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La Procureure a enquêté pendant des mois et a rassemblé plus de 3 000 documents. Fatou Bensouda et son équipe veulent poursuivre Laurent Gbagbo comme co-auteur indirect de crimes contre l’Humanité commis fin 2010-début 2011, quand il refusait de reconnaître l’élection de son rival Alassane Ouattara à la présidence. Pour l’accusation, les forces pro-gbagbo auraient alors tué plus de 700 personnes et violé 35 femmes.
L’accusation insiste sur 4 événements
Les quatre dossiers mis en évidence par l’accusation sont : la répression d’une marche de l’opposition sur la Radio Télévision Ivoirienne en décembre 2010, la répression d’une marche de femmes à Abobo, le bombardement du marché de cette même commune d’Abidjan, et aussi des exactions perpétrées par les partisans de Laurent Gbagbo à Yopougon entre le 12 avril et le 8 mai 2011.
Cela peut peut surprendre, car à ce moment là Laurent Gbagbo lui même avait déjà été arrêté, le 11 avril, dans sa résidence. Pacal Turlan, le conseiller en coopération internationale au Bureau du Procureur explique les choix de l’accusation : « Ce que nous disons c’est que la politique qui a abouti à la commission de ces crimes contre l’Humanité entre décembre 2010 et jusqu’en mai 2011 a été pensée avant même la fin du processus électoral ; une politique mise en place et exécutée par Laurent Gbagbo, son cercle rapproché et d’autres personnes. Nous le montrerons. Nous avons entre autres des témoignages, des documents écrits, retrouvés sur place. Nous n’aurons pas à entrer dans le détail de notre liste d’éléments de preuve pendant l’audience de confirmation des charges, mais nous avons des dizaines de documents à montrer à l’audience ».
Dix jours d’argumentation pour les deux camps
L’objectif est de convaincre les juges qu’il y a matière à organiser, ou non, un procès Gbagbo. L’avocat de Laurent Gbagbo refusait d’accorder des interviews avant le début de cette audience. Au delà des questions de procédure dont il a fait son cheval de bataille, Me Emmanuel Altit devrait aussi dénoncer le climat qui prévaut en Côte d’Ivoire et qui pourrait selon la défense dissuader des proches de l’ancien président ivoirien de témoigner en sa faveur.
Laurent Gbagbo s’exprimera lui-même à la fin de l’audience, le 28 fevrier. Sans doute pour rappeler qu’à ses yeux, il est victime d’un complot orchestré par Nicolas Sarkozy et son ami Alassane Ouattara, et qui visait à lui faire quitter le pouvoir en Côte d’Ivoire.
Ce qui est sûr, c’est qu’il a beaucoup travaillé à la préparation de cette audience. Son porte-parole pour l’Europe Bernard Houdin le confirme : « Laurent Gbagbo avait dit lors de son audience de comparution initiale ” nous irons jusqu’au bout “. Laurent Gbagbo a toujours été un homme combatif. Il considère la CPI comme une épreuve, comme quand beaucoup plus jeune, on l’a envoyé en prison. Il n’a pas changé, il n’est pas dans l’attente, il est dans la préparation de cette audience, et il bénéficie des moyens nécessaires pour le faire. Il est intellectuellement en pleine forme, c’est un historien qui a l’habitude de traiter des dossiers, et il dira au monde entier ce qu’il voulait faire de la Côte d’Ivoire, et comme l’élan de ce pays a été brisé par une force armée étrangère. »
Laurent Gbagbo bénéficiera d’une organisation spécifique
L’an dernier, son avocat avait tenté de faire valoir que sa santé ne lui permettait pas d’assister à un procès. Après une expertise médicale, qui a nécessité un nouveau report de l’audience de confirmation des charges, le deuxième, les juges ont conclu que l’ancien chef de l’Etat, âgé de 67 ans était apte à participer à la procédure, moyennant quelques aménagements. Fadi El Abdallah, le porte-parole de la CPI détaille le principe : « Pour éviter que Laurent Gbagbo ne se fatigue, les juges ont décidé que les audiences se tiendraient sur des demi-journées, tous les après midi, et par séance d’une heure, entrecoupées de pauses. Il est même prévu, si besoin, qu’il puisse suivre l’audience par retransmission vidéo depuis une salle préparée à la Cour, ou même depuis le centre de détention. »
Deux mois pour décider de la tenue d’un procès
A la fin de cette audience de confirmation des charges les juges auront deux mois pour se prononcer et ainsi donner, ou non, leur feu vert à un procès Gbagbo. L’enjeu est évidemment énorme pour Laurent Gbagbo lui-même, mais aussi pour le Bureau du Procureur. Dans le cas du responsable FDLR, (Forces démocratiques de libération du Rwanda), Callixte Mbarushimana par exemple, il avait échoué à construire un dossier suffisamment solide aux yeux des juges pour organiser un procès. Cette fois, avec le prisonnier le plus célèbre de la CPI, il joue encore plus gros, en terme de crédibilité. d’autant que des ONG s’émeuvent aussi que les poursuites de la CPI ne visent pour l’heure que le camp Gbagbo.
Par RFI