mais il s’agit là du volet le plus complexe et qui touche certainement les personnes les plus connues de la scène politique. Luis Inacio Lula da Silva, plus connu sous le nom de Lula, ancien chef d’Etat brésilien, en fait partie. Il a été emmené ce vendredi matin pour être entendu par les enquêteurs pendant que son domicile faisait l’objet d’une perquisition. Alors qu’est-ce que l’affaire Petrobras et cette enquête « lavage rapide » ?
L’ancien président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a affirmé ne pas craindre la justice et clamé son indignation vendredi après avoir été interrogé dans les locaux de la police fédérale situés à l’aéroport de Congonhas, à São Paulo. Une interpellation qui intervient dans le cadre de l’enquête sur le scandale de corruption Petrobras qui bouleverse la classe politique brésilienne depuis plusieurs mois.
« Je me suis senti prisonnier ce matin », a déclaré Lula au siège du Parti des travailleurs (PT) devant des dizaines de militants agitant les drapeaux rouges du parti et des banderoles de soutien à Lula. « S’ils voulaient m’entendre, il fallait juste me convoquer et j’y allais. Je ne dois rien [à personne] et je ne crains pas » la justice, a souligné l’ancien chef d’Etat, reprenant le proverbe brésilien : « qui ne doit rien, ne craint rien ». L’ancienne icône de gauche qui a gouverné le Brésil de 2003 à 2010 a qualifié la perquisition à son domicile, puis son transfert au siège de la police, de « show médiatique plutôt qu’une enquête sérieuse ».
Les procureurs « ont rallumé la flamme qui m’habite ! La lutte continue ! », a lancé Lula comme un défi, faisant part à plusieurs reprises de son « indignation » face à ceux qui « veulent criminaliser le Parti des travailleurs, criminaliser Lula » par crainte que le PT reste au pouvoir. « Je ne sais pas si je serai candidat en 2018 » à la présidence, a-t-il lancé, promettant toutefois de parcourir le pays en défense du parti qu’il a fondé en 1980, vers la fin de la dictature.
Soutiens politiques
Le président vénézuélien, le socialiste Nicolas Maduro, lui a apporté son soutien via Twitter: « De cette attaque misérable tu sortiras plus fort, le Venezuela t’embrasse ». L’actuelle présidente, Dilma Rousseff, s’est indignée de l’interpellation « inutile » de son mentor, dans un communiqué. « Je fais part de mon désaccord complet sur le fait qu’un ex-président de la République, qui a comparu volontairement à plusieurs reprises pour être interrogé par les autorités compétentes, soit maintenant soumis à une interpellation inutile en vue d’un interrogatoire », a déclaré Mme Rousseff dans un communiqué.
Le « respect de la Constitution est la seule voie sûre pour le bon exercice des fonctions publiques et le respect des droits individuels », a poursuivi la présidente, ajoutant que son « gouvernement a assuré l’autonomie des organismes responsables des enquêtes sur la corruption, mais [a] toujours exigé le respect de la loi et des droits de tous ceux qui font l’objet d’une enquête ». « Il est nécessaire que les enquêtes se poursuivent pour punir ceux qui doivent être punis, mais dans un cadre républicain et démocratique », a insisté la chef de l’Etat.
« Faveurs »
Selon le procureur Carlos Fernando dos Santos Lima de l’Etat du Parana (sud), en charge de l’enquête, l’ex-chef d’Etat a bénéficié de « beaucoup de faveurs » de la part de grandes entreprises du bâtiment accusées de corruption dans le scandale Petrobras. « Les faveurs sont nombreuses et difficiles à quantifier », mais « personne n’est au-dessus de la loi dans ce pays », a martelé devant la presse le procureur, qui n’envisage pas de demander l’incarcération de l’ancien chef d’Etat à l’heure actuelle.
Un scandale sans fin
Avec des acteurs du monde économique et des membres de formation politique faisant partie de la coalition au pouvoir, le scandale Petrobras a tous les ingrédients pour faire vaciller un gouvernement. Et c’est bien ce qui pourrait arriver à Dilma Rousseff, qui fait l’objet d’accusations d’une partie de la classe politique.
L’opération « Lava Jato » – « lavage rapide » – lancée il y a de deux ans enquête sur un vaste système de corruption monté au sein de la compagnie pétrolière. Une affaire de pot-de-vin, de favoritisme qui aurait coûté à Petrobras selon les enquêteurs au moins deux milliards de dollars.
Petrobras et les géants du bâtiment et des travaux publics au Brésil auraient formé un cartel leur permettant de se partager un marché très lucratif tout en procédant à des surfacturations. En contrepartie de ces faveurs, la coalition gouvernementale de centre-gauche aurait touché des pots-de-vin qui auraient à leur tour servi soit à financer des campagnes électorales soit à enrichir des politiciens.
Des PDG, des hommes politiques, des intermédiaires et de nombreux hauts responsables du secteur privé et public sont déjà en prison dans le cadre de cette affaire. Et désormais c’est l’ancien président Lula qui est visé. Lula, mais également sa femme et son fils dont les noms revenaient régulièrement dans la presse ces derniers mois.
RFI