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LES MAUX D’AFRIQUE EN PEU DE MOTS
« Critique des mentalités préalable»
Source: Kilimandjaro
I Prologue
Tout en remerciant les invitants qui m’y ont associé, l’une des mes plus grandes retenues a consisté à savoir si la formation philosophique qui est la mienne y était adéquate par rapport à leurs attentes. Est-il possible à un philosophe de discuter des questions y relevant de l’économie et de la finance, sans courir le risque de s’y planter joliment ? Y réfléchissant de plus près, et sans jamais m’y voiler la face, j’y ai répondu positivement. Car même si la philosophie est la « mère » de toutes les sciences, car toutes celles-ci y résultent, cet argument, à mon avis, ne tient plus aujourd’hui. Il n’y a qu’à y regarder la Grèce comme elle brûle (au figuré, comme au propre) pour s’en convaincre.
Ce que je n’aurais jamais ni dire ni écrire !
Mais est-ce pour cela, que je dois classer purement et simplement l’invitation que les invitants m’ont donnée ? Eh bien pas du tout. Car, un philosophe peut également y apporter sa part dans la grande crise financière économique et financière qui frappe le monde, l’Afrique et le Congo/Kinshasa en particulier. D’où le courage, l’intérêt, l’attention, et l’obstination que j’ai eus pour y aller droit dans la thématique.
Mais cette mission ostentatoire à laquelle je m’y assigne, et m’y auto-proclame en tant que philosophe, est-elle minimale ? Ma réponse est, je viens de le dire il y a un instant, négative. Le discours philosophique peut stimuler l’émancipation économique, sociale, culturelle et politique d’un pays. C’est parce que les pères de l’indépendance nationale y était justement imprégnés (au regard de leurs actions et combats désintéressés). Ces pères de l’indépendance tels Patrice-Emery Lumumba, Pierre Mulele, Antoine Gizenga, Joseph Kasavubu … voire tout dernièrement Mzee Laurent-Désiré Kabila ont, pour l’intérêt général, accepté le sacrifice sanguin. Or, si le Congo/Kinshasa n’avait eu que des troubadours tels Tshisekedi et tant d’infirmités intellectuelles et physiques qui entourent le Général-Major J. Kabila Kabange, il est fort à parier que jamais le Congo/Kinshasa n’aurait jamais obtenu son indépendance. La génération actuelle aime des grosses voitures, des villas, et des femmes ou des filles aux fessiers durs et garnis, mais ne savent et ne peuvent jamais et au grand jamais prendre une arme pour défendre son pays. La faute à la falsification, à l’illégitimation, à la facilité et à la médiocrité.
Le rôle du philosophe y consiste à rafraîchir la mémoire collective. Mais pas uniquement, car il y consiste également à systématiser un destin créatif, productif, et introductif de l’invention dans l’Histoire mondiale d’abord, et dans son propre pays ensuite. Parlant du destin justement, le philosophe allemand Oswald Spengler écrit : « Le premier fait auquel est confronté l’homme, comme à un destin inéluctable, et ce que nulle pensée ne peut comprendre, ni nul ne peut vouloir modifier, c’est le temps et le lieu de sa naissance : chacun est lorsqu’il vient au monde, inséré dans un peuple, une religion, un état, un temps, une culture. Mais ce fait implique déjà la presque totalité des décisions. » . Plus près de nouveau, O. Spengler assène, en disant : « Nous sommes hommes d’un siècle, d’une nation, d’un cercle, d’un type. Telles sont les conditions nécessaires à l’intérieur desquelles nous pouvons conférer à l’existence un sens et une profondeur, être des agissants, fût-ce même agissant par le verbe. Plus nous remplissions ces limites qui nous sont données, et plus notre action s’étend au loin » .
