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Par Abbé Pierre Claude OKONDJO
-Rien de neuf ne se dit sur la République Démocratique du Congo qui n’a jamais été dit. Rien ne s’écrit sur elle qui n’a pas encore été écrit. Tout a été dit, mais rien n’est fait. Tout s’écrit, mais rien ne s’applique. Débats, écrits, accords, dialogues, opérations…tout sur tout. Pourquoi un nouvel écrit? Vouloir excéder? Non. Vouloir faire nôtre le dicton du poète latin Horace: “Haec decies repetita placebit”. “Telle œuvre ne plaira qu’une fois, tandis que telle autre répétée dix fois plaira toujours”. La RDC est agressée, spoliée et meurtrie en continuation. Son destin va toujours de compromission en compromission. De qui lui viendra le secours? De débats ou des écrits? Des accords ou de dialogues? De nouvelles opérations? Une piste de solution. Si Dieu a créé le congolais sans le congolais, il ne peut pas sauver le congolais sans le congolais. Congolais du monde entier, pour arrêter l’incendie qui embrase votre terre et sauver votre propre patrie, vous devez vous mobiliser pour agir. Debout!
Se caractérisant par trois éléments majeurs, le complot est une forme de communication qui a pour but la réalisation d’un acte collectif dirigé contre quelqu’un à partir d’un lien social qui repose sur le silence à l’égard de l’espace social et qui tient unis ses acteurs[1]. Il fait toujours penser à deux types de problèmes de communication: la communication interne et la communication externe.
La communication interne se passe entre les acteurs qui participent au complot afin de leur permettre de bien peaufiner les stratégies de ce dont ils ont conclu le pacte. Dominée par la logique du secret, la communication interne exclut tous ceux qui ne partagent pas le projet qui sert de lien social. Le cercle des destinataires de l’information est bien limité. Tandis que la communication externe est celle qui se diffuse sur le complot dans l’espace social. Celle-ci consiste spécialement à dénoncer ce dont on est au courant et dont on ne partage ni les tenants ni les aboutissants. Elle sert à fragiliser les acteurs et donc à vider le complot de tout son contenu[2].
Dans la sémiotique du complot contre la RDC, la coalition de grandes puissances et des multinationales exploite collectivement la réalisation de leur acte de surnoiserie dans un schéma à plusieurs volets.
I.- La RDC, pays où coulent le lait et le miel
À l’instar de l’ancienne Palestine qu’on a pu appeler «terre plantureuse et vaste, terre qui ruisselle de lait et de miel»[3], la République Démocratique du Congo, pays sous-continent, est naturellement reconnue comme une terre fertile. Elle est dotée d’une abondance de ressources minérales rares du nord-est au sud-est du pays (coltan, diamants, or, cuivre, cobalt, zinc, manganèse…), de ressources forestières et de faune (gorilles, okapis…) très riches et de vastes sols fertiles propres à l’agriculture (café, tabac, thé…)[4].
Depuis longtemps, bien avant le conflit de 1998, de telles richesses naturelles ont fait l’objet de troc, de contrebande et de trafic enrichissant la classe dirigeante de l’ex-Zaïre. Elles ont toujours exacerbé les convoitises des pays voisins, notamment le Rwanda et l’Ouganda pour ne citer que ceux là. Elles expliquent l’occupation des provinces dans l’est du pays par les troupes rwandaises et ougandaises entre 1996 et 2002, durant le conflit ainsi que les luttes fratricides entre le Rwanda et l’Ouganda sur le sol congolais[5].
L’exploitation illégale des ressources de la RD Congo par ses voisins avec la participation des Congolais a commencé avec le premier conflit en 1996. Au fur et à mesure de la progression des rebelles de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre (AFDL, en sigle) dans les régions est et sud-est de la République Démocratique du Congo, appuyés par une coalition des armées des pays voisins, notamment les armées rwandaises et ougandaises, leur chef Laurent-Désiré KABILA, a signé des contrats avec un certain nombre de sociétés étrangères. C’est le début de la main-mise des Rwandais et des Ougandais sur les ressources naturelles des zones passées sous leur contrôle.
Reçu par la sous-commission chargée des services financiers de la Chambre des Représentants américains à propos de la politique monétaire internationale et du commerce, Nicolas DJOMO, Evêque de Tshumbe et Président de la Conférence Episcopale Nationale de la République Démocratique du Congo affirmait : «Je parle non pas en tant qu’homme d’affaires ou expert financier mais comme responsable religieux profondément troublé par la terrible violence et par la souffrance qui a dominé la vie dans l’est du Congo depuis 1996. Cette violence a détruit des familles, des villages et des communautés. L’un des principaux motifs de la violence est l’exploitation illicite des minerais de la part des différents groupes armés opérant dans l’est du Congo»[6].
