Peindre la nuit ? La difficulté est manifeste. Que peut l’art de la vue aux heures où ce sens ne peut plus qu’à peine s’exercer, vaincu par l’obscurité ? Comment représenter ce qui est le plus défavorable à la représentation ? La réflexion est loin d’être neuve. Et loin d’être récent le désir des peintres de triompher des ténèbres. L’expérience la plus ancienne serait la Fuite en Egypte , d’Adam Elsheimer, petite huile sur cuivre de 1609, remarquable par sa précision astronomique. Celle-ci s’expliquerait par la diffusion des observations de Galilée, exactement contemporaines, d’autant qu’Elsheimer habite alors à Rome. Son tableau est vite célèbre : Rubens le mentionne dans une lettre et, à la mort de son auteur l’année suivante, il est vendu pour un prix élevé. Après Elsheimer, Rembrandt et bien d’autres se mesurent au sujet, dont Friedrich, Van Gogh et Munch – rien de moins.
Elsheimer n’est pas dans l’exposition qui se tient à Metz. Ni Friedrich, Van Gogh ou Munch. Leurs œuvres ne s’empruntent pas aisément, d’une part. D’autre part, ce sont le XXe siècle et le début du XXIe qui sont examinés, conformément à la fonction du Centre Pompidou-Metz. L’exposition, sur deux étages, rapproche une centaine d’artistes, parmi lesquels des peintres, conformément au titre, et aussi des photographes, des cinéastes et des praticiens de l’installation. Elle commence par l’une de celles-ci, Lucioles , une vidéo de Jennifer Douzenel : un grand écran noir semé de très petits points lumineux qui exigent un long regard, de l’attention, du silence. La question de la visibilité est ainsi posée avec toute la pureté nécessaire, avec intransigeance même : la nuit et rien d’autre.
Ceux qui biaisent et trichent
Or, il est difficile de s’en tenir à cette pureté, difficile de s’abstenir d’artifices et d’effets. A de très rares exceptions près – Douzenel donc et la voûte céleste étoilée dessinée au fusain par Vija Celmins –, les…