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La violence pré-électorale et la question identitaire


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 Par J.-P. Mbelu

-La fabrique du mensonge est en marche. Elle conduit à une interprétation biaisée des  violences pré-électorales comme étant une question identitaire.  Plusieurs de nos compatriotes ne semblent pas comprendre grand-chose à cette opération de fabrication du mensonge.
 
Faisons un bref rappel. Quand, en 1996, les grandes puissances s’engagent à nous livrer une guerre de basse intensité en instrumentalisant « le génocide Tutsi », elles nous font croire qu’il ne  s’agit  qu’une guerre interethnique. Au cours de cette guerre, « les témoins gênants », ceux et celles d’entre nous qui savaient comment elle a été concoctée dans « les officines occidentales » ont été assassinés. Monseigneur Munzihirwa en fut un. Dans sa dernière lettre-testament du 22 octobre 1996, il écrit ceci: « Notre diocèse de Bukavu continue à vivre un drame humain et chrétien sans précédent (…). En fait, cette guerre que les mass médias appellent de Banyamulenge  est une invasion venant de l’Uganda. L’armée des envahisseurs est composée de soldats ougandais, rwandais et burundais et d’autres mercenaires. Ils sont super équipés par rapport à l’armée zaïroise. Comme lors de l’invasion du Rwanda, la population ainsi que le clergé sur place se rend compte que cette invasion a été longuement et soigneusement préparée pour occuper une partie du Zaïre. Les hommes de guerre  qui sont sur place parlent anglais, alors que les Zaïrois y compris les Banyamulenge parlent français. On les voit s’installer dans les endroits stratégiques et y déterrer les armes depuis longtemps cachées sous le sol (…) » (C.ONANA, Ces tueurs tutsi. Au cœur de la tragédie congolaise, Paris, Duboiris, 2009, p.111-112) Avant son assassinat, Monseigneur Munzihirwa a pu avoir un échange téléphonique avec un enseignant chercheur du Kivu, Emmanuel Nashi, pendant que les bombes pleuvaient sut la ville de Bukavu, en ces termes : « Tu entends ces bombes Emmanuel, elles viennent du Rwanda. C’est la guerre du Rwanda, aidé par les puissances occidentales, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Belgique , que nous subissons, et non une rébellion. Il faut  dire là-bas, Emmanuel, il faut le dénoncer en Belgique… » (Ibidem, p.113)
Les différents accords signés sous l’œil vigilant de ces grandes puissances n’ont pas pu mettre fin à cette guerre de basse intensité devenue « une guerre perpétuelle » au Congo. L’illusion que les médias dominants  de ces fameuses grandes puissances voudraient entretenir est celle qui consiste à soutenir que cette  guerre de prédation a déjà pris fin et que les élections de 2006 ont mis notre pays sur la voie de la démocratie. Et que le danger contre cette démocratie naissante serait lié aux appels des acteurs politiques (de l’opposition ?) à la violence.
 
Bon sang ! Un habitué du site de Benilubero sait qu’à l’Est de notre pays l’insécurité est permanente depuis la guerre de l’AFDL. Dans cette partie de notre pays, nos compatriotes côtoient la mort au quotidien. Les Patriotes-Résistants y sont tués parce qu’ils refusent que les Kivus soient annexés au Rwanda. (Herman Cohen confiait un jour à Code 243 qu’au Département d’Etat aux USA, le Kivu fait partie du Rwanda.)
Dans d’autres coins du pays, les assassinats ciblés sont monnaie courante. Et au jour d’aujourd’hui, nos jeunes abrutis par cette « guerre perpétuelle » sont achetés et utilisés par ses initiateurs comme  des « milices » au service de l’occupation de notre pays dans les violences pré-électorales. (En effet, les images qui nous parviennent du pays sur les violences pré-électorales sont celles des jeunes ayant été enfants pendant la guerre de l’AFDL et facilement achetables à cause de leur inculture et/ou de leur besoin de survie.)
Ce n’est pas anodin que cette « guerre perpétuelle » conduise à l’assassinat et/ou à l’exil des « témoins gênants » et/ou « des intellectuels subversifs ». Elle porte ses fruits de prédation et de mort là où l’ignorance et l’amnésie sont entretenues.
Ignorer les origines impérialistes et néocolonialistes de  « la guerre perpétuelle »  à laquelle nous résistons tant bien que mal pourrait aider ses initiateurs et leurs collabos à l’entretenir tout en lui donnant une coloration identitaire. Si dans les Kivus cette guerre de prédation ne sait plus cacher sa nature, ses initiateurs voudraient, à l’Ouest et au Sud de notre pays, lui donner une coloration identitaire ; en faire une question d’affrontement  entre  les Kasaïens et les Katangais et/ou les  Swahiliphones.  Pour réussir dans la fabrication de ce mensonge, les initiateurs de cette guerre et leurs collabos recourent à des simplifications dans leur lecture des violences pré-électorales. Prenons quelques exemples liés aux partis impliqués dans cette violence : le caractère pluriethnique de  Dynamique Tshisekedi Président est ignoré au profit de l’UDPS ; les partis de cette Dynamiques sont classifiés par leurs détracteurs et « nègres de service » parmi les petits partis ; les affrontements entre certains partis politiques de la majorité présidentielle sont minimisés au profit de ceux entre l’UDPS et l’UNAFEC de Kyungu ou le PPRD de Kabila ; que Martin Fayulu  et Serge Welo de l’Ecidé membres de la Dynamique soient maltraités  par les services de sécurité du pouvoir en place, ce n’est pas un problème ; que Kyungu soit un récidiviste dans les appels à la chasse aux Kasaïens à Lubumbashi, cela n’inquiète pas grand monde. Que Mende, Lumanu , Tshibanda, Boshab, Ngoyi Kasanji et les autres soutiens du pouvoir en place soient Kasaëns, cela ne conduit pas du tout à la remise en question l’approche des partisans de la guerre identitaire. Eux, ce sont de « bons Kasaïens » du moment qu’ils jouent le rôle « des porteurs des mallettes ». Tshisekedi  et son UDPS sont de « mauvais Kasaïens » du moment qu’ils opèrent sur le devant de la scène politique. La question est là : « Comment les initiateurs de « la guerre perpétuelle » de prédation et leurs collabos en viennent-ils à oublier la présence des  Kasaïens  et leur influence dans tous les partis politiques du pays en dehors de l’UDPS ? » Et puis, si « Joseph Kabila » est fils de Laurent-Désiré Kabila, comme le soutiennent ses laudateurs, il est un Mulubakat. Les Balubakat et les Balubas de deux Kasaï sont un même peuple. Que les Balubas se fassent la guerre entre eux, ce n’est pas une guerre interethnique, c’est une guerre fratricide ; c’est-à-dire une guerre contre la fraternité. Or si Kyungu ou un autre fanatique de « Joseph Kabila » livre la guerre aux Balubas au nom de ce même « Joseph Kabila », ce que le problème va au-delà de l’identitaire : il y serait question de l’ignorance de l’histoire des Balubas, des intérêts individuels à la mangeoire de la Kabilie et de l’allégeance des « nègres de service » à leurs parrains et de la falsification identitaire de nos appartenances collectives. L’instrumentalisation de nos appartenances identitaires est « une arme de destruction massive » entre les mains des initiateurs de « la guerre perpétuelle » de prédation et de balkanisation de notre pays.
 
En Belgique, les Wallons et les Flamands n’ont pas réussi, après plus de 500 jours, à mettre en place un gouvernement. Il n’y a pas de guerre chez eux. Cette situation ne suscite aucune indignation au niveau international : tout le monde croit en la capacité des Belges de négocier et de faire des compromis.
 
Embarqués dans une longue méconnaissance de notre histoire et dans la guerre de prédation des grandes puissances, nous faisons facilement et faussement de la violence qui nous est imposée une question identitaire. Non. Les grandes puissances ont ouvert une boîte de pandore en soutenant un menteur et un meurtrir du nom de Paul Kagame dans l’Afrique des Grands-Lacs. Ses multiples crimes et ceux de ses escadrons de la mort (dont certains se retrouvent dans les institutions Congolaises) n’ont jamais été jugés. Vouloir construire la démocratie sur le mensonge et la violence produit de la violence.  Nous en sommes là. L’Afrique des Grands-Lacs a besoin d’une thérapie spirituelle pour faire la vérité  sur son histoire récente et de départir d’une histoire officielle concoctée dans les officines occidentales. Les acteurs politiques des Grands-Lacs soucieux de rétablir cette vérité historique risquent de participer, malgré eux, à cette « guerre perpétuelle », s’ils ne soignent pas leur communication.
Soyons sérieux ! La violence pré-électorale est la face visible de la violence permanente entretenue par la guerre de prédation que notre pays subit depuis 1996, le droit n’ayant pas encore été dit. Si, maintenant, les initiateurs de cette guerre sortent de leur silence pour crier au discours invitant à la violence, cela doit être interprété comme un signal fort. Il se pourrait qu’ils soient en train négocier leurs intérêts avec le pouvoir en place. Et pour lui garantir qu’ils pourraient s’arranger  à ses côtés s’il cède…, ils s’en prendraient au « méchant loup Kasaïen » qualifié de « versatile »…Comme quoi, les élections ne se joueront pas que dans les urnes…(à suivre)