Par son intervention, le prélat congolais faisait sienne la préoccupation de l’Eglise Catholique du Congo pour demander «que les entreprises minières protègent la vie et la dignité humaine du peuple congolais, en menant un commerce international respectueux des règles, transparent et responsable»[7].
Depuis les accords de Pretoria de juillet 2002 entre la RDC et le Rwanda et les accords de Luanda de septembre 2002 entre la RDC et l’Ouganda, la place est restée vacante à une prolifération de groupes armés congolais et interégionaux. «Le pillage, qui était auparavant le fait des armées, a été remplacé par des systèmes organisés de détournement de fonds, de fraude fiscale, d’extorsions de fonds, d’octroi d’options d’achat d’actions comme dessous-de-table et de détournements de fonds publics sous la direction de groupes assimilables à des organisations criminelles, (.) qualifiées de réseaux d’élites (.) composés d’un petit noyau de dirigeants politiques et militaires, d’hommes d’affaires (.), de certains chefs rebelles et administrateurs.»[8]
Actuellement, l’exploitation illégale des ressources se poursuit par des réseaux structurés et par guérillas interposes. Le Rwanda et l’Ouganda conservent leur main-mise sur les richesses naturelles de l’est de la RDC. Ce pillage savamment entretenu représente une manne au détriment du peuple congolais.
Dès lors, en République Démocratique du Congo, pays où coulaient le lait et le miel, il n’y coule plus que des larmes et du sang. De là l’indignation de Nicolas DJOMO au Synode pour l’Afrique:
“Nous déplorons le fait que la Communauté internationale ne fasse pas assez pour mettre fin à ces guerres et violences, en s’intéressant suffisamment à leurs véritables causes: le pillage des ressources naturelles. Elle s’est limitée à soigner les conséquences des guerres au lieu de s’attaquer avec détermination et de manière persuasive à leurs causes. Sur la même lancée, nous déplorons le fait que les souffrances et les vies humaines fauchées en RD Congo par ces guerres n’ont pas suscité la même indignation et la même condamnation lorsque cela arrive sous d’autres cieux”[9].
II.- Des voisins complices de la déstabilisation
Jamais dans l’histoire de l’Afrique, les litiges entre la République Démocratique du Congo et ses voisins n’ont envenimé le quotidien comme aujourd’hui.
Depuis 1996 les congolais ne se le cachent plus. La République Démocratique du Congo passe victime d’un complot d’agression et de déstabilisation menaçant de conséquence l’intégrité territoriale et bradant les ressources naturelles. De l’AFDL[10] à M23 (Mouvement du 23 mars) en passant par le RCD (Rassemblement Congolais pour la Démocratie) et le CNDP (Congrès National pour la Défense du peuple)[11], les gouvernements qui se sont succédés en République Démocratique du Congo n’ont cessé d’accuser le Rwanda et l’Ouganda d’agression déstabilisatrice.
Le 29 octobre 2008, Émile BONGELI, alors ministre des médias et communication dans le gouvernement d’Antoine Gizenga, dans une conférence de presse tenue à Kinshasa, accusait le Rwanda d’agresser la RDC par le CNDP interposé. Il avait, à la même occasion, condamné la Mission de l’Organisation des Nations Unies au Congo, MONUC en sigle, et la communauté internationale pour ce qui se passe dans l’Est de la RDC. Emile Bongeli s’est, par ailleurs, insurgé contre l’allégeance de certains compatriotes qui, d’après lui, donneraient caution à la guerre qui sévit dans l’Est[12].
Fort du témoignage du ministre congolais, il y a lieu de soutenir que la déstabilisation de la République Démocratique du Congo connaît la participation des acteurs aussi bien internes qu’externes.
Après des relations fortement tendues entre la RDC et ses deux voisins de l’Est (le Rwanda et l’Ouganda), il fallait peaufiner une nouvelle stratégie afin de sauvegarder la survie de trois régimes aux prochaines élections. L’an 2009 a été salué, à cet effet, comme une année du début de la normalisation des relations. Les armes se sont tues. Les trois voisins vivaient le bon voisinage. Un semblant de paix régnait dans la région. Ainsi fut lancée la réouverture des Ambassades.
Le rêve de l’instauration d’un Etat de droit au pays de Patrice Emery LUMUMBA manifesté evec engouement par le peuple congolais en 2006 n’a enregistré aucun progrès significatif. En 2011, il s’est évanoui au travers du rendez-vous électoral du 28 novrembre qui s’est soldé par un constat de chaos: braquage, vol à mains armées, attaques à mains armées, arrestations, confusion indescriptible, violences parfois meurtrières. “Hold–up” électoral, le juste mot.
