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Gérald Bloncourt était un homme engagé et un photographe passionné que l’exil n’a jamais détaché de son pays, Haïti. De nombreuses personnalités sont venues ce lundi 5 novembre à la coupole du Père-Lachaise pour un dernier au revoir à Gérald Bloncourt, décédé le 29 octobre dernier à Paris, à quelques jours de ses 92 ans.Présents à la cérémonie autour de la famille et des amis du photographe, l’Ambassadeur du Portugal en France, Jorge Torres Pereira, Frisnel Azor, ministre Conseiller Chargé du Consulat Général d’Haïti à Paris, Patrick Bloche, Député Honoraire, Maire Adjoint de Paris, Marx Bourjolly, des écrivains comme Dany Laferrière, Daniel Maximin, James Noël, Mackenzy Orcel, George Pau Langevin, ancienne ministre (membre d’un groupe d’amitié, avec Haïti à l’Assemblée Nationale Française), José Pentoscrope du Centre d’Information, Recherche et Développement pour les Originaires d’Outre-Mer (CIFORDOM), Florence Alexis, fille de Jacques Stephen Alexis, l’un des compagnons de lutte de Gérald Bloncourt. Ils étaient tous rassemblés près du cercueil pour un vibrant hommage.
Un révolutionnaire
La cérémonie a débuté par une vidéo qui retrace le long parcours du talentueux photographe.
Gérald Bloncourt est né en 1926 à Bainet (Haïti), d’un père guadeloupéen et d’une mère française. Il a participé en 1944 à la fondation du Centre d’art d’Haïti, pour la promotion de la création artistique avec le célèbre aquarelliste américain Dewitt Peters et d’autres intellectuels haïtiens. Dès son plus jeune âge, il est révolté par les injustices que subissent les Haïtiens. Il s’engage alors auprès des opprimés. Avec de jeunes camarades, Jacques-Stephen Alexis et René Depestre, ils créent ensemble la revue La Ruche où ils dénoncent la politique du président Elie Lescot.
En 1946, Gérald Bloncourt n’a que 19 ans quand il participe activement avec ses amis marxistes aux « Cinq Glorieuses ». Des grèves et des mouvements de mécontentements envahissent Haïti et entraînent la chute du régime Lescot. L’armée prend le pouvoir. Poursuivi puis arrêté, le jeune révolutionnaire est expulsé à la Martinique. A Fort-de-France, il rencontre de jeunes intellectuels anticolonialistes comme Edouard Glissant, ils militent ensemble pour une union de la Caraïbe. Avec l’aide d’Aimé Césaire, le ministre français de l’Outre-mer Marius Moutet l’autorise à venir en France. Il débarque à Paris, rejoint le Parti communiste français, devient reporter photographe puis responsable politique du service photo du journal L’Humanité. L’homme couvre de nombreux conflits sociaux, il parcourt les quartiers populaires pour montrer la vie difficile des classes ouvrières et des immigrés.
En 1974, le photographe couvre la « révolution des Œillets » au Portugal. Dans son exil, il reste préoccupé par la situation de son pays sous le joug de la dictature des Duvalier père et fils. Le militant participe avec énergie à tous les combats pour le « déchoukaj » du régime. En 1986, après la chute du dictateur Jean-Claude Duvalier, il crée le « Comité pour juger Duvalier ».
Gérald Bloncourt est aussi peintre, écrivain et poète. Il a publié des romans, des recueils de poésie, des essais. L’artiste a donné de nombreuses conférences sur la peinture haïtienne, en France et aux Etats-Unis.
Un physique imposant
« Gérald, c’était d’abord un physique qui en imposait. Sa taille, sa stature, son allure étaient celles d’un bel homme sur lequel le temps n’avait pas de prise. Son regard si essentiel dans le choix de vie qu’il avait fait, son sourire, son rire étaient ceux d’un vrai séducteur. Sa voix puissante qui déclamait, qui haranguait, qui envoûtait était un vecteur essentiel de sa révolte permanente et de ses colères si sincères face aux injustices, à toutes les injustices », a témoigné Patrick Bloch, maire adjoint de Paris en regardant le cercueil rouge (couleur symbolique du mouvement ouvrier et des luttes sociales) décoré avec les œuvres de l’artiste. « Notre ami, notre camarade n’est plus et pourtant il est si présent, tant nous avons une part de Gérald en nous qui, à chaque fois que nous en aurons besoin, donnera du sens à nos humaines conditions », a-t-il ajouté.
Une voix puissante
Pour Max Bourjolly, un ex-dirigeant du Parti unifié des communistes haïtiens (PUCH), Gérald Bloncourt est un valeureux compagnon de lutte, courageux et passionné, il n’a jamais failli à ses engagements. Ensuite, une autre vidéo a présenté Gérald Bloncourt. Lui-même avec « sa voix puissante » déclame un de ses poèmes: Je me souviens. Il y retrace des faits marquants de sa vie: « Je me souviens qu’il fallait oublier les prisonniers parce qu’ils n’étaient pas d’accord avec le régime duvaliériste ». Son exil : « Je me souviens que je devais attendre plus de 40 ans avant de revoir ma terre natale ». Le poète haïtien James Noël, quarantenaire, évoque, quant à lui, son admiration pour son ainé, son inspirant.
Un humaniste
Quelques minutes après Retour au pays natal, une projection nous ramène en Haïti en 2016 lors de son dernier voyage dans son pays. Ce document réalisé par sa fille témoigne de la passion qu’avait Gérald Bloncourt pour son « Haïti chérie », sa joie d’être sur sa terre, son pays « Kiskeya », avec les siens et les jeunes en particulier. On retrouve son enthousiasme, son charisme, son talent d’orateur.
Puis vient la fin de la cérémonie. Sa femme, Isabelle, remercie les amis et les personnalités présentes : « Je remercie tous ses amis qui m’ont supportée dans ces moments de douleur et qui continueront à nourrir la joie de vivre de mon mari après ces funérailles ». A la sortie un verre de l’amitié a été partagé, un bon punch comme aimait le faire l’humaniste, Gérald Bloncourt, un homme bienveillant et toujours joyeux quand il recevait chez lui.
Distinctions
Gérald Bloncourt a été plusieurs fois récompensé pour l’ensemble de son œuvre. En 2011, il est fait Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres en France, en 2015, il accède à la Légion d’honneur. En 2016, il est nommé Grand-croix de l’ordre de l’Infant Dom Henri, une décoration remise par le président de la République portugaise Marcelo Rebel de Sousa. Le photographe laisse un fond d’environ 200 000 clichés.
La ville de Fafe au Portugal lui rend hommage. Il avait offert des photos pour un musée de l’immigration.
Bibliographie
Son dernier livre Un homme peau noire peau rouge, un homme de toutes les saisons, préfacé par Yanick Lahens, est disponible en version électronique (Mémoire d’encrier)
Les Prolos, un livre-album de 140 photographies accompagné par des textes de Mehdi Lallaoui (Au nom de la Mémoire), (2004)
Le regard engagé Parcours d’un franc-tireur de l’image (Bourin), (2004)
André Breton et la Révolution de janvier 1946 en Haïti (Le Temps des Cerises), (2007)
Dialogue au bout des vagues (Mémoire d’encrier), (poésie, 2008)
Journal d’un révolutionnaire (Mémoire d’encrier), (2013)
L’œil en colère Une vie de photographe social (Lemieux), (2016)