Quant à la thématique directrice sur « L’Afrique et la crise financière internationale », elle est très intéressante, pertinente, mais pas suffisante pour sortir des sentiers battus. Par exemple, comment préjuger de la possibilité d’une sortie de crise financière, économique, sociale, culturelle, et davantage encore politique dans un continent où d’une part la quasi-totalité des régimes politiques n’y inspirent que dictature qu’elle y soit de simple opinion ou encore d’expression pour n’y citer que ce cas ordinaire relevant de la quotidienneté humaine, et d’autre part dans un pays comme le Congo/Kinshasa où les preuves d’un Etat ont disparu voici une quinzaine d’années, autrement dit depuis l’entrée de l’AFDL et les tueurs de Kagamé au Zaïre de l’ex Maréchal Mobutu Sese Seko en octobre 1996, le lâche et pénible assassinat du Camarade Mzee Laurent-Désiré Kabila héros national le 16 janvier 2001 dans son palais présidentiel, et enfin la gabegie tant humaine que politique suivie et apparemment encadrée de la partie septentrionale de la RDC ? Ce hiatus imprudent rend caduque l’intention même qui y est visée, mais jamais inutile, que du contraire, d’ailleurs si c’en fût le cas je n’aurais jamais donné une suite utile aux responsables de cette initiative revue.
La question de la fin et non du début
Mais qu’à cela n’y tienne, on reconnaîtra que cette thématique pose la question de la fin ! Elle met, donc, comme on dit, la charrue devant le bœuf. Et, pourquoi ? Parce qu’une telle question, comme je viens de le dire il y a un moment, s’y applique sur un Etat. Autrement dit sur un Etat où règne une bonne gouvernance, une démocratie d’opinion et d’expression. Or, et malgré, c’est vrai, les efforts exercés en personne par le président Joseph Kabila Kabange, ni son gouvernement, ni son pays n’y sont ni une démocratie, ni une bonne gouvernance, et ni non plus une vraie dictature ! Cet homme qu’on appelle « le Raïs » serait, donc, président d’un non-Etat, c’est-à-dire d’une république chimérique et inappropriée.
La difficulté d’y répondre convenablement à la thématique proposée y repose dans un tel hiatus, ou dans un pareil dilemme. Clairement, il s’agit de dire ce qui suit : que pour envisager une sortie de la crise financière qu’il s’agisse de l’Afrique tout entière, ou qu’il s’agisse du Congo/Kinshasa en particulier, il y a lieu de se poser avant tout la question de savoir si tous les pays africains (en ce compris le Congo/Kinshasa) remplissent les critères d’un Etat ? Or, dans des conditions qui sont les siennes aujourd’hui, le Congo/Kinshasa n’est pas un Etat, mais une simple et vulgaire république bananière.
Mais qu’est-ce qu’un Etat au juste ? Une synthèse historique (cfr. Louis Machiavel, Hannah Arendt, Max Weber, Bodin, Karl Marx …) disent à la fois la même et autre chose le concernant. Ainsi, L’État est une des formes d’organisation politique et juridique d’une société (en tant que communauté de citoyens ou de sujets) ou d’un pays. Il a été précédé par la Polis grecque, la res publica romaine, le Saint Empire romain germanique etc. Il est délimité par des frontières territoriales à l’intérieur desquelles ses lois s’appliquent et est constitué d’institutions par lesquelles il exerce autorité et pouvoir ; la légitimité de cette autorité repose sur la souveraineté (du peuple ou de la nation par exemple).Le pays désigne une entité géographique tandis que le gouvernement est l’institution qui dirige l’État ; la nation quant-à-elle ne se confond pas avec l’État sauf dans le modèle de l’État-nation.
Le mot « État » apparaît dans les langues européennes au tournant des XVe et XVIe siècles pour désigner une forme d’organisation du politique qui s’est développée à partir de la Renaissance. Selon Hannah Arendt, le mot vient du latin status rei publicae qui signifie « forme de gouvernement ».