Pour les observateurs du Centre Carter, invités par la Commission Électorale Nationale Indépendante (CENI, en sigle), les résultats des élections du 28 novembre 2011 n’ont pas de crédibilité[13]. Les observateurs de l’Union Européenne, eux aussi, par la bouche de Bruce Wharton, sont arrivés peu ou prou aux mêmes conclusions que celles rendues publiques par le Centre Carter. Ils déplorent unanimement le manque de transparence et de nombreuses irrégularités dans le processus électoral[14]. Quant au Cardinal Laurent MONSENGWO, primat de l’Église Catholique en RDC, les résultats des élections du 28 novembre ne sont pas conformes à la vérité exprimée ni à la justice attendue[15].
Tout en exprimant la déception du peuple congolais dans le traitement du fruit des elections du 28 novembre 2011, la Conférence Épiscopale Nationale du Congo, après un moment de fluctuation, avait estimé, pour sa part, le processus électoral entaché de graves irrégularités remettant en question la crédibilité des résultats publiés. Pour les Évêques catholiques, seul le courage de la vérité peut libérer le grand Congo. On ne peut prendre le risque de continuer à gouverner le pays par défi[16].
En clair, lorsque le souverain primaire ne se reconnait pas dans le choix officialisé, il faut rendre son tablier.
S’agissant de la nouvelle guerre qui continue à endeuiller les provinces du Kivu, en RDC, l’Organisation des Nations unies (Onu), fondé sur les interrogatoires de déserteurs du M23 à Goma, détient les preuves d’accusation du soutien du mouvement du 23 mars par le Rwanda. Elle met sur le banc des accusés le pays de Paul Kagamé qui assure aux soi-disants mutins l’approvisionnement en armes et même en hommes[17].
Le ministre des Médias et porte-parole du gouvernement Matata, Lambert MENDE, ne dédouane pas le Rwanda d’avoir organisé les troubles à l’Est de la RDC.
Néanmoins, par mécanisme d’un «lapsus calami» rendant sans doute compte d’un «lapsus linguae», le porte-parole du gouvernement dénonce dans son point de presse ce qu’il appelle «la passivité des autorités rwandaises» face à une agression qui déstabilise la RDC à partir de l’Est. Est-ce vraiment une action de trébucher ou une erreur d’appréciation? Un jugement qui interroge.
La passivité est-elle dans le chef de l’agresseur ou du celui qui subit l’agression? Avec Emmanuel MOUNIER[18], j’accuserais plutôt de «atonie du comportement, d’absence ou de faiblesse de réaction aux influences extérieures, d’attitude de soumission», le gouvernement dont le ministre des Médias est le porte-parole. Les inactifs primaires présentent, selon Mounier, le maximum de passivité malléable. On aura beau dire, la République Démocratique du Congo, inactive depuis une décennie de pouvoir “kabiliste”, présente le maximum de passivité devant le vol des ressources naturelles, le viol des hommes et des femmes, les agressions répétées du voisin Rwanda.
Le 21 juin 2012, toujours au nom de son gouvernement, Lambert MENDE, accusait le Rwanda d’être responsable des filières de recrutement des rebelles du M23[19].
Le 31 août 2012, le Rwanda annonçait le retrait de ses 280 soldats de l’Est de la RDC. Au lendemain de l’annonce, des hommes en tenue des FARDC, lourdement armés, sont passés par Kibumba, pour rentrer au Rwanda. Ils sont venus de Rutshuru avec des militaires FARDC et, arrivés à la frontière, ils ont enlevé la tenue des FARDC pour rentrer au Rwanda avec leur tenue rwandaise, racontait à l’AFP un officier sur le terrain. D’après lui, il s’agissait de deux companies et non de 280 éléments seulement. Car disait-il: “J’ai vu 357 militaires arriver, dont 80 étaient FARDC. Ces 80 militaires sont restés” du côté congolais, a-t-il indiqué.
Le 02 septembre 2012, lors d’un point de presse, le Porte-Parole du gouvernement congolais réagissait à l’annonce du retrait relayée par les médias, accusant le régime de Kigali de verser dans la diversion:
“Une fois de plus, par le mensonge et la dissimilation, nos amis rwandais essaient de distraire l’opinion, d’opposer la République démocratique du Congo à son propre peuple, pour faire oublier des crimes graves qu’ils sont en train de commettre au Kivu“.
III.- La décomposition des structures politiques de l’État
Les lecteurs des signes de temps en République Démocratique du Congo, dans le champ de l’information et de la communication sociales et politiques, ne sont pas peinés de découvrir que la sémiotique du complot contre la RDC s’inscrit dans le champ du politique. La décomposition des structures politiques de l’État en constitue un des premiers signes dont est victime le peuple congolais.
