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Dossier transport maritime : ces futurs ports qui changeront la donne en Afrique


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Port de Matadi-Entre sites traditionnels et plateformes de transbordement, un nouveau réseau d’interfaces émerge. Leur but : connecter l’intérieur des terres à la mer.

Tanger, Djibouti, Le Cap, Alexandrie, Dakar… Noms quasi mythiques pour les marins et ports historiques de l’Afrique. Remplacés par Badagry, Lamu, Nqura… De simples quais de pêche jetés le long des côtes mais appelés à tenir demain le rôle d’interfaces portuaires pour le continent. Dans le sillage des porte-conteneurs, toujours plus gros et toujours plus nombreux à remonter les côtes africaines, se redessine la carte maritime du continent. Et c’est presque dans une course contre la montre que s’est lancée l’Afrique depuis cinq ans pour réaliser son « rattrapage portuaire », selon l’expression des spécialistes.

50 milliards de dollars

Entre l’inauguration du port de Tanger Med, en 2007, et la réception des premières installations programmées pour 2017 à Lamu, sur la partie nord du littoral kényan, plus d’une cinquantaine de milliards de dollars (plus de 40 milliards d’euros) auront été investis pour que l’Afrique s’équipe à son tour « des terminaux ultramodernes et entièrement automatisés qui ont vu le jour en Asie et en Europe », explique François-Xavier Delenclos, vice-président chargé du développement chez l’opérateur danois APM Terminals (APMT).

Entre 2007 et 2017, plus d’une cinquantaine de milliards de dollars auront été investis pour que l’Afrique s’équipe à son tour de terminaux ultramodernes et entièrement automatisés.

L’Afrique ne représente toujours que 5 % du commerce maritime mondial et moins de 2 % du trafic conteneurisé de la planète, mais les volumes traités ont été multipliés par quatre, en ligne avec la croissance économique du continent, elle-même stimulée par les échanges avec l’Asie.

Une première remise à niveau des quais a donc eu lieu durant la dernière décennie, dans la foulée des contrats de mise en concession signés entre les autorités portuaires publiques et les opérateurs privés internationaux, alléchés par les 7 % de croissance annuelle affichés depuis quinze ans par les trafics maritimes africains en tout genre.

De Dakar à Luanda, chaque port y va de son projet de développement, et les portiques fleurissent le long du golfe de Guinée. Dans le même temps, les côtes africaines s’équipent de leurs premiers ports de transbordement, spécialisés dans l’éclatement et la redistribution des flux de marchandises conteneurisées venant d’Europe et d’Asie. DP World s’inspire de ses installations à Dubaï pour construire le terminal de Doraleh, au large de Djibouti, APMT de l’expérience acquise sur ses terminaux européens et asiatiques pour moderniser Port-Saïd, et Transnet puise dans son trésor de guerre pour étendre les quais de Durban et sortir des eaux le port flambant neuf de Nqura pour 900 millions de dollars.

Le collier de perles est complété par Tanger Med – jailli de l’esprit de Mohammed VI, sans doute impressionné par la belle mécanique d’Algésiras, de l’autre côté du détroit de Gibraltar – , par Las Palmas, le hub de la compagnie maritime Mediterranean Shipping Company (MSC), qui suit sa propre logique, et par le terminal modèle de Pointe-Noire, géré par Bolloré Africa Logistics (BAL), porte d’entrée de plus en plus incontournable en Afrique centrale et sur le marché toujours à prendre de la RD Congo.

Mais une nouvelle phase de modernisation semble se mettre en place ces toutes dernières années, avec l’arrivée en eau profonde de « grands complexes industrialo-portuaires », pour reprendre la dénomination de Yann Alix, expert des questions maritimes et délégué général de la Fondation Sefacil.

Géants des mers

Un nouveau réseau portuaire semble vouloir s’insérer dans l’existant, entre les ports traditionnels et les plateformes de transbordement. Les premiers sont certes en plein développement, mais leur logique, avant tout nationale, ralentit le maillage terrestre entre les États.

