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-Sur la côte africaine, les pays qui ont l’avantage d’avoir des ports s’animent. La plupart d’entre eux, en tout cas, ont décidé de moderniser leurs outils de production en s’adaptant aux nouvelles donnes internationales. A cet effet, ils n’hésitent pas à confier à des privés la modernisation et la gestion de leurs ports et chemins de fer. Ainsi, la plupart des terminaux africains sont passés, en l’espace d’une décennie, sous le contrôle d’opérateurs privés. Parmi ceux-ci, le français Bolloré s’est taillé la part du lion. En Côte d’Ivoire et au Cameroun, par exemple, les directions portuaires d’Abidjan et de Douala ont confié la gestion de leurs terminaux à conteneurs au groupement constitué par Bolloré Africa Logistics (BAL) et APM Terminals. C’était en 2004, à quelques mois seulement d’intervalle. Mars 2013, les mêmes opérateurs ont remporté la concession du 2ème terminal prévu dans le port d’Abidjan. Dans la même période, les ports africains spécialisés dans les trafics conteneurisés sont passés, en tout cas dans leur très vaste majorité, dans le sein du secteur privé, suivant en cela les ports des autres continents. Le Gouvernement congolais, qui s’est totalement investi dans la relance économique, et dont le pays a la grâce d’avoir des ports fluviaux et maritimes, ne pouvait pas suivre la voie que ceux qui ont réussi ont suivie. Cela d’autant plus qu’il accorde, ce Gouvernement, une importance capitale à la réhabilitation et à la modernisation de la chaîne de transport multimodal, qui est considérée comme une des voies prioritaires devant booster l’économie du pays.
C’est dans ce cadre qu’étant chargé de la réforme de la Société Congolaise des Transports et des Ports, SCTP, le ministère du Portefeuille centre son action dans la recherche des solutions efficaces pouvant faire redorer le blason très longtemps terni de l’ancien OTRACO. En tout cas, il ne fallait pas compter sur un visionnaire comme Matata Ponyo pour rater un aussi superbe coche.
Il s’agit donc de confier la gestion de ces ports, mais également du chemin de fer Matadi-Kinshasa, à des structures privées outillées, aguerries et rompues dans cet art. Premier à avoir lorgné ce terrain, le Groupe français Bolloré a décidemment le vent en poupe, et est bien parti pour arracher ce marché.
Mais on entend déjà des gesticulations de la part de certains politiciens qui montent sur tous les toits pour crier que le Premier ministre a vendu le chemin de fer Matadi-Kinshasa. Certains travailleurs de l’OCPT eux-mêmes se rangent dans cette logique sans que, des uns et des autres, un seul apporte une solution comme alternative.
De toute façon, il est grand temps que nous nous départissions d’un nationalisme étroit. Seuls les intérêts doivent compter. L’important ne doit plus être la couleur de la peau ou même la nationalité, mais l’apport en investissement. Les agents de l’ex ONATRA ont sué sang et eau pendant des dizaines d’années. Aucun Congolais n’a pensé à une quelconque solution devant permettre à cette firme de redorer son image longtemps obscurcie.
Bolloré ne vient pas en philanthrope, et d’ailleurs les philanthropes, s’ils en existent vraiment, n’ont jamais développé une société. Le Président américain Bill Clinton l’avait si bien compris, lui qui déclara que l’Afrique n’avait pas besoin d’aide, mais plutôt d’affaires, de commerce. Bolloré vient en entrepreneur, en affairé. L’importance des affaires est que tout le monde se retrouve. C’est au Gouvernement congolais de saisir la balle au bond, et de voir où se trouvent les intérêts, non pas de la classe dirigeante, mais des Congolais, en menant habilement des tractations devant l’y conduire. Les ports de Pointe-Noire et d’Abidjan que nous envions aujourd’hui sont bel et bien l’œuvre de la firme Bolloré.
La colère des agents de la SCTP est totalement injustifiée. Ils sont instrumentalisés par nombre de leurs chefs qui, eux, craignent plutôt pour leurs postes. Habitués à œuvrer dans la magouille en se remplissant de manière éhontée et cynique les poches au grand dam du contribuable congolais, ils ne peuvent que trembler lorsqu’ils apprennent que la gestion va être confiée à des privés.