En effet, depuis 1996, la dimension politique vécue en RDC n’exprime en rien l’identité de la société congolaise. Depuis lors, les complices du projet continuent à défigurer l’État d’un pays qui se veut démocratique. Ainsi avait-il été imposée aux congolais la formule de “1+4”. Le pouvoir est partagé selon la formule entre un président et quatre vice-présidents. Unique en son genre dans l’histoire des pays démocratiques!
Ensuite, sans identité politique de référence (cas des sujets rwandais hissés au sommet des institutions nationales), les acteurs du complot se situent par rapport à un projet d’action à entreprendre (balkanisation, bradage des ressources naturelles, partage du gateau, etc.). Point n’est besoin d’en savoir plus par rapport aux différents accords signés (La naissance de l’AFDL des suites des accords de Lemera signés le 23 octobre 1996; L’accord de cessez-le-feu de Lusaka, signé les 10, 30 et 31 juillet 1999; L’accord de Sun City fut formalisé 19 avril en 2002; L’accord de Paix de Prétoria, le 30 juillet 2002; L’accord de Luanda signé le 6 septembre 2002; Les accords d’Addis-Abeba signés le 15 juillet 2012).
Au niveau social, les participants à un complot sont à la fois en marge des réseaux dominants de la sociabilité et unis entre eux par un lien fort et solide (pensez aux formes sociales qui unissent une bande de voleurs – argot, règles de vie commune, codes de sociabilité -).
Au niveau politique, pensez aussi aux diverses formules des missions et des partis politiques tels l’AFDL, le RCD, le CNDP, le M23, la MONUC, la MONUSCO qui, plongeant dans l’indignation des congolais, ont semé et continuent à semer la désolation en RDC à partir de l’Est:.
IV.- Les acteurs et les éléments de complot contre la RDC
Des médias, nationaux et internationaux, stipendiés par les tireurs des ficelles, ont non seulement contribué à perenniser le triste sort des congolais mais, aussi, participé à la politique de la balkanisation, de la conspiration et du complot contre la RDC.
Au 31 août 2012, la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation en République démocratique du Congo, MONUSCO en sigle, comptait sur le sol congolais un effectif de 19.083 membres du personnel en uniforme, dont 17.006 soldats, 703 observateurs militaires et 1.374 policiers pour protéger les civils et consolider la paix; 953 membres du personnel civil international, 2.859 membres du personnel civil local, 573 volontaires des Nations Unies[20]. Un contingent d’une importance jamais égalée dans l’histoire de l’Organisation des nations Unies à travers le monde.
Depuis que ce gros contingent de la force de l’ONU a été déployé en République Démocratique du Congo, force est de constater que cette force n’a jusqu’à présent, été à la hauteur de sa tâche; elle n’a jamais sécurisé les zones troubles du pays. Après avoir bénéficié de l’hospitalité du peuple congolais, jamais la force de l’ONU n’a servi les intérêts de ceux qui l’hébergent. Bien au contraire, elle ne fait que se discréditer en brillant dans des compromissions.
Pendant qu’une enquête se diligentait localement par les autorités congolaises du Nord-Kivu après l’arrestation d’un agent de la MONUSCO accusé de contrebande de cassitérite entre la ville de Goma (RDC) et celle de Gisenyi (Rwanda), les congolais réitéraient le refus du maintien de la mission onusienne, la MONUSCO, en RDC[21].
De l’avis de certains observateurs, la répétition de scandales dans le chef de la mission onusienne devrait donc constituer un argument de taille contre son redéploiement quand on sait que les populations civiles continuent à souffrir d’exactions de la part des groupes armés et des forces loyalistes sous le regard expectatif des casques bleus de l’Onu.
Si la population de l’Est continue à être meurtrie, à se réfugier dans son propre pays ou à chercher asile dans d’autres, point n’est besoin de démontrer, non seulement la faiblesse et le manque de crédibilité de la mission, mais aussi la bonne foi de ceux qui y sont derrière.
Face au massacre des adeptes de Bundu Dia Kongo (BDK) dans le Bas-Congo en 2007[22], aux tueries de Kinshasa après les élections «non crédibles» de novembre 2011[23], à la confiscation des libertés fondamentales des Congolais à travers le territoire national, aux enlèvements et aux arrestations arbitraires, il y a de quoi se questionner sur la vraie mission de la fameuse force des Nations Unies en RDC. Quelle protection peut-elle prétendre donner aux civils qui meurent chaque jour comme des mouches?
