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Par Freddy Mulongo
La spéculation financière est le nouveau fléau pour les peuples d’Afrique, l’appropriation de terres par des Etats ou des investisseurs privés étrangers aggravera encore la catastrophe humanitaire environnementale que connaît le continent.
Où cet enfant africain plantera-t-elle ses arbres si la terre est vendue aux exploitants agricoles ?
Les pays riches et les grandes entreprises louent et achètent de vastes terrains dans les pays en voie de développement, pour y produire des vivres ou du biocarburant. En mars 2009, dix millions d’hectares de terres agricoles ont été proposés par le Congo à 1 300 agriculteurs sud-africains pour cultiver du maïs et du soja, élever de la volaille et des vaches laitières dans le pays, a annoncé Theo De Jager, vice-président d’Agriculture South Africa (Agrisa), lors d’une conférence sur l’agriculture à Durban.
Promesse de rapatrier les bénéfices pendant 99 ans leur aurait été faite. Ils ne paieraient rien également pour les engrais et le matériel qu’ils apporteraient. Que tout le monde se rassure : ceux qui auraient donné ne l’ont pas fait sans recevoir un intérêt ! D’abord il faut savoir que cette superficie représente une parcelle de 200 km de large sur 500 km de long !
Et où se situera ce cadeau royal offert pour 99 années à ces afrikaners sud-africains ? Va-t-il falloir raser des forêts ? Devra-t-on exproprier des villages entiers ? Deux fois la taille de la Suisse, 500 000 fois la taille de Monaco ? Après les paradis fiscaux, un paradis agricole serait donc offert aux afrikaners ! C’est sûr des emplois seront créés ! Mais des emplois d’ouvriers agricoles et de boys !
Au Kenya, les communautés d’agriculteurs et d’éleveurs du delta du Tana, ont réagi violemment lorsqu’ils ont appris que le gouvernement comptait louer une grande partie de ces terres côtières au Qatar. Après trois années de sécheresse consécutives, le Kenya est menacé par de graves pénuries alimentaires et par la hausse des prix. Mohammed Mbwana, fermier de la région et responsable de la Shungwaya Welfare Association, une organisation non-gouvernementale (ONG) locale, a expliqué que cet accord provoquerait le déplacement de milliers d’habitants. Au moins 150 000 familles issues des communautés de fermiers et d’éleveurs dépendent de ces terres, qui feraient partie de la plus grande zone humide du Kenya.
Selon les médias, les Mozambicains ont résisté à l’établissement de milliers d’ouvriers agricoles chinois sur des terres louées.
A Madagascar, les négociations engagées avec la Daewoo Logistics Corporation, un groupe sud-coréen, en vue de la location de 1,3 million d’hectares de terres, pour y cultiver du maïs et des palmiers à huile, a joué un rôle dans le conflit politique qui a abouti au renversement du gouvernement Marc Ravalomanana au début de l’année 2009.
Au Malawi, les investisseurs chinois se sont vu allouer des terres exploitées par les populations locales à des fins agricoles dans la ville de Balaka (sud) pour y construire une usine de traitement de coton. Lorsque des manifestations se sont suivies, les chefs traditionnels de la région ont été emmenés en Zambie voisine pour y constater les avantages offerts par la Chine en termes de développement. A leur retour, ils ont cédé et choisi de partir s’installer dans une autre région « car les Chinois allaient créer des emplois pour leurs sujets », selon un représentant des autorités publiques.
Le Soudan, un des pays d’Afrique ayant reçu les investissements étrangers les plus importants dans le secteur agricole, a écarté l’idée de l’émergence d’une nouvelle forme de colonialisme. Selon Abdeldafi Fadlalla Ali, commissaire fédéral à l’agriculture au ministère soudanais de l’Investissement, les autorités s’assurent toujours que les intérêts des populations locales soient servis dans le cadre de ces accords (les fruits et légumes sont vendus dans la région et les populations locales « deviennent les premiers bénéficiaires »). Le Soudan, a indiqué M. Ali, compte 84 millions d’hectares de terres arables, dont seulement 20 pour cent sont cultivées, et a conclu 75 accords pour une somme totale de 3,5 milliards de dollars en huit ans.
Les nouveaux prédateurs de la terre
les premiers prédateurs s’appellent Chine, Inde, Japon, Malaisie, Corée du Sud, Emirats arabe unis, Bahreïm, Jordanie, Koweit, Qatar, Arabie saoudite ou Afrique du sud.