Toutes ces impressions que l’on vient d’appréhender sont toutes correctes. Mais sont-elles ou peuvent-elles y être appliquées sur l’ensemble des pays africains actuels, et en particulier sur le Congo/Kinshasa de J. Kabila Kabange ? Si l’on est honnête, on y répondra par la négative, et il n’y aurait pas péril dans la demeure. Mais si l’on était qu’un vulgaire troubadour, tout juste là pour flatter le chef, alors on y répondrait par l’affirmative. Mais à quel prix ? Au prix justement de la gabegie, l’anarchie, la profanation que l’on connaît en ce moment au Congo/Kinshasa pour ne point le nommer. Car, et comme expliquent les marxistes, la classe dirigeante utilise l’État comme un instrument de domination de la société en utilisant les liens personnels entre les hauts fonctionnaires et les élites économiques . Pour cet auteur, l’État est dominé par une élite qui a la même origine que la classe capitaliste .
Et s’agissant du Congo/Kinshasa, je ne dirai pas personnellement qu’ils ont tort, les marxistes. Bien sûr, ce serait faux et archi-faux de penser que cette critique marxiste ne s’adresse qu’aux dirigeants africains, ou congolais. Eh bien non. Car, elle implique aussi même les pays les plus développés tels ceux de l’Europe occidentale, et de l’Amérique du Nord. Seulement, les choses n’étaient pas autant pires qu’en Afrique, et au Congo/Kinshasa plus particulièrement.
Dans un pays où d’une part toute la superstructure est corrompue (alors que pour Hegel c’est elle la charpente organisatrice de l’économique, du politique, du social, et du culturel d’un pays, d’une nation, d’un peuple, d’un Etat, dans la mesure où pour lui c’était les idées qui mènent le monde et l’Etat en particulier), et toute l’infrastructure était déguelasse (alors que pour Marx ce n’était que l’inverse, car ce qu’il appelait l’infrastructure et qu’il entendait par l’économique était la matière principale qui en était la locomotive de tout ce qui est politique, social, et culturel du monde, d’une nation, d’un peuple, d’un Etat, car, reconnût-il, lorsque l’économique est par terre, tout était par terre qu’il s’agisse, donc, du social, du culturel, ou du politique. Parce que pour K. Marx, ce ne sont pas les idées (c’est-à-dire la superstructure qui mène toute l’organisation sociale et humaine de la société, voire d’une culture, mais au contraire l’action, ou pour parler marxien, la praxis, ou encore la matière).
Mais même si, en partie, mais en partie seulement, K. Marx a tort de séparer les deux superstructures (l’idée) (politique, philosophie, justice, etc.), et l’infrastructure (la matière) (l’économie), car en ce qui me concerne, les deux vérités vont ensemble (et il n’y a pas que moi qui pense ainsi, Heidegger mon auteur de prédilection le dit également, dans la mesure où aucune transformation théorico-spéculative de la société n’est jamais possible, sans un minimum de théorie, ou d’idée. De même aucune matière, aucune praxis, aucune action n’est ni possible, ni ne conduit en locomotive l’organisation sociale et humaine d’une culture, ou d’une société quelconque, sans une dose d’idée, de théorie.
Mais, K. Marx ne peut pas avoir tort d’avoir dit ce qu’il avait dit, à savoir que l’économique, c’est-à-dire l’infrastructure était effectivement la véritable locomotive de l’organisation superstructurelle (philosophique, juridique, politique, sociale, culturelle) d’un Etat, d’une nation, ou d’un peuple. La preuve, la chute des Etats partout dans le monde à cause de la crise économique, mais qui, en vérité, en a appelé ce qu’on appelle aujourd’hui la crise financière.
Ton langage te trahis tu es Congolais disciple de Satan !
Ce qui se passe au Congo/Kinshasa relève avant tout de la crise économique, bien sûr. Mais la crise mentale (philosophique, politique, juridique, sociale, culturelle), n’est jamais loin, mais que du contraire. Car n’est-elle-même pas la plus déterminante ? D’où le petit hic ! que j’observais, il y a un instant, à l’égard de l’opposition radicale qu’interjetait K. Marx entre superstructure et infrastructure. Parce que j’étais toujours convaincu que les deux allaient toujours de paire. D’ailleurs (sans y être un critique de K. Marx, car il est indépassable, voire indémodable, bien sûr !), je dirai même que l’exemple du Congo/Kinshasa est celui qui a le plus démenti K. Marx ! Dans la mesure où il n’y avait pas un seul pays au monde où l’universitaire, ou simplement le diplômé a le plus fait honte, ou le plus déçu.