Protéger la ville de Goma avec des chars et des blindés suffit-il pour pacifier la RDC? Où étaient ces casques bleus quand les congolais de Rutshuru, de Walikale, de Bunagana, du Katanga, de Kinshasa ont perdu la vie? Ne fallait-il pas la mort des casques bleus sur le champ de Bunagana pour mobiliser l’appui extraordinaire de la Mission onusienne aux FARDC ? Appui de stabilisation de la paix ou appui de vengeance? Croit-on qu’avec la présence d’une force onusienne aussi importante à travers le monde les congolais aient encore besoin du déploiement d’une nouvelle force neutre pour protéger les civils, consolider la paix et pacifier l’Est du pays? Combien de zones troubles ne dénombre-t-on pas en RDC quand bien même les éléments de la MONUSCO y sont parsemés?
La présence d’une mission onusienne au mandat toujours renouvelé, les effets du hold-up électoral ainsi que les accords du déploiement d’une nouvelle force neutre ne sont que des élements d’illustration d’un silence qui assassine.
V.- À la remorque de la justice des potentats
Visiblement, les acteurs du «statu quo» dans la vie sociale, politique et économique de la République Démocratique du Congo ne démordent pas.
Les manifestations planétaires de nombreux congolais et des amis de la RDC déferlant dans les rues du monde ne veulent que traduire l’indignation de ceux-ci contre le silence complice et assassin de ceux-là qui, hier, s’étaient mobilisés en faveur de l’Irak (20 mars 2003), de la Lybie (entre le 15 février 2011 et le 23 octobre 2011), de l’Égypte (25 janvier 2011) et de la Tunisie (17 décembre 2010), et qui, aujourd’hui, se mobilisent encore en faveur de la Syrie (15 mars 2011) et du Mali (22 janvier 2012) pour réclamer l’avènement d’un État de droit pendant qu’en République Démocratique du Congo on continue à produire des rapports sur rapports, à pondre des déclarations sur déclarations, à apposer des signatures sur signatures; à octroyer de nouveaux mandats à la Mission Onusienne et à plaider pour de nouveaux déploiements des forces sans effets palpables.
Les congolais ne sont plus dupes, ils ne croient plus à toutes ces gesticulations. Le sang de plus de 6.000.000 de compatriotes a beaucoup coulé. L’heure a sonné de s’assumer soi-même et de penser à inventer l’histoire d’un Congo du temps contemporain. Car, les efforts et les intentions des uns et des autres ne bénéfient en rien de la confiance que peuvent mériter les “prix-nobel de la paix”. Rien ne justifie que la vie fauchée dans d’autres pays soit plus sacrée que celle du peuple congolais délaissé à son triste sort depuis environ 16 ans.
La timidité avec laquelle “la justice des potentats” condamne les agresseurs de la RDC ne présage d’aucun avenir meilleur. Encore moins sa prise de position vis-à-vis du rendez-vous électoral du 28 novembre 2011. Et pourtant… Non, c’est trop!
VI.- Au nom de l’amour de la patrie, il faut se mobiliser et agir soi-même
On aura beau mentir ou jouer au malin, des illuminations ne finiront jamais de guider les congolais dans leur préoccupation.
Alors qu’on le qualifie de confidentiel et donc réservé, CongoOne y est parvenu. Dans un article publié dans les dossiers d’actualité, Raymond LUAULA décortique scrupuleusement un rapport de la Commission Électorale Indépendante (CENI) sur les élections du 28 novembre 2011 en RDC[24]. Le rapport que LUAULA qualifie de “rapport coupe-gorge” donne la pleine mesure de la planification de la tricherie et confond non seulement Ngoy Mulunda, le président de la CENI, mais aussi et surtout Roger MEECE, le représentant du Secrétaire général de l’ONU en République Démocratique du Congo.
La CENI, on le sait, a apporté son soutien à la falsification de la vérité dont s’est rendu coupable son Président et la Cour Suprême de Justice[25].
Pendant que les forces extérieures sévissent à l’Est du pays et mettent à nu l’incapacité des dirigeants congolais d’assurer la protection de leurs dirigés et de défendre l’intégrité territoriale, la priorité est aux assises du XIVe sommet de la Francophonie à Kinshasa. Une attitude qui cautionne la culture de la mort et de l’impunité. Une attitude qui complote un mauvais tour.
Le pouvoir de la République Démocratique du Congo ne peut honnêtement continuer à défier le souverain primaire. Après lui avoir arraché sa légitimité, le politique national et le politique international veulent, coûte que coûte, l’obliger à boire le calice jusqu’à la lie en se détournant allégrement de son sort.
