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Par J.-P. Mbelu
Il aurait été souhaitable que les gouvernants Congolais accusant Karel De Gucht de croire qu’il est « un donateur divin » ou d’avoir tenu « des propos malveillants » partent de la Déclaration sur la violence en République Démocratique du Congo, texte lu par le Commissaire européen au développement au Parlement Européen. Une certaine lecture de ce texte permet de conclure que sur certains points essentiels, Karel De Gucht émet sur une même longueur d’ondes que Kinshasa. Quand Karel De Gucht dénonce le manque « d’interlocuteurs sérieux » au Congo, il rejoint Joseph Kabila constamment à la recherche de 15 oiseaux rares. Ses confidences faites à New York Time au mois de mars 2009 sont très claires sur cette question. Quand De Gucht décrie « le gâchis qu’est devenu la RDC », il dit la même chose que les millions des Congolais(es) dont les droits économiques, sociaux et culturels sont en permanence foulés au pied. (Une parenthèse. Il nous semble important de cultiver, chez un certain nombre de gouvernants Congolais, l’attachement aux textes. La culture des textes garde de certains dérapages et d’un sentimentalisme de mauvais aloi. Ecrire des textes, lire des textes (sources) à critiquer et les citer, respecter les textes fondamentaux, s’apprend. Ceci permet d’habiter les concepts, d’en peser le poids et d’en respecter, tant soit peu la signification.)
Revenons à son texte. Karel De Gucht apprécie le rapprochement entre le Rwanda et la RDC. Il note : « Nul doute que le rapprochement politique et diplomatique entre le Rwanda et la RDC puisse être bénéfique pour la stabilité de la région et permettre, si la bonne volonté existe, de deux côtés, de conduire à une coexistence pacifique et une coopération profitable aux deux pays au sein d’une CEPGL redynamisée. » La bonne volonté est, dans cet extrait, une condition sine qua non pour une coexistence pacifique et une coopération profitable aux deux pays. Elle remplace la justice que des millions des Congolais(es) appellent de tous leurs vœux pour honorer la mémoire de plus de leurs 5 millions de morts reconnus (aujourd’hui) par l’Union Européenne. Dans cet extrait, la coopération profitable aux deux pays au sein d’une CEPGL redynamisée semble être une réponse à la question de la surpopulation rwandaise assimilée dans le texte lu par Karel De Gucht « au manque de protection des minorités », au « manque de réponse face aux revendications des minorités rwandophones ».
Mettre une croix sur les crimes de Paul Kagame et de ses escadrons de la mort au Congo, permettre au Rwanda de déverser sur le territoire Congolais les milliers de ses populations qu’il n’arrive plus à nourrir, telles sont certaines thèses contenues dans sa déclaration.
Dans cette déclaration, il apparaît que l’impunité doit être combattue au niveau des institutions Congolaises et non entre le Rwanda et le Congo. Sur ces points précis, Kinshasa est à pied d’œuvre. Elle a encouragé le CNDP à intégrer le gouvernement du Nord-Kivu. Il n’est pas exclu qu’un éventuel remaniement à Kinshasa intègre ses membres dans « un gouvernement d’union nationale ». Malgré les preuves de l’implication de Kigali dans les crimes de guerre et autres massacres contre nos populations(en violation du droit humanitaire et international), Kinshasa n’a jamais traduit ce pays en justice.
Pour rappel, en décembre 2004, voici ce que disait Joseph Kabila aux Congolais(es) : « Depuis quelques jours, les forces armées du Rwanda ont violé notre territoire en traversant la frontière commune par plusieurs entrées, dans la province du Nord-Kivu. Pour justifier leur aventure criminelle les responsables rwandais avancent le prétexte de la chasse aux groupes armées rwandais sur le territoire de la République Démocratique du Congo. Chers compatriotes, je voudrais vous rappeler que ce problème des groupes armés, qui n’a pas été créé par le peuple congolais, a servi de prétexte à la guerre que le Rwanda a menée contre notre pays depuis 1998 et qui a contribué à déstabiliser dangereusement la région des Grands Lacs ». (C. ONANA, Ces tueurs tusi. Au cœur de la tragédie congolaise, p.162) Aucune action en justice n’a jamais été initiée contre cette « aventure criminelle ». A la place de la justice, Joseph Kabila et son entourage ont initié l’opération « umoja wetu » (leur unité avec les responsables des aventures criminelles) et le reste.
Dans une certaine mesure, Kinshasa et Karel De Gucht travaillent au blanchiment de Paul Kagame et de ses escadrons de la mort. Pour quelle raison ? Ils sont tous « les petites mains » du capitalisme du désastre. A des niveaux différents. Si Karel De Gucht se réfère, dans sa déclaration, à la justice internationale, c’est quand il parle de Bosco Ntanganda. Mais que vaut Bosco Ntanganda et ses autres amis du crime sans le soutien du Rwanda de Paul Kagame ?
A notre avis, « la bonne volonté » et « la CEPGL redynamisée » ne suffiront pas à la promotion d’une coexistence pacifique durable entre le Rwanda et le Congo. Il est souhaitable que la réconciliation se fasse dans la justice (nationale et internationale). Et qu’en plus du Rwanda, les Acteurs majeurs de la guerre d’agression de notre pays répondent de leurs forfaits. C’est utopique ? Apparemment !
Dans La traque, les criminels de guerre et moi, Carla Del Ponte note : « Dans toutes les zones de conflit (…) d’aucuns trouveront toujours des arguments pragmatiques afin de rationaliser l’attitude d’un pays ou de ses dirigeants qui vont se montrer incapables, ou refuser tout bonnement d’aider la justice à mettre fin à l’impunité. Ou prétendre toujours que les pressions en faveur d’une coopération avec un tribunal ou une cour pénale internationale constitue une menace pour, par exemple, un programme de reconstruction, une échéance électorale, un débat sur une nouvelle constitution, quelque décision vitale sur le plan économique ou dans le domaine de la politique étrangère. Mais jamais les efforts visant à imposer la paix ou à édifier des nations n’aboutiront s’ils ne s’accompagnent pas, dès le début, d’une composante judiciaire qui aura pour but de poursuivre les auteurs des pires violations du droit international, de briser la logique de l’impunité et de rappeler sans détours à tous que nul n’est au dessus des lois. Une paix sans justice est presque sûre d’accoucher de nouveaux conflits à l’avenir. » (p.607-608. Nous soulignons) Pour n’avoir pas inscrit la quête de la paix au Congo dans cette perspective, Karel De Gucht (dans une certaine mesure) et les gouvernants de Kinshasa ne nous rassurent pas sur notre devenir commun.