Car, lorsqu’il y était placé quelque part, sa préoccupation première reste constamment le vole, le détournement des deniers publics, et courir derrière les femmes libres ou non, les femmes mariées, et les jeunes filles ayant l’âge de leurs enfants, et petits enfants. Il n’est jamais en mesure d’y appliquer sa science (mieux sa superstructure là où la communauté ou l’Etat en a besoin). Sa préoccupation n’y consiste pas dans le mérite, et la confiance que le chef de l’Etat à placé en lui, mais au contraire dans une certaine barbarie intellectuelle, qui n’est jamais loin de la prédation et diversion sociales. D’ailleurs, c’est la perversion des valeurs, dont avait sous-entendu le chef de l’Etat Joseph Kabange dans son entretien au New York Time, j’y reviendrai dans un moment.
Ainsi, et comme pour emboîter le pas au chef de l’Etat congolais, j’ai été très étonné (alors que je l’y avais critiqué sévèrement pour le « devoir d’amnésie », qu’elle a proposé aux Congolais à propos de la vraie tragédie de la partie septentrionale de la RDC), que Hillary Clinton ait vraiment tenu aux Congolais un discours sans langue de bois sur l’irresponsabilité, l’immaturité, la médiocrité de la classe politique de J. Kabila. En effet, répondant à la question de Christian Lusakueno responsable de la Radio Top Congo FM émettant de la capitale congolaise, et qui lui demandait ce qu’elle entendait par créer un nouveau partenariat ? Alors que le président Obama a dit au Ghana que les USA ne veulent plus de parrainage, mais de véritables accords d’égal à égal. Mais la RDC est un pays post conflit- qui doit au préalable se reconstruire, ce, sans appui extérieur et en payant en remboursement 50 millions de dollars chaque mois aux institutions de Bretton Woods. Comment pensez-vous que la RDC puisse y arriver? Et comment elle comptait pour aider un tel pays ?, Madame Clinton n’en eût pas été uniquement que démonstrative, mais également très convaincante, pour y être souligné. Je la cite : « Je pense que les issues sont nombreuses. Le président Obama a aussi dit au Ghana que l’avenir de l’Afrique appartient aux africains. Celui de la RDC aux Congolais. C’est à vous de faire le choix, et le bon choix de ce que vous voulez faire de votre pays. Par exemple, ce pays a d’énormes réserves de richesses naturelles, mais les bénéfices de l’exploitation de celles-ci ne profitent pas à la majorité des congolais ; ils ne profitent pas au développement du pays parce que allant vers d’autres cieux où ils enrichissent que peu de personnes. Il y a déjà de sérieux problèmes sur ce point là. Il y a aussi le problème de l’exploitation de ces richesses. Nous devons nous assurer que seront mis en place des mécanismes officiels et transparents pour le bien du pays. »
Mais, poursuit-elle, « Il faudrait ainsi s’assurer que ceux qui investissent dans ce domaine soient réellement au bénéfice de tout le pays et non de certains individus. Il y aurait ainsi plus de fonds pour le développement et la reconstruction (accès à l’eau potable, construction de routes et autres) parce que ces investisseurs-comme c’est le cas avec De Beers-, au-delà de leurs investissements, contribueraient à la réelle reconstruction du pays. Donc, il y a de nombreuses voies pour le gouvernement de la RDC de mobiliser des fonds pour le développement du pays. Il doit agir différemment que maintenant. Je pense aussi que la transparence dans la gestion donnera plus de confiance à beaucoup d’institutions internationales comme la Banque mondiale pour venir au chevet de la RDC. Ils doivent cependant être certains que l’argent n’ira pas dans les poches de certains individus. Il y a aussi de sérieux problèmes de Droit de l’Homme et de corruption, l’impunité pour ceux qui commettent des détournements et même des violences sur les femmes qui ne rassurent pas les investisseurs que s’ils viennent en RDC ils puissent trouver sécurité et justice. Il y a donc beaucoup à faire mais, encore une fois, c’est au gouvernement de la RDC de prendre des mesures dans ce sens.» .