Saluant la décision de François HOLLANDE d’aller participer au sommet de la Francophonie à Kinshasa, un député français, non autrement identifié, se mit à expliquer la position de son gouvernement à un compatriote qui lutte pour la libération de la République Démocratique du Congo:
“le problème des Congolais est qu’ils sont assis sur toutes les matières premières indispensables à faire tourner le monde aujourd’hui; ensuite la classe politique Congolaise au pouvoir est égoïste, hautement médiocre, facilement corruptible, incroyablement malléable à souhait et complètement incapable de défendre les intérêts du Congo et de ses populations à l’intérieur et à l’extérieur. Pour preuve, des millions de victimes Congolaises et un Président de la République totalement étranger au pays, en mission d’affaiblissement de l’État, devraient faire sauter le gouvernement, mais nenni. Dans votre Congo tous vos parlementaires acceptent facilement l’inacceptable. Ajouter à cela une population paupérisée et fanatisée de même que des élites inconscientes, et vous vous retrouvez dans un trou sans fond. Hors en politique il existe comme dans la jungle, des prédateurs forts prêts à tout pour imposer leurs lois sur les plus faibles. Conclusion: Il vous faut changer de mentalité monsieur…. François HOLLANDE n’est pas Congolais et il n’a pas été élu pour veiller sur les intérêts du Congo! C’est donc NORMAL qu’il se rende à Kinshasa!”[26]
Si les complots sont aussi anciens que la vie politique, les historiens s’accordent à considérer que la première théorie du complot proprement dite fut celle, répandue à la fin du XVIIIe siècle, portant sur la Révolution française[27]. Il s’agit d’un moment crucial de l’histoire de France, puisqu’elle avait marqué la fin de l’Ancien Régime, et le remplacement de la monarchie absolue française par une monarchie constitutionnelle, puis par la Première République. Elle a mis fin à la royauté, à la société d’ordres et aux privilèges. Elle a légué, non seulement au peuple de France, mais aussi à l’histoire de l’humanité la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui proclame l’égalité des citoyens devant la loi, les libertés fondamentales et la souveraineté de la Nation, apte à se gouverner au travers de représentants élus[28].
En République Démocratique du Congo, si l’égalité des citoyens devant la loi n’est qu’une vaine expression, les libertés fondamentales et la souveraineté de la Nation, apte à se gouverner au travers de représentants élus, n’en sont pas moins. La sémiotique du complot et de la conspiration y reste toute entière inscrite dans le champ du politique national et international. Sinon comment comprendre que agressée, la République Démocratique du Congo puisse s’héberger dans la neutralité au lieu d’exiger des sanctions judiciaires pour défendre sa souveraineté et l’intégrité territoriale? Pourquoi accueillir la proposition d’une neutralité au moment où les infractions sont qualifiées et bien établies dans le chef de l’agresseur?
Dans sa sortie du 03 septembre, la Société Civile congolaise, forte de 32 organisations, venait d’adresser à cet effet une lettre ouverte au Président de la République, Joseph KABILA, avec comme objet: «La République est agressée: on n’a pas à être «neutre» pour défendre sa souveraineté et son intégrité»[29].
En effet, contre le peuple congolais et son destin, contre sa sécurité et celle de ses biens, avec la complicité des multinationales, le congolais, «négre de service», a trahi et continue à trahir au nom des appétits du pouvoir ou de l’argent; il devient l’acteur du complot ourdi contre lui-même et contre sa propre patrie. Lequel complot continue à développer des incidences sur le statut social, sur la vie et sur le réel de l’existence de tous les congolais.
Du dehors et du dedans, la République Démocratique du Congo fait face à un complot très pesant. Du dedans, au service de l’argent sale, beaucoup d’officiels congolais n’hésitent pas à pactiser avec le diable pour continuer à violer, à déstabiliser la RDC, à voler ses ressources naturelles. Ils préfèrent tirer profit de toutes les sources possibles au détriment de l’intérêt national. L’argent. L’erreur est de le considérer comme un but, alors qu’il n’est qu’un outil.
Du dehors, l’impunité dont jouissent des criminels de guerre, notamment celle de Jules MUTEBUSI et de Laurent NKUNDABATWARE, livre les congolais de l’Est à l’anarchie la plus totale. La même impunité concourt également à la dégradation de la situation dans la région.
Libre d’agir à son gré contre la République Démocratique du Congo, le Rwanda, bénéficiant de l’appui des autorités congolaises, ne se sent en rien inquiété. En 1996, accusées d’agresser la République Démocratique du Congo sous le parapluie de l’AFDL, les autorités rwandaises avaient trouvé refuge dans les allégations d’un “conflit congolo-congolais”. La communauté internationale quant à elle s’était illustrée à véhiculer la version d’une guerre civile en RDC.
En 1998, les agresseurs ont fait semblant de se retirer du sol congolais alors qu’on les dénichait encore au sein du Rassemblement Congolais pour la Démocratie, RCD en sigle. Ce mouvement rebelle pro-rwandais hébergeait Laurent NKUNDABATWARE et Jules MUTEBUSI. Officier supérieur du RCD-Goma, puis chef du CNDP, Laurent NKUNDA gardait sous ses ordres des soldats qui avaient violé, torturé et tué des milliers de personnes à Kisangani, à Bukavu et à Goma. Jules MUTEBUSI, ancien officier du RCD-Goma, a lui choisi de s’établir paisiblement au Rwanda. Il est pourtant suspecté d’avoir commis des crimes de guerre, notamment lors de l’invasion de la ville de Bukavu en juin 2004.
