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Joseph Kabila, l’homme qui gagne du temps


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joseph-kabila-L’impénétrable président de la république démocratique du Congo s’accroche à son poste. Lundi, une marche d’opposants contestant son maintien au pouvoir a été réprimée dans le sang à Kinshasa.

A 29 ans, il était le plus jeune chef d’Etat au monde quand il a été catapulté à la tête de la république démocratique du Congo, après l’assassinat de son père, en 2001. Quinze ans plus tard, Joseph Kabila a utilisé l’ensemble des moyens à sa disposition pour garder sa place. C’est-à-dire toutes les manettes possibles de cet Etat immense et ruiné. L’essentiel de son temps et de son activité a été consacré à ce seul objectif : durer. L’espoir d’une révolution générationnelle s’est vite fracassé sur la réalité des deux mandats (presque trois puisque de 2001 à 2006, il a gouverné sans être élu) de ce président qui aura mis fin à la «première guerre mondiale africaine» sans pour autant relever son pays. Lundi, une marche d’opposants contestant son maintien au pouvoir après l’expiration de son second mandat, en décembre, a été réprimée dans le sang à Kinshasa.

Officier sans éclat

Joseph Kabila est surtout resté une énigme, un personnage illisible. A la différence de son volubile paternel, Laurent-Désiré Kabila, Joseph est un taiseux. «Personne ne sait ce qu’il pense, décrit Christophe Rigaud, responsable d’Afrikarabia, un site d’information consacré à la RDC. Sa parole est distillée au compte-gouttes. C’est sa stratégie : il attend le plus possible avant de prendre une décision, pour pouvoir s’adapter, naviguer à vue.» Dans un entretien accordé au Soir, en 2006, sa mère le décrivait déjà ainsi : «Il réfléchit avant d’agir et n’a jamais été un enfant turbulent. Calme, il ne parlait pas beaucoup ; s’il était fâché, il ne le montrait pas.» Car, paradoxalement pour un chef d’Etat de cet âge, bombardé à la présidence alors qu’il était un officier sans éclat de l’armée de son père, l’arme la plus redoutable de Joseph Kabila est la patience. «En réalité, il joue la montre depuis quinze ans, poursuit le journaliste. Et le pire, c’est que ça lui réussit. C’est le roi du pourrissement.»

Les incessantes rébellions dans l’Est, en particulier, l’ont aidé à s’imposer. En se présentant comme le seul rempart contre le chaos dans un pays qui l’a trop connu, Kabila a sans cesse gagné du temps. De fait, il a mis fin à plusieurs conflits armés (en intégrant systématiquement les milices et leurs chefs dans la fragile armée nationale) et a longtemps capitalisé sur cette image d’«artisan de la paix», notamment dans l’est du pays.

«La récréation est finie»

Le premier président démocratiquement élu du Congo depuis Joseph Kasa-Vubu, en 1960, année de l’indépendance, était considéré à ses débuts comme «le candidat du monde occidental», rappelle David Van Reybrouck dans Congo, une histoire (1) : «Avec sa voix timide et sa jeunesse, il donnait l’impression d’être un personnage falot. Les Congolais le connaissaient peu, l’Occident le considérait comme une marionnette.» Ses adversaires, notamment son principal rival aux élections de 2006, l’ancien chef de guerre Jean-Pierre Bemba (2), l’ont souvent attaqué sur son prétendu manque de «congolité» – une rumeur infondée lui prêtant une origine rwandaise (tutsie) par sa mère. «En sa qualité de président, Kabila essayait de dominer le tumulte, en déclarant “celui qui porte les œufs ne se dispute pas” – une expression qui allait le poursuivre pendant des mois, écrit l’historien belge. Elle renvoyait aux enfants des rues qui allaient d’un bar à l’autre en portant sur la tête un carton d’œufs durs. Tout Kinshasa trouvait à l’époque [en 2006] que le Président n’était qu’un va-nu-pieds.»

Né dans le maquis, Joseph Kabila le mutique, qu’on prenait pour un pantin, va pourtant se révéler un impitoyable stratège. En quelques années, il va parvenir à éliminer un à un tous les vieux caciques du régime de son père qui pensaient, eux aussi, le manipuler. «La récréation est finie», avait-il prévenu lors de son discours d’investiture, en 2006. A l’époque, il avait fait de ses «cinq chantiers» nationaux (infrastructures, eau, électricité, enseignement, travail, santé) un emblème de la renaissance du Congo. Ils n’auront quasiment pas avancé depuis sa première élection. En revanche, Joseph Kabila va s’illustrer dans un domaine : la répression brutale de toute voix dissidente. Sous sa présidence, des centaines d’opposants ont été tués par sa zélée garde républicaine, une sorte d’armée d’élite personnelle entièrement dévouée composée de 15 000 hommes.

Gilet pare-balles sous la veste

Impopulaire depuis toujours à Kinshasa, Kabila, qui s’exprime avec difficulté en lingala, la langue de la capitale, a développé une «paranoïa» du coup d’Etat, note Christophe Rigaud : «Pendant un moment, il portait un gilet pare-balles sous sa veste en permanence, tout le monde trouvait qu’il avait beaucoup grossi.» Le meurtre de son père lui a aussi appris à se méfier de son entourage. Si sa sœur jumelle, Jaynet, conserve toute sa confiance, rares sont les proches qu’il a gardés auprès de lui tout au long de sa présidence. Mais, selon les observateurs, ceux-là se sont considérablement enrichis depuis son arrivée au pouvoir (les Panama Papers ont récemment révélé l’existence d’une lucrative société offshore enregistrée au nom de Jaynet).

«Sur ce plan, il n’y a aucune rupture. Tout comme Mobutu avant lui, Joseph Kabila ne fait pas de différence entre les coffres de l’Etat et ses propres poches, poursuit le journaliste. Sa province d’origine [le riche Katanga] est un tiroir-caisse dans lequel il puise allègrement.» Le budget du Congo, plus vaste pays d’Afrique noire, est de 7 milliards d’euros, l’équivalent de celui de la ville de Paris. En 2016, il pointe au 184e rang (sur 189) dans le classement Doing Business de la Banque mondiale. L’espérance de vie y est de 49 ans, l’une des trois plus basses de la planète.

LA Libre