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Denis Mukwege ne croit pas au dialogue avec l’opposition congolaise


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dr-mukwege--« Le dialogue ? Je suis contre le dialogue, car on ne peut pas se moquer de la volonté du peuple…En Occident, lorsque l’on dialogue, cela dure quinze jours et les décisions sont respectées. Ici, les palabres peuvent durer dix ans, sans résultat…Et ce n’est que lorsque le président arrive en fin de mandat que tout à coup il est question de dialogue avec la classe politique. Les élections locales n’ont pas eu lieu, les provinciales non plus : nous sommes déjà en pleine illégalité… »
Participant au débat qui, à Bukavu, suivit la sortie du film « l’homme qui répare les femmes », le Docteur Mukwege est brusquement sorti de son registre humanitaire et, en quelques phrases, il a torpillé la laborieuse tentative de « dialogue » menée par le pouvoir en place et même interpellé une communauté internationale en laquelle il a visiblement perdu confiance : « alors que les bruits de bottes s’amplifient, que les menaces augmentent, la « communauté internationale » est informée mais nous ne pouvons pas compter sur elle pour résoudre nos problèmes. Les Congolais doivent s’approprier la justice, la santé, la politique, lutter contre l’impunité. Bref, se prendre en charge… »
De quoi s’agît il, pourquoi cette sortie contre des institutions dont le médecin a dénoncé l’ « illégalité », qu’il s’agisse des « commissaires spéciaux » nommés par le président qui remplacent désormais les gouverneurs de province (sauf dans les deux Kivu et dans le Bas Congo)ou du président du Sénat, la plus haute autorité de l’Etat après le président. « En novembre prochain, toutes nos institutions seront illégales » a conclu Mukwege, « tout le monde va vouloir rester en fonctions… »
Le médecin chef de l’hôpital de Panzi traduisait ainsi le malaise croissant au sein de la population qui assiste à la laborieuse mise en place de tractations à l’issue desquelles un « accord au sommet » ferait accepter le report des élections législatives et surtout présidentielles, prévues pour novembre prochain, un « glissement » qui donnerait au pouvoir en place quelques mois, (sinon quelques années…) de répit. Ce « dialogue », qui mènerait à un partage du pouvoir durant une période intermédiaire, est surtout mené avec l’ UDPS (Union pour la démocratie et le progrès social), le parti d’Etienne Tshisekedi, aujourd’hui profondément divisé et dont on ignore la capacité réelle de mobilisation. D’autres personnalités et formations politiques, dont Vital Kamerhe, leader de l’UNC (Union pour la nation congolaise) et surtout l’ex gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, redevenu un simple homme d’affaires, refusent jusqu’à présent d’entrer dans cette démarche et ils récusent Edem Kodjo, l’ancien président du Togo proposé comme médiateur par l’Union africaine.
Pourquoi, alors que des élections ont déjà eu lieu en 2006 et en 2011, les scrutins de 2016 devraient ils être différés ? Evariste Boshab, le puissant ministre de l’Intérieur, soupçonné d’être l’un des cerveaux de la « stratégie du glissement », aligne les arguments : « la CENI (Commission électorale indépendante ) a pris du retard, le fichier électoral a été « corrompu » et même l’Organisation de la francophone l’a déclaré » non crédible » ; nous devons intégrer deux millions de « nouveaux majeurs » des jeunes désormais en âge de voter et qui ne supporteraient pas d’être exclus. En outre, lors de la guerre du M23 au Nord Kivu, du matériel électoral, permettant de fabriquer des cartes d’électeurs, a été volé et emporté au Rwanda et nous venons d’arrêter 47 Burundais dotés de fausses cartes d’électeurs congolais.. Pour empêcher cette « fraude à la nationalité » dans l’Est, nous allons de voir fabriquer des cartes d’une autre couleur… A cela s’ajoutent les troubles dans les pays voisins, qu’il s’agisse du Burundi ou de la montée des islamistes : peut on prendre le risque de déstabiliser le Congo ? » Intervient aussi le coût des élections : M. Boshab estime que « l’exercice coûtera 550 millions de dollars, et que l’Etat, s’il doit faire face, seul, à une telle dépense, en sera réduit à ne plus gérer que les affaires courantes. Cette ponction interviendra au moment où nous sommes très affectés par la chute des cours du cuivre et du pétrole, des matières premières qui génèrent 70% des recettes de l’Etat. »
S’il est bien difficile de démêler les raisons objectives des prétextes opportunément présentés pour justifier un report, il est quasiment certain que les élections prévues pour cette année ne pourront avoir lieu dans les délais prescrits par la Constitution et que le président Kabila (qui ne s’est toujours pas clairement prononcé…) sera « obligé » de prolonger quelque peu son mandat.
La population, qui débat quotidiennement du sujet, acceptera-t-elle sans broncher les entourloupes qu’on lui propose, les jeunes ne risquent ils pas de se mobiliser, en dehors des partis traditionnels ? C’est la grande inconnue et le pouvoir semble avoir reçu un soutien imprévu : celui du Vatican ! En effet, alors que des « marches des chrétiens » étaient prévues pour le 26 février, en souvenir des grandes manifestations antimobutistes de 1992, des directives seraient venues de Rome, enjoignant à la CENCO (Conférence des évèques catholiques) de ne pas se mêler de politique.
Soulagé, le ministre de l’Intérieur en conclut : « les grandes marches ont été décommandées, les chrétiens devront se limiter à prier. »

Colette Breackman