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Fibre optique : poursuivre les coupables


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Reseau fibre optique
Reseau fibre optique

Le projet de la fibre optique a fait flop ! C’est sans conteste. Des fonds publics ont été dilapidés. D’autres mal affectés. L’incertitude plane désormais sur le paiement de 148.000 Usd que la RDC doit transférer mensuellement au consortium WACs.

La liste des méfaits n’est pas exhaustive sur la gestion catastrophique de la fibre optique. Du côté des officiels, c’est le silence-radio. On tente curieusement de justifier l’injustifiable. Le silence de la justice et des autorités devient complice voire inquiétant. Le feuilleton de la fibre optique ne peut se refermer sans que l’on sache les raisons qui privent la République du haut débit tant attendu.

Des individus se sont enrichis au détriment de l’ensemble des Congolais. D’importants fonds mis à disposition de la Société congolaise de postes et de télécommunications (SCPT) pour la réalisation de cet important projet d’utilité publique n’ont pas produit le résultat escompté. Et pourtant, le chef de l’Etat s’est régulièrement impliqué pour faire avancer les lignes de la réduction de la fracture numérique. Jusqu’au bout, Joseph Kabila s’est totalement investi.

Convaincu de la bonne réalisation du projet, le chef de l’Etat n’a pas hésité à faire le déplacement de la station de Muanda (Bas-Congo) pour faire « basculer » le pays dans le haut débit. L’innovation n’aura été que de courte durée. Comme un météore, il s’est estompé avant même que la population ne jouisse de ses nombreux avantages. Un projet rongé de toutes parts. Le projet de connexion à la fibre optique a souffert de plusieurs maux. Le plus important reste le péché originel de l’étude de faisabilité. Tout projet complexe, comme la fibre optique, requiert un minimum d’études en vue d’éviter tout tâtonnement.

A ce jour, aucune étude menée par une firme spécialisée n’a été produite par la SCPT. De l’Océan à la station d’atterrage, en passant par le câble de Muanda à Kinshasa, un suivi sur la base d’un schéma tracé à l’avance n’existe pas. La firme qui a posé le câble a mené le travail à sa guise. Qui pis est, la SCPT ne s’est pas encombré des précautions avant de réceptionner l’ouvrage. Comme une simple lettre à la poste (!), la réception de cette importante infrastructure s’est faite sans se soucier de la qualité du travail livré. Une légèreté qui rime avec l’absence de toute planification autour de ce projet. La meilleure manière de battre en brèche cette allégation ne serait-elle pas de mettre à la disposition du public ce crucial outil de réalisation de l’infrastructure, à savoir l’étude de faisabilité ?

Les difficultés commencent déjà avec le consortium WACs.

La RDC est restée la dernière de la classe dans cette organisation qui regroupe 14 Etats. Alors que tous les quatorze Etats s’étaient connectés, la RDC avait raté le rendez-vous ; le projet s’étant embourbé dans une querelle politico-administrative indescriptible. Une gestion scrabbleuse des fonds Le projet comme celui de la fibre optique ne pouvait pas manquer de financement d’autant plus qu’il est d’une rentabilité certaine.

La Banque internationale pour l’Afrique au Congo (BIAC), qui en a saisi la portée exacte, n’avait pas hésité un seul instant à accorder un prêt de 12 millions Usd à la SCPT sous garantie de l’Etat. C’est alors que s’est ouvert le cycle d’une gestion scabreuse. D’abord, trois millions Usd sont sortis des guichets de la BIAC, sur présentation d’un simple permis de conduire, a révélé le ministre Kin-Kiey Mulumba devant l’Assemblée nationale. Une légèreté déconcertante! L’ancien ADG de la SCPT, qui a couvert l’opération, est resté en prison pendant quelques jours avant de recouvrer la liberté.

Comme par enchantement, les trois millions USD ont été reconstitués. Une modeste quotité s’est volatilisée avec un sujet Indien, non autrement identifié, qui avait gagné le marché de construction de la station d’atterrage de Muanda.

Les appréhensions du VPM Mukoko

Depuis toujours, le projet de la fibre optique a été entouré d’un flou artistique. Ce qui n’a pas manqué de susciter des inquiétudes du ministre ayant en charge le budget. Dans un courrier destiné au Premier ministre Matata Ponyo, le vice-Premier ministre Mukoko Samba, en charge du Budget, a eu des mots justes pour décrire la calamiteuse gestion de la SCPT. Dans sa lettre datée du 20 mai 2013, Daniel Mukoko Samba écrit : « Je voudrais relever que je ne suis pas persuadé que les mises à disposition de fonds en faveur de cette société (SCPT) soient gérées par les canaux statutaires. C’est pourquoi n’ayant pas été convaincu par les dirigeants de l’entreprise, je me suis gardé de toute nouvelle liquidation ».  Le VPM Mukoko Samba ne s’est pas arrêté en si bon chemin dans son réquisitoire contre le management de la SCPT. « Par ailleurs, poursuivit-il, je voudrais souligner à votre attention, que l’inadéquation entre d’une part, le volume des investissements nouveaux et leur teneur technologique et, d’autre part, le profil des dirigeants constitue un risque que nous (Ndlr : le gouvernement) ne pouvons continuer à prendre ». En effet, il ressort de dernières investigations que le compte SCPT à la BIAC aurait été relocalisé à la Sofibank. Le libellé est resté curieusement le même, alors que les signatures ont changé, rapportent des sources bien introduites. Les signataires statutaires ne seraient pas autorisés à engager la société dans la sortie des fonds, justifiant ainsi la vive inquiétude du VPM Mukoko. Seule une signature est autorisée, contrairement à la législation en vigueur.