Par ailleurs, leur possibilité d’extension reste limitée face à la pression urbaine et démographique, obligeant les pouvoirs publics « à sortir les ports des villes », reprend Yann Alix. Quant aux secondes, elles permettent bien aux géants des mers de faire escale en Afrique, mais la très grande majorité des conteneurs ne fait que regarder les côtes avant de repartir vers d’autres horizons.

« Ce n’est pas une activité représentant beaucoup de valeur ajoutée pour un pays, et les risques de voir disparaître un trafic au profit d’un terminal concurrent moins cher ou plus productif sont grands pour un opérateur », précise François-Xavier Delenclos.

Comme Abidjan a pu l’apprendre à ses dépens avec Tema lors de la crise ivoirienne. Une véritable guerre des terminaux s’annonce sur la côte ouest-africaine, avec son lot de victimes potentielles : Douala, Libreville, Cotonou, voire Dakar. Face à ces enjeux, une nouvelle génération de ports est en train d’émerger. « L’objectif n’est plus seulement d’attirer le fret, mais de concentrer et de maîtriser les flux », rappelle un spécialiste.

Des projets pharaoniques de plusieurs milliards de dollars naissent à quelques encablures des grands centres de consommation engorgés de Lagos, Dar es-Salaam ou Mombasa. Particularité de ces infrastructures portuaires, « elles intègrent le versant terrestre », souligne Yann Alix. Captant et fixant ainsi en un seul point de passage une part non négligeable des deux grands flux africains, les biens de consommation à l’import et les volumes de matières premières minérales et agricoles à l’export.

Jungle portuaire

Ce n’est pas un hasard si la Chine, premier partenaire commercial du continent, a plus ou moins mis le gouvernement tanzanien devant le fait accompli en dévoilant le projet de Bagamoyo lors de la visite officielle du président chinois en 2013. Pékin a annoncé être prêt à investir 10 milliards de dollars pour construire au nord de Dar es-Salaam un complexe susceptible de traiter 20 millions de conteneurs par an, soit le double d’un port comme Rotterdam. Attendu pour 2017, il comprend également la desserte ferroviaire de la sous-région, lorgnant avec insistance les gisements congolais et zambiens.

La même stratégie semble être appliquée à Lamu, au Kenya. Pour 24 milliards de dollars ! Cette bourgade inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco ambitionne de devenir le hub de la côte orientale, adossé à une raffinerie et surtout au fameux Lapsset Corridor (pour Lamu Port-South Sudan-Ethiopia Transport), un ensemble de voies ferrées, d’autoroutes et d’oléoducs tirés à travers le continent pour rejoindre Douala à l’horizon 2030.

Et quand ce ne sont pas les clients eux-mêmes qui initient les projets, ce sont les fournisseurs, comme les compagnies minières Vale à Nacala et Rio Tinto à Beira, au Mozambique – en attendant peut-être Conakry -, alors que le fer du gisement de Mbalam pèse lourd dans l’état d’avancement de Kribi, au Cameroun.

Du côté du Nigeria, l’explosion du trafic des conteneurs, censés atteindre les 10 millions d’EVP en 2025, contre 1,5 million aujourd’hui, justifie à elle seule la réalisation de nouveaux ports à Lekki et à Badagry, construits pour quelques milliards de dollars supplémentaires à une petite centaine de kilomètres de Lagos. « Il faut réunir quatre conditions pour s’imposer dans la jungle portuaire actuelle, rappelle un fin connaisseur du théâtre des opérations : un tirant d’eau pour recevoir les navires de dernière génération, une superficie disponible pour entreposer des volumes de marchandises considérables, un marché régional significatif aux portes mêmes du port-relais et, enfin, la stabilité politique. » Les heureux élus se reconnaîtront.

(Jeune Afrique)