Mais pousser aux cordes par son interlocuteur du Top Congo FM qui reconnaissait que la RDC a certes beaucoup à faire, mais dans cette période post conflit, comme c’est fut le cas en 1945 en Europe, les États-Unis ne devraient-ils pas, avec la communauté internationale, mettre au point une espèce de plan Marshall de reconstruction ?, ici non plus la réponse de la Secrétaire d’Etat américaine fût sans la moindre fioriture, en disant : « Si vous voyez combien d’argent rentre dans ce pays, des milliards de dollars y circulent… je pense qu’il y a beaucoup de soutien à ce pays qui pourrait encore être plus important s’il y avait plus de bonne gouvernance. » Autrement dit « Personne ne viendra vous aider tant qu’il ne sera pas certain que cette aide ira réellement là où elle doit aller. C’est un vrai dilemme. Un pays si riche dont les fruits ne profitent qu’à une minorité. » Car, conclut-elle exaspérée M. Clinton, « Il y a des milliards qui sortent de ce pays, comme par exemple avec le coltan que nous utilisons dans nos téléphones cellulaires, mais où et à qui profite cet argent ? Cette richesse générée ici ne profite pas à toute cette population que j’ai vue sur la route à Kinshasa, en venant de l’aéroport. Il doit donc y avoir un nouveau modèle de développement, plus de garanties de meilleure gouvernance, moins d’impunité, plus de transparence. Si le gouvernement disait par exemple qu’il va publier sur internet tout l’argent qui arrive ici, nous voulons que cela se sache au Congo et à l’étranger, il y aurait ainsi plus de fonds pour le développement et la reconstruction, vous auriez beaucoup plus d’aides. Mais maintenant nous ne devons qu’imaginer ce qui se passe ici. Comment être sûr que le soutien apporté à la RDC lui profite vraiment.» .
Pourquoi cherchez le vivant parmi les mourants ?
Mais, même si le président J. Kabila Kabange devrait avoir un problème avec l’exercice du pouvoir politique, alors qu’aux yeux de tous il en était le « tout puissant », car ayant à ses pieds l’Etat congolais tout entier, force était de reconnaître la qualité « patriotique » voire « nationaliste » de l’interview qu’il accordât au New York Time (qui n’est ni le « mégalomaniaque », ni le « mythomaniaque Sof International du député Kin Kiey Mulumba). Une interview que je qualifie d’intelligente voire d’historique, dans la mesure où le chef de l’Etat congolais y retrace non seulement les origines véritables de la tragédie congolaise, mais également celles des lointains horizons vers lesquels il attendait conduire son pays et son peuple.
C’est alors que j’ai fini par comprendre, modeste expérience politique aidant, que les universitaires n’étaient pas toujours les mieux placés pour gouverner un pays. P-E. Lumumba n’y avait jamais été, mais au contraire en tant que simple autodidacte il a su canaliser les souffrances et les espoirs de ses compatriotes congolais jusqu’à l’accession de son pays à la souveraineté internationale. Simple autodidacte également, Mobutu Sese Seko a su tenir son peuple et son pays dans un long règne sans partage des trente-deux ans voire trente-sept ans de pouvoir, mais sans que ni l’unité nationale du pays, du peuple, ni l’intégrité géopolitique n’ait été bousculée par quiconque. A telle enseigne que malgré ses dérives « festoyantes » dues aux orgies d’un pouvoir machiavélique voire satanique, aujourd’hui avec recule non seulement on peut le regretter pour le sentiment d’union nationale, de sécurité généralisée qu’il sût « infecter » dans l’ensemble du pays, mais tout autant également pour la peur qu’il inoculait chez ses voisins qui, de son vivant, n’y parvinrent jamais ni à déstabiliser son régime, ni à attaquer son pays, ni non plus à abandonner une partie de son peuple à lui-même, à la merci des troupes étrangères ougandaise, rwandaise, burundaise, sans compter les milices semant la mort, le viol, le vole partout et contre n’importe quel civil innocent.