En fait, la correspondance du VPM Mukoko a été dictée par le souci de bonne gouvernance des fonds publics alloués pour la réalisation des objectifs précis. Le Trésor public, qui garantit le prêt BIAC, avait l’obligation de rétrocéder à la SCPT un paiement effectué auprès du consortium WACs de l’ordre de 3 millions Usd.

Tenant absolument à la « pertinence de la dépense publique », Daniel Mukoko a en outre exigé des soubassements justificatifs de l’utilisation des 500.000.000 Fc mis à la disposition de la SCPT en date du 13 avril 2013. « Il s’avère que la SCPT estime que ce montant est insuffisant pour rencontrer les besoins liés à l’inauguration prévue incessamment de la station d’atterrage », s’étonne avec amertume le vice-Premier ministre Mukoko. Dans la note explicative de l’utilisation des fonds pour la station d’atterrage de Muanda, datée du 22 mai 2013 et adressée au ministre de PT et NTIC, l’ADG Placide Mbatika renseigne que « la colocation (équipement et installation) 151.564 Usd, le paiement pour la contre-expertise technique GETS avant la mise en service 123.356,52 Usd, … aménagement showroom Hôtel des postes 65.000 Usd (?) et jardin station d’atterrage 17.000 Usd (au titre d’avance)». Plus loin, dans une formule lapidaire, l’ADG a.i. annonce que « le solde, soit 100.626,10 Usd, a été réservé pour les autres travaux à réaliser avant la mise en service ». Ce qui a, sans doute, mis la puce à l’oreille du VPM Mukoko Samba.

Comment, en effet, garder par devers les caisses 100.000 USD pour des dépenses non justifiées et en demander davantage du Trésor public ? Seule la SCPT en détient le secret.

Ni interpellation, ni sanctions

Face à ce tableau apocalyptique qui a produit comme conséquence néfaste l’absence du haut débit sur différents terminaux, des sanctions devraient s’en suivre. Curieusement, l’appareil judicaire semble grippé au point qu’aucune information judiciaire n’est à l’ordre du jour. Les magistrats auraient-ils reçu injonction de ne point fouiner sur la gestion de la fibre optique ? Tous les observateurs répondent par la négative d’autant plus que les autorités du pays, en cette matière – tant le chef de l’Etat que le Premier ministre – sont déterminés à éradiquer des écarts du genre dans la gestion des finances publiques.

Au regard des conséquences qui en résultent à travers la qualité douteuse de la pose du câble et de son utilisation future par les Congolais, l’Etat en sortirait perdant. Tout compte fait, le projet de la fibre a été un fiasco sur toute la ligne. Les tracés de Muanda voire celui de Kinshasa-Kikwit, surfacturés à souhait entre 75.000 USD et 100.000 USD par kilomètres, pèseraient également sur le Trésor public. Plusieurs centaines de millions USD d’Exim Bank devront cependant être remboursés à l’échéance.

A l’allure où fonctionne le haut débit congolais, il serait hasardeux d’affirmer que les générations futures seront épargnées de porter le poids de cette créance. Les quelques rares sociétés qui ont cru au projet menacent déjà de solliciter des solutions palliatives. Global et MTN du Congo-Brazza auraient déjà exprimé leur ras-le-bol.

Des poursuites devront viser l’obligation de transparence et de responsabilité. Le préjudice est énorme pour le Trésor public, appelé à payer plus de 300 millions USD à échéance, sans que le haut débit n’ait été effectif au bénéfice des usagers. De la même façon aussi, la relance de la SCPT devient-elle hypothétique voire sans issue.

Toute l’euphorie suscitée auprès des employés n’aura été que cosmétique, éphémère. Sous le soleil de la SCPT, rien de nouveau ! Les téléphones portables et les ordinateurs attendront encore longtemps pour accéder au haut débit. Quant au Trésor public, il paiera une créance qui a porté bonheur à des individus que la justice continue à couvrir. Un faisceau intéressant d’informations aurait pu rassurer tout le monde, à la suite d’un audit qui n’a plus été mené. Au nom de la loi, des coupables doivent payer du grand forfait causé à la République.

Le Potentiel

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