Aujourd’hui, en 2012, s’abritant derrière une nouvelle version des éléments rwandais, M23, et bénéficiant d’un accord international d’impunité et de condamnation de complaisance, Paul Kagame continue à déstabiliser l’Est de la République Démocratique du Congo.
Succédant à Laurent NKUNDABATWARE, Bosco NTAGANDA, ex-CNDP, recherché pourtant par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, est promu. Il devient Général des Forces armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) en reconnaissance des services rendus. De Kinshasa et de Kigali, il reçoit, à ce titre, mission de combattre les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) et de permettre la réintégration des soldats du CNDP dans les FARDC. Secret de Polichinelle!
Chers compatriotes congolais, suite à la Révolution française, la prise de la Bastille a été rendue possible. Aujourd’hui, vous et moi, sommes meurtris, sans cesse négligés mais pas oubliés. Aimables compatriotes, au nom de l’amour de votre patrie, devenez maîtres de votre destin; divorcez d’avec les discours de division et de discorde, rompez avec les attitudes de traitrise et de médisance, unissez-vous, levez vos fronts. Faites de la Révolution française, non pas un objet de débats, mais une référence positive, autrement vous et moi, assisterons impuissants à la recrudescence de la violence et du viol, à la saignée de nos ressources naturelles, à la balkanisation de la terre de nos ancêtres, aux pertes continuelles en vies humaines. Vous et moi, observerons à nos dépends l’insoutenable agonie des avoirs qui nous reviennent et la désacralisation de la dignité de la personne humaine. Eux, seront jugés par les témoins de l’histoire. Quant à vous et moi, le courage de s’engager devra nous rendra libres. Nous devons accélérer la vitesse de la lutte dans les montées ou dans les virages de notre engagement pour sauver la patrie!
[1] Bernard Lamizet, Ahmed Silem, Dictionnaire encyclopédique des sciences de l’information et de la communication, Ellipses, Paris 1997, voir le concept “complot”.
[2] L’article d’analyse qui approfondit cette notion de complot dans le “Dictionnaire encyclopédique des sciences de l’information et de la communication” nous a éclairés et nous nous en sommes inspires. Il est le fruit d’une équipe composée des universitaires, chercheurs et professionnels de l’information et de la communication, européens et américains.
[3] Ex. 3, 8.
[4] Conviction partagée par un Groupe d’experts mandaté par le Conseil de sécurité de l’ONU, Rapport intérimaire sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la RDC, 22 mai 2002.
[5] Ibidem.
[6] Nicolas Djomo (Bishop of the Diocese of Tshumbe and President of the Catholic Bishops’ Conference of the Congo (CENCO), Written testimony for the record to the subommittee on International monetary policy and trade, disponibile sur http://financialservices.house.gov/uploadedfiles/hhrg-112-ba20-wstate-ndjomo-20120510.pdf, may 10, 2012. Source: http://www.la-croix.com/Religion/Urbi-Orbi/Monde/Les-eveques-de-RD-Congo-demandent-un-controle-rigoureux-de-l-exploitation-miniere-_NP_-2012-05-21-808734, 21 mai 2012.
[7] Ibidem.
[8] Source: Groupe d’experts mandaté par le Conseil de sécurité de l’ONU, Rapport intérimaire sur l’exploitation illégale des ressources naturelles et autres richesses de la RDC, 22 mai 2002.
[9] Mgr Nicolas Djomo, Les souffrances et les vies humaines fauchées en RDCongo n’ont pas suscité la même indignation et la même condamnation lorsque cela arrive sous d’autres cieux, in “ANJASHI WA TSHUMBE” à l’adresse URL http://anjaashiwatshumbe.over-blog.org/categorie-11052393.html, source: http://anjaashiwatshumbe.over-blog.org/article–nous-deplorons-le-fait-que-les-souffrances-et-les-vies-humaines-fauchees-en-rdcongo-n-ont-pas-suscite-la-meme-indignation-et-la-meme-condamnation-lorsque-cela-arrive-sous-d-autres-cieux–37261783.html
[10] Ce mouvement, né des accords de Lemera du 23 octobre 1996, était soutenu militairement par des troupes composées essentiellement des Rwandais et des Ougandais et dans une moindre mesure des Burundais.
[11] Ancien mouvement insurrectionnel, le Congrès national pour la défense du peuple, le CNDP, intègre l’armé régulière et devient, depuis les accords de paix de 2009, un parti politique en RDC. Les deux ennemis scellent un mariage étrange pour un avenir qui ne profite qu’aux uns et aux autres et pas aux congolais. Radio France Internationale commentait l’événement dans une de ses émissions sur l’Afrique. Source: http://www.rfi.fr/afrique/20101213-rd-congo-ex-mouvement-rebelle-cndp-rebelle-rejoint-majorite-presidentielle
[12] Conférence de presse disponible sur le site de Radio Okapi. Source: http://radiookapi.net/sans-categorie/2008/10/29/rdc-le-gouvernement-accuse-le-rwanda-dagression/. C’est nous qui mettons en exergue les extraits en gras pour nous limiter à l’essentiel.
[13] Mission d’Observation internationale du Centre Carter, Elections présidentielle et legislatives du 28 novembre 2011 en RDC, Kinshasa 10 décembre 2011.
[14] Mission d’observation électorale de l’Union Européenne (MOE-UE), Communiqué de Presse. Rapport final d’observation et proposition des recommendations pour des réformes du rpocessus electoral, Kinshasa 29 mars 2012.
[15] Cardinal Monsengwo Pasinya L., Conférence de presse au centre Lindonge sur les élections du 28 novembre 2011 en RDC, Kinshasa 12 décembre 2011, n. 3.
[16] CENCO, Le peuple congolais a faim et soif de justice et de paix. Le courage de la vérité (cf. 2Cor7, 14), Message de l’Assemblée plénière extraordinaire de la CENCO aux fidèles catholiques et à l’ensemble du peuple congolais, Kinshasa 11 janvier 2012, nn. 4, 6.
[17] Kléber Kungu, Guerre en RDC: L’ONU accuse le Rwanda de soutenir le M23, dans “L’observateur”, 29 mai 2012.
[18] Emmanuel Mounier, Traité de caractère, 1946, p.398.
[19] Source: http://radiookapi.net/actualite/2012/06/22/lambert-mende-le-rwanda-est-responsable-des-filieres-de-recrutement-des-rebelles-du-m23/
[21] Exportation illégale de la RDC, la Monusco prise la main dans le sac, in «Le Potentiel», 23/08/2011. De quoi est-il question? D’une banale affaire de transport frauduleux de 1200 kg de cassitérite dans un véhicule de la Monusco du Nord-Kivu vers le Rwanda. Le chauffeur a été intercepté.
[22] Anneke Van Woudenberg, signataire du Rapport de Human Rights Watch suite aux événements du 31 janvier et 1er février 2007, à Reuters, à Kinshasa, accusait mercredi l’armée gouvernementale d’avoir abattu une centaine de civils désarmés, dont certains étaient en train de prier, les 31 janvier 2007 et 1er février 2007, dans la province du Bas-Congo, dans l’ouest du Congo démocratique.
[23] Le 22 décembre 2011, un article de Human Rights Watch déplorait la mort de 24 victimes des balles et la détention des manifestants depuis l’annonce du résultat de l’élection présidentielle du 28 novembre 2011.
Source: http://www.hrw.org/fr/node/103905
[24] Raymond LUAULA, Hold-up électoral de 2011: un rapport «confidentiel» de la CENI confond Kabila, Roger Meece et Ngoy Mulunda! Samedi, 11 Août 2012 12:37. L’auteur partage son analyse sur le rapport de la CENI intitulé «Les élections présidentielles et législatives du 28 novembre 2011, défis, stratégies et résultats», publié le 3 mars 2012.
[25] Idem, Op. cit., § 2.
[26] Face à l’attitude d’un congolais qui s’insurgeait contre la décision annoncée de François Hollande de participer au sommet de la Francophonie à Kinshasa, la réaction d’un parlementaire fançais ne s’est pas faite attendre: clouer la RDC, ses dirigeants et les congolais au pilori. Cette réaction a été distribuée aux congolais à travers les groupes de discussions sur la RDC (“Le cri des opprimés” lecridesopprimes@yahoogroupes.fr , “Congo Résistance” CongoResistance@yahoogroupes.fr , etc.) le 24 août 2012 par Rolain MENA.
[27] La Révolution française est la période de l’histoire de France comprise entre l’ouverture des États généraux en 1789 et le coup d’État du 18 brumaire (9-10 novembre 1799) de Napoléon BONAPARTE.
[28] Les extraits mis en gras limitent à l’essentiel la valeur du contenu.
[29] Société Civile de la République Démocratique du Congo, Lettre ouverte au Président de la République, Joseph KABILA: «la République est agressée: on n’a pas à être «neutre» pour défendre sa souveraineté et son intégrité», Goma 03 septembre 2012.
Abbé Pierre Claude OKONDJO