Laurent-Désiré Kabila ne fît pas non plus des grandes études, mais comme son idole Patrice-Emery Lumumba, il est et restera dans l’histoire comme celui qui a renversé la dictature de Mobutu, roulé par deux fois dans la farine l’Administration Clinton et ses suppôts rwandais, ougandais et burundais, et enfin qui a été assassiné, parce que comme Patrice-Emery Lumumba, il ne voulût pas de la balkanisation du Congo/Kinshasa, ni du bradage de ses richesses …
Mais Joseph Kabila s’inscrit-il dans une telle lignée, celle des grands et bons autodidactes ? On pourrait y répondre par oui et non à la fois ! Pourquoi ? Parce qu’on pourrait y avoir à son égard un sentiment de frustration, et de « légitimation ». Sentiment de légitimation, on y constatera sans aucune peur d’y être contredit que l’homme n’est pas et ne sera jamais son grand ancêtre Lumumba, ni son père L-D. Kabila, ni encore moins le Maréchal Mobutu. Sentiment de frustration, car J. Kabila n’est ni loquace, ni bon parleur. Il a le pouvoir absolu, mais laisse aller. Au point d’y être accusé, voire traité d’irresponsabilité, de complicité dans la tragédie congolaise dont on parle en ce moment. Par contre, n’est-il pas un grand observateur, qui n’ouvre sa bouche que pour dire quelque chose de sensé à l’instar, ainsi que je viens de le dire, il y a un moment, de sa très pertinente interview au New York Time, et où il a réduit en cendres sa propre classe politique composée, même s’il ne le dit qu’à demi-mot, de plus d’affairistes, de commerçants, de « musiciens », de commissionnaires, des mafieux, des faussaires, plutôt que des véritables acteurs doués et investis pour le développement économique, politique, social et culturel de leur pays … ?
En effet, lassé par la corruption de ses collaborateurs les plus proches, et au-delà de toute sa classe politique (la Chambre haute, la chambre basse, la magistrature, le gouvernement, la presse, et j’en passe), J. Kabila fit très fort lors de cette interview, dont de mémoire collective de l’histoire de notre pays, aucun chef de l’Etat n’y allât au plus fort dans le discrédit. Il est à féliciter. Car, il a osé. Mais s’il l’a fait, ce ne fût nullement pour amuser la galerie. Mais, parce qu’après avoir observé ceux qui se disent et s’autoproclament des « vrais » Congolais (alors qu’on le lui conteste, à s’y demander au nom de quoi, sa « congolité »), et des grands universitaires de Belgique, de France, du Canada, des USA, d’Allemagne, d’Espagne, du Royaume-Uni, du Portugal, de la Grèce, que de pays européens et occidentaux pour pousser le culte jusqu’à la lie, il n’y a décelé chez eux aucun sens patriotique, ni nationaliste pour lequel P-E. Lumumba et son vrai père L-D. Kabila ont donné de leur vie. Et, surtout qu’avec ces Congolais-là, il fallait en revanche parler bière, femmes et musiques (BFM), plutôt que d’y monter des stratégiques efficaces et « sacrificielles » pour pouvoir remettre le pays dans la bonne gouvernance, la démocratie, en dehors de la crise économique et financière … bien entendu ! L’« authenticité » du diplômé et/ou de l’universitaire congolais ne s’y vérifie, s’y serait-il dit, que dans l’accumulation de l’argent, de la richesse, de villas, et le tout au détriment du peuple.
