Les opposants au président sri-lankais Maithripala Sirisena, qui l’accusent de coup d’Etat contre la démocratie, ont remporté une première victoire dans la crise politique aiguë que traverse le pays depuis près d’une semaine. Jeudi 1er novembre, le chef de l’Etat sri-lankais a levé sous la pression de la rue et de la communauté internationale la suspension du Parlement prévue initialement pour durer jusqu’au 15 novembre.
Les parlementaires, qui se réuniront lundi, pourront donc décider qui des deux premiers ministres rivaux pourra rester au pouvoir. Ils pourraient ainsi se prononcer sur le retour aux affaires de Mahinda Rajapakse, 72 ans, l’autocrate qui a régné sur le pays jusqu’en 2015.
« J’ai eu une longue discussion avec le président la nuit dernière et j’ai reçu des réponses positives de sa part » , a déclaré, jeudi, Karu Jayasuriya, le président du Parlement. Troisième personnage de l’Etat dans l’ordre protocolaire, il faisait pression pour que l’assemblée puisse se réunir et avait dit craindre un « bain de sang », si ce n’était pas le cas. Il n’était pas encore décidé quand pourrait se tenir un possible vote de confiance pour départager les deux camps. Le président du Parlement doit s’entretenir vendredi avec les chefs de parti.
La crise a éclaté vendredi lorsque les Sri-Lankais, pris de court, ont appris en direct à la télévision et sur les réseaux sociaux qu’ils venaient de changer de premier ministre sur décision du président Sirisena. Le chef de l’Etat venait en effet de nommer M. Rajapakse, l’ancien homme fort du pays. Pour le premier ministre sortant, hors de question, pour autant, de céder sa place. Ranil Wickremesinghe, au pouvoir depuis 2015, décide ne pas quitter sa résidence officielle où il se retranche bientôt, entouré de ses proches. En plus de divergences sur la politique économique à mener dans le pays, des rivalités croissantes étaient apparues entre les deux hommes à l’approche de l’élection présidentielle de 2019.
Violence politique
La Constitution du pays, amendée de nombreuses fois et interprétée différemment en fonction des circonstances et des intérêts des parties en présence, n’offre pas de solution claire à cette crise politique qui suscite les inquiétudes dans cette île de l’océan Indien marquée par une longue histoire de violence politique. Lundi, le président du Parlement a déclaré redouter un « bain de sang » qui ne pourrait être évité que par le retour des députés au Parlement.
Si le premier ministre sortant Wickremesinghe – et ses partisans qui ont manifesté en masse dans la capitale ces derniers jours – peut désormais espérer obtenir un vote de confiance, ce dont l’avait privé le président en suspendant le Parlement à la suite de la nomination de l’ancien autocrate M. Rajapakse, ce dernier peut compter sur une popularité croissante. Tout dépendra désormais des marchandages et des défections qui sont négociés par les deux camps afin d’obtenir la majorité des sièges.
Le retour sur le devant de la scène de M. Rajapakse dont le règne avait été marqué par de multiples violations des droits de l’homme, des disparitions de journalistes et des accusations de népotisme inquiète au-delà de ses rivaux directs à Colombo. Dans le nord du pays où vit la minorité tamoule, son nom est associé à la campagne militaire extrêmement brutale qui s’est traduite par l’écrasement sanglant en 2009 de l’insurrection des Tigres de libération de l’Eelam tamoul et mettait un terme à vingt-six années d’une guerre civile dont on estime le bilan à 100 000 morts.