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Par La Croix
–Alors que la Commission électorale indépendante devait annoncer, mardi 6 décembre au soir, les résultats complets de l’élection présidentielle à un tour qui s’est tenue le 28 novembre, la tension est extrême en République démocratique du Congo (RDC). « Les Congolais ont massivement participé aux élections. Mais l’incompétence de la Commission électorale nationale indépendante (Céni) et ses liens trop proches avec le pouvoir en place, font planer un doute sur sa capacité à donner les vrais résultats du scrutin. Une grande majorité de Congolais n’a pas confiance en elle : on peut craindre une violente contestation des résultats » , explique à La Croix Pascal Kambale, représentant en RDC de l’ ONG Open Society Initiative for Southern for Africa (Osisa).
Les résultats provisoires annoncés lundi 5 décembre par la Commission nationale, qui portaient sur 68 % des bureaux de vote, créditaient le président sortant Joseph Kabila de 46,4 % des voix et son principal rival Étienne Tshisekedi de 36,2 % des suffrages. Les neuf autres candidats étaient loin derrière.
Dominique d’Auzon, l’un des 90 observateurs internationaux envoyés en RDC par un collectif de 80 ONG européennes, le Réseau Européen pour l’Afrique centrale (EurAc), n’a pas constaté d’incident majeur dans le bureau de vote qu’il a suivi à Masi Manimba, dans la province de Bandundu. Mais il relève : « J’ai pu mesurer la détermination des partisans d’Étienne Tshisekedi. Dans un quartier populaire de Kinshasa, j’ai assisté à l’une de leurs réunions. Ils étaient 300. J’ai pris un haut-parleur pour les interroger sur leurs intentions dans l’hypothèse où la Céni déclarerait Joseph Kabila vainqueur. Ils m’ont répondu en chœur : ‘‘Nous n’accepterons pas le verdict de la Céni, elle est aux ordres de Kabila ! Comme en Tunisie et en Égypte, nous descendrons dans la rue pour contester ce résultat’’. Et ils m’ont paru déterminés et excités. »
18 morts en deux jours
Entre le 26 et 28 novembre, au moins 18 civils ont été tués et une centaine gravement blessés par des tirs à balles réelles des forces de police, a dénoncé l’organisation des droits de l’homme Human Rights Watch. Dans ce contexte tendu et incertain, l’Église catholique a renoncé à publier ses propres résultats, comme elle s’y était engagée à travers la voix de Mgr Ambongo, le président de la commission Justice et paix. Elle invoque des raisons techniques. Alors que l’Église avait déployé 30 000 personnes sur le terrain pour surveiller la bonne tenue du scrutin, ceux envoyés dans l’arrière-pays ont été dans l’impossibilité de transmettre leurs comptabilités à Kinshasa : les SMS étaient bloqués sur l’ensemble du pays par le gouvernement.
D’autre part, si l’Église « annonce le nom du vainqueur selon ses observateurs, elle risque d’être stigmatisée par les vaincus, d’être la cible d’attaques violentes de leur part » , souligne Yves Lefort, chargé de la région des Grands Lacs au Secours catholique. « Notre objectif fondamental n’était pas la production de résultats », a nuancé prudemment le président de la conférence épiscopale, Mgr Djombo, dimanche, avant d’appeler « tous les acteurs politiques, tous les leaders, à freiner le train qui risque d’aller droit dans le mur ».
Pour prévenir d’éventuels débordements, 20 000 militaires en armes ont été déployés hier dans la capitale congolaise, traditionnellement favorable à l’opposition. Si l’on peut craindre une vague de violences née de la contestation des élections, elle n’est pas certaine, estime Yves Lefort : « Il y a des voix qui comptent en RDC, comme celle du cardinal Laurent Monsegwo, archevêque de Kinshasa. Son appel au calme a eu un écho très important dans la capitale. Pour éviter le pire, les casques bleus de la Monusco sont mobilisés » , rappelle-t-il.
Par ailleurs, le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) Luis Moreno-Ocampo a rappelé le 6 décembre qu’il suivait « de près  » la situation en République démocratique du Congo.
LAURENT LARCHER