Ce n’est donc pas Bolloré qui dérange, mais plutôt le spectre d’une gestion privée, c’est-à-dire suivie, contrôlée de très près. Ils ne doivent pas naïvement suivre ceux de leurs cadres qui tiennent à voir ce pays se vautrer éternellement dans un mode de gestion opaque. Une gestion saine appelle indubitablement l’amélioration des conditions de travail et sociales d’une manière générale.
Le Gouvernement ne doit donc pas se laisser impressionner par des gens qui ne voient que leurs intérêts personnels, au grand mépris de ses inlassables efforts tendant à mener le peuple congolais dans son ensemble vers un mieux-être. Les intérêts personnels ne doivent plus avoir qu’un seul sort, le bannissement.
Le désengagement de l’Etat dans la SCTP signifie donc la mort de la vache laitière pour plusieurs agents et cadres. Il est un secret de polichinelle que l’OTRACO, tel que nous l’avions connu, ce plus grand employeur de la République, qui s’occupait réellement et effectivement du travailleur en réservant une grande part de son action au social, cet OTRACO-là, est mort depuis longtemps. Il n’y a que des charognards qui s’acharnent sur son cadavre et qui sortent des griffes aiguisées chaque fois qu’il y a une tentative de redonner vie à ce cadavre.
L’Etat reste propriétaire. L’OCPT n’est pas en train d’être vendu. C’est plutôt sa gestion qui doit absolument être confiée à des privés.
Contrairement à certaines allégations gratuites et destinées à nuire, entendues ces derniers temps, aucune firme n’a gagné ce marché de gré à gré. Mais comment pouvait-il le gagner alors qu’il n’a même pas encore été attribué ? Le Gouvernement est bien rangé derrière les nouvelles réglementations en vigueur dans la République, réglementations relatives à la passation des marchés, suivant la Loi n°10/010 du 27 avril 2010, promulguée par le Chef de l’Etat.
L’Etat tirera un grand profit de la réhabilitation du chemin de fer Matadi-Kinshasa. Les habitants des cités et villages longeant cette voie ferrée, mais également plusieurs commerçants, n’attendent que la reprise du trafic comme au beau vieux temps. Grand bénéficiaire, l’Etat poussera ainsi un ouf de soulagement en voyant plusieurs compatriotes retrouver une occupation, et l’économie nationale recevoir une importante et fraîche bouffée d’oxygène. L’explorateur John Rawlands, dit Henry Morton Stanley, avait vu très loin en affirmant que ” sans ce chemin de fer, le Congo ne [valait] pas un penny “.
Les conditions de transport des biens et des personnes seront sensiblement améliorées. L’une des conséquences sera, à n’en point douter, la réduction sensible du trafic sur la nationale n°1. Sans vouloir dire du mal du trafic routier, il est un fait indéniable que celui ferroviaire est de loin plus sécurisant et moins onéreux.
Déjà sur ce point, les prix des biens et services vont à coup sûr connaître un allègement. Avec les moyens illimités dont dispose Bolloré et l’expérience séculaire qui est la sienne, il n’y a aucun doute que la RDC, à travers la province du Bas-Congo, aura dans très peu de temps un nouveau visage.
Mais il faut d’abord, pour cela, qu’il gagne ce marché, ce qui est plus que probable, vu le temps et les moyens mis à contribution depuis qu’il lorgne sur cet important terrain d’investissement.
Il est temps de voir grand. La compétition, au niveau continental, est en effet rude. La Tanzanie, par exemple, est en train de construire à Bagamoyo, 70 km au nord de Dar es-Salaam, face à l’île de Zanzibar, ce qui sera le plus grand port du continent.
Le coût de l’opération est de 10 milliards de dollars, et le marché a été gagné par la China Merchants Holdings. La Tanzanie voit donc grand car déjà, le port de Dar es-Salaam est aujourd’hui le 2ème en taille de la région, après Mombasa au Kenya.
Voyons donc grand. Ce sont les ambitions qui élèvent. La construction, enfin, du port en eau profonde de Banana, avec un terminal à grande capacité d’accueil des conteneurs, sera à coup sûr, le point d’arrivée, dans l’espace, de ce projet.
Jean-Claude Ntuala