La liste s’allonge de mois en mois. Chacun adopte une stratégie différente. La Chine-40 % des agriculteurs du monde pour 9 % seulement des terres agricoles de la planète-a conclu une trentaine d’accords avec des entreprises chinoises pour un accès aux terres agricoles étrangères qu’elles louent ou achètent afin d’y installer de grandes exploitations de riz, soja et maïs-toutes semences hybrides d’origine chinoise-avec agriculteurs chinois, chercheurs et techniciens chinois. les exploitations emploient une main d’oeuvre locale bon marché aux côtés de leurs propres ouvriers. Les contrats chinois comportent bien sûr un volet ” coopération” censé profiter au pays bailleur.
Les Etats du Golfe sont riches en pétrole mais privés d’eau et dépendant totalement des importations alimentaires, qui ont subi une augmentation de 8 à 20 milliards de dollars en cinq ans. Ils sont tenus de nourrir “leur” population composée majoritairement par la main- d’oeuvre émigrée-par exemple 80% d’asiatiques dans les Emirats arabes. Ils ont trouvé la solution en se regroupant sous l’égide du Conseil de coopération du Golfe (CCG) pour conclure des accords “pétrole contre terre agricoles pour leurs entreprises”. Selon l’ONG Grain (Main basse sur les terres agricoles en pleine crise alimentaire et financière, Rapport 2008, www. grain.org), ” entre mars et août 2008, des pays du CCG isolément ou des consortiums industriels ont conclu des baux pour des millions d’hectares de terres agricoles, et les récoltes devraient démarrer dès 2009″.
Les prédateurs spéculateurs financiers sans lien avec l’agroalimentaire, dont les grands noms de Wall Streeet, sont apparus en quelques mois sur le marché des terres agricoles, et la liste ne cesse de s’allonger. “l’astuce, ici est de ne pas se contenter de moissonner des récoltes mais de moissonner l’argent”, déclarait en septembre 2008 Mikhail Orlov, fondateur de Black Earth Farming et ancien directeur de Capital Investissement chez Carlyle et Invesc…, cité par le rapport Grain. Ces prédateurs privés avancent souvent masqués derrière des pseudo-accords d’Etat à EEtat ou d’ETat à entreprises étatiques dans le cadre de contrats de “coopération”.
Des exemples: le fonds Koweïtirn Dignity Living (“vivre dans la dignité”), 100 millions de dollars, investit en Ouganda pour approvisionner le moyen-oriental. Le Lybian African Portfolio (LAP), filiale suisse d’un fonds souverain lybien, a placé 30 millions de dollars dans un projet de riziculture au Libéria via une Ong locale, la Foundation for African Developpement Aid, en contrepartie d’une concession de 17 000 hectares de terre irrigable.
L’île Maurice est un cas exemplaire de ce genre de manipulation. L’Etat mauricien vient d’acquérir 20 000 hectares au Mozambique pour un grand projet avec la compagnie singapourienne Vitagrain, elle-même contrôlée par Gaeme Robertson, très présent dans les mines, l’immobilier et l’énergie. dans son accord, l’Etat mauricien cède 10 000hectares à Vitagrain.
En août 2008, trois entreprises du Golfe (Abu Dhabi Investissement House, Ithmaar Bank et Gulf Finance House) annonçaient la création d’un fonds d’investissement islamique d’un milliard de dollars destinés à l’achat de terres sur le continent africain, par l’intermédiaire d’une banque d’investissement créée à cet effet et pour financer la recherche sur les biotechnologies. A l’heure actuelle, il ne se passe une semaine sans transaction foncière de ce genre.
Les prédateurs de terres agricoles africaines sont encouragés et justifient leur politique par les retombées économiques pour le pays: nouvelles infrastructures, transferts de technologies etc. En réalités, les risques pour les populations sont très graves. La vente de terres sans consultation des populations dans des zones où les tensions foncières sont déjà très vives ne peut qu’être source de conflit.
La surexploitation de l’eau par les grandes plantations étrangères, la spoliation de terres collectives vouées au pâturage où à la cueillette de plantes médicinales qui font vivre des millions de familles, l’épuisement des sols par des cultures intensives d’exportation, l’expulsion de populations de leurs terres ancestrales ne sauront en aucun cas être compensés par la distribution de semence hybrides qui ne pourront être replantées d’une année sur l’autre ou par la création d’emplois à bas prix.
Si l’investissement dans l’agriculture est rentable en Afrique: pourquoi les Etats africains qui s’étaient engagés, au sommet de Maputo en 2003, à doubler en cinq ans la part de l’agriculture dans leurs budgets nationaux, ne l’ont pas fait ? N’investissent-ils pas dans les villas, voitures de luxe ? Dans les salaires pharaoniques pour les Sénateurs et députés godillots afin de changer la Constitution ?
Le problème de la terre est une patate chaude pour les africains. A ces derniers d’ouvrir l’oeil surtout le bon.