Or, qu’il y prenne garde, car ces soi-disant « intellectuels » congolais-là, devrait-il s’y dire, comme ils n’y étaient ainsi attirés que par l’appât du gain financier, et la prostitution en tout genres n’hésiteraient pas à le trahir comme ils le firent avec Patrice-Emery Lumumba et tout récemment avec son père Mzee Laurent-Désiré Kabila, sans oublier l’autre héros national Pierre Mulele. C’est peut-être pourquoi, ayant cultivé cela dans sa conscience ce danger-là, des observateurs n’y relèvent-ils dans sa garde prétorienne que des « étrangers », dont la conscience n’était pas aussi facilement prenable que l’est celle de ses troubadours conseillers congolais auréolés de l’étiquette des « vrais » Congolais, comme si la « congolité » ou la « francité » (s’agissant de l’origine de celui qui se réclame, par exemple, de la France) de quelqu’un avait déjà nourrit son homme, sinon plutôt la force de sa capacité créatrice, productrice et introductrice de l’invention dans l’histoire mondiale, et dans son propre pays.
D’où son interview au New York Time m’a beaucoup marqué. Au point d’y avoir inspiré, à juste titre, et dans un autre contexte, l’intitulé d’un ouvrage que je prépare en réponse à celui de Charles Onana, intitulé « Ces tueurs bantous au cœur de la tragédie congolaise. Réponse à Charles Onana ».
Mais, je ne suis pas, et n’y serai jamais un « kabiliste » post-LDK (même si son « héritier » faisait appel à mes compétences pour pouvoir l’aider dans son travail de « reconstruction » du Congo/Kinshasa de nos ancêtres, ce dont je n’en suis pas non plus ni demandeur, ni solliciteur, alors que la barge a déjà tanguée) ! Ce que cela veut dire consiste à dire simplement qu’on peut travailler avec le président de la république, et beau y être son conseiller le plus proche, et lui dire ce que tu penses dans le bon ou dans le mauvais sens, et quitte à lui-même de tirer ses conclusions. Un conseiller du président de la république, un ministre, un député, un sénateur, un journaliste n’y doit jamais user d’un double langage, sinon on tourne en rond en autant de fois que le pays y reste sans avenir, sans destin. Mais facile à dire qu’à faire, bien sûr, je n’ignore, ni sous-estime la difficulté, car on aurait à craindre pour sa vie. D’où alors autant n’est pas y aller. Voilà !
En attendant, je reste d’avis que J. Kabila Kabange a montré noir sur blanc qu’être universitaire ne suffisait pas pour mériter le statut d’« intellectuel ». Car, quand on se dit intellectuel, on ne vole pas, on ne triche pas, on ne tue pas des personnes innocentes, on ne viole pas, on ne pratique pas le népotisme, on n’impose pas le « nudisme » sexuel etc. Ce pays, martelât-il, n’avait pas besoin d’un millier de conseillers, de ministres, mais au contraire de courtisans, et de « caissiers » des palais, pour s’émanciper politiquement, économiquement, socialement, et culturellement ! Car quinze personnes y suffisait amplement, même s’il n’en tenait que un, deux, ou trois … collaborateurs capables et compétents !
Quel désaveu et quelle humiliation proféré (e) par le chef de l’Etat à l’égard de ses collaborateurs qu’ils aient été de la Chambre haute, de la Chambre basse, du Gouvernement, de la Magistrature, de l’Armée, ou de la Presse ? Toutefois, et c’est dommage qu’un tel désaveu n’ait jamais été saisi par ses collaborateurs et fidèles, qui n’y font que tournoyer tout autour de la caisse de l’Etat, pour lui déposer leur démission ! Moi personnellement, c’est ce que j’aurais fait sans tarder, ni trembler, et cela quels qu’en aient été les risques et les dangers d’une telle démission, le mot y figure tout de même dans le Larousse, pour dire qu’enfin de compte ce n’est pas moi qui l’ait inventé. Mais, malheureusement, sa classe politique n’étant composée que des jusqu’au-boutistes aboutis, voire achevés, et n’en ayant pour seule tâche que la facilité et la médiocrité, aucun d’eux n’a osé. De telle sorte que malgré le tollé général que cette déclaration que leur maître à penser leur a assénée, eh bien chacun s’y donne au jeu du cache-cache, en préférant faire les enfants ! A telle enseigne, hélas, que le niveau moral, spