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-Parmi les promesses faites par le président congolais Joseph Kabila figure le rapatriement de la dépouille de l’ancien président Mobutu. Sa tombe se trouve au cimetière chrétien de Rabat, la capitale du Maroc. Au milieu des sépultures des anciens colons et des soldats français des deux guerres mondiales, le petit mausolée de l’ancien maître du Zaïre est un rendez-vous obligé pour les Congolais présents au Maroc.
De grands palmiers frissonnent. Des cyprès s’élèvent vers le ciel bleu. Leur ombre couvre les innombrables croix immaculées alignées de chaque côté de l’allée centrale. Une montée de terre battue, et pas âme qui vive. En haut, une obélisque salue la mémoire des soldats nés au Maroc et morts pour la France, entre 1914 et 1945. Non loin de là s’élève un petit temple de marbre noir et blanc, veillé par de gros cactus joufflus et deux pots de fleurs. Une grille fermée, le silence, pas de nom. Juste des initiales entremêlées : MSS. C’est la sépulture de l’ancien tout-puissant maître du Zaïre, Mobutu Sese Seko, décédé d’un cancer, en exil au Maroc, en septembre 1997.
« Cette tombe ne ressemble pas à l’homme que nous avons connu »
Lino porte un blouson d’hiver, malgré la chaleur. Il est Congolais, lui aussi. Arrivé au Maroc après un périple de deux ans, à pied, à travers l’Afrique, il est installé dans la capitale du royaume depuis 2007, désormais bien décidé à « s’intégrer », comme il dit. Le modeste mausolée de l’ancien chef d’Etat ne lui inspire pas beaucoup d’admiration : « Mobutu a régné sans partage sur notre pays pendant trente-deux ans, explique-t-il. Cette tombe ne ressemble pas à l’homme que nous avons connu ». Pourtant, cette relative sobriété ne l’étonne pas. « Certes, c’était un homme charismatique. Mais ce que nous lui reprochons, nous les Congolais, c’est sa gestion financière. D’ailleurs, s’il avait bien géré le pays, il ne serait pas enterré ici, dans ces conditions ».
D’un pas alangui, remontant doucement l’allée qui mène à la tombe, trois élégantes silhouettes s’approchent. Petit chapeau vissé sur la tête, cravate et costume, un sac de voyage à la main, Gilbert est de passage à Rabat et tenait à venir voir de ses propres yeux « le site où repose l’un des grands leaders de la sous-région, voire de l’Afrique ». Pour lui, le décalage entre l’extravagance du personnage et la modestie de la sépulture n’est pas problématique. « Il faut se rappeler qu’ici, ce n’est pas chez lui. Ce lieu est avant tout symbolique. C’est cela que j’ai voulu voir ».
L’entretien assuré par une partie de la famille Mobutu
De folles histoires courent sur ce petit carré de marbre, à la grille fermée à double tour, et qu’un vieil employé zélé vient astiquer avec une peau de chamois lorsque les visiteurs soulèvent trop de poussière aux alentours. Lino les raconte. On dit par exemple que les restes de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, extraits de sa tombe de Gbadolite lors de la chute de Mobutu, seraient enterrés aux côtés des dépouilles de l’ancien président zaïrois et deux de ses fils.
L’entretien du lieu est assuré par une partie de la famille Mobutu, vivant en partie en Maroc. Du reste, Lino assure que la tombe de Mobutu est un « passage obligé pour tous les Congolais de passage, qui viennent se prendre en photo ici ». Mais il rappelle aussi que d’autres Africains plus anonymes sont également enterrés dans l’immense cimetière désert. De modestes croix et une simple plaque marquent leur dernière demeure. « Ce sont les migrants qui sont morts au Maroc. Comme la plupart des familles n’ont pas les moyens de faire rapatrier les corps, ils sont enterrés ici. Il y a beaucoup, beaucoup de Congolais d’ailleurs ». Lino sourit avec malice : « Moi-même, quand je mourrai, je serais peut-être enterré ici, à côté de Mobutu ».
Pour lui, il ne fait pas de doute que si la promesse du président Joseph Kabila de rapatrier le corps de Mobutu à Kinshasa est tenue, les Kinois réagiront violemment. « L’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba avait fait cette même promesse, mais il a dû reculer. Les gens ne sont pas encore prêts, dit-il. Dans dix ans, dans vingt ans, je ne dis pas. Mais aujourd’hui, non. Il y aura des problèmes ».
RFI