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En l’absence du chef de l’État, tous les regards sont braqués sur la présidente de la Cour constitutionnelle. Interview exclusive d’une femme plus que jamais au centre des jeux de pouvoir et qui se tient droite dans ses bottes.
Une nouvelle fois, c’est vers elle que tous les regards se tournent. Depuis que le président Ali Bongo Ondimba a été victime d’un accident vasculaire cérébral, le 24 octobre dernier, à Riyad, Marie-Madeleine Mborantsuo se sait scrutée et critiquée.
Saisie par le Premier ministre, la Cour constitutionnelle, qu’elle préside depuis sa création, en 1991, a fini par autoriser le vice-président à tenir un Conseil des ministres le 16 novembre. Non sans avoir, au préalable, exigé de l’équipe des soignants un certificat médical attestant que le président était bel et bien vivant.
Cette décision, Marie-Madeleine Mborantsuo le sait, lui a valu la réprobation d’une partie de la classe politique gabonaise. Mais il en faut plus pour ébranler cette femme au caractère bien trempé, qui balaie les critiques les unes après les autres en s’appuyant chaque fois sur cette Constitution à laquelle elle se dit tant attachée.
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Elle s’agace parfois de la virulence de ses détracteurs, convaincue qu’ils ne lui pardonnent pas d’être une femme. Alors elle s’emploie à dépersonnaliser le débat, prend soin de nous recevoir en présence d’un autre magistrat, comme pour montrer que non, elle ne décide pas seule et que ce n’est pas elle, mais la Cour, qui veille au respect de la loi fondamentale. La tâche est délicate, d’autant qu’à Libreville des clans rivaux s’affrontent déjà.
Rencontre avec la présidente d’une institution souvent malmenée, rarement comprise, mais plus que jamais au centre du pouvoir.
Jeune Afrique : Pourquoi avoir autorisé le vice-président à présider un Conseil des ministres ?
Marie-Madeleine Mborantsuo : Parce que la situation d’indisponibilité temporaire du président de la République n’avait pas été prévue par la Constitution et que le Premier ministre [Emmanuel Issoze Ngondet] a saisi la Cour à cet effet. Je rappelle que ce n’est pas la première fois que cela se produit. Il est arrivé que ses prédécesseurs le fassent pour combler d’autres lacunes.
Mais aviez-vous le droit d’ajouter un alinéa à la Constitution ?
Indéniablement. L’article 60 de la loi organique régissant la Cour prévoit que celle-ci interprète les dispositions constitutionnelles en cas de lacune ou de doute. En d’autres termes, lorsqu’une disposition ou une norme à valeur constitutionnelle suscite des interprétations divergentes, c’est la Cour qui soit complète la lacune, soit, par son éclairage, donne la bonne lecture de la disposition. C’est sur cette base-là que nous avons agi.
Pour l’avoir fait, vous avez été très critiquée…
C’est à cause du contexte dans lequel est intervenue cette décision. Certains estiment que nous avons réécrit la Constitution, mais ce n’est pas vrai.
La plupart des commentateurs n’ont même pas pris la peine de lire en intégralité la requête du Premier ministre ou la décision que nous avons rendue. Ils s’appuient sur des extraits pour construire des raisonnements à la logique fallacieuse.
Cela dit, le débat autour de la Cour ne date pas d’aujourd’hui. Depuis le 30 avril 2018 [date à laquelle l’Assemblée a été dissoute], les grandes décisions que nous prenons font l’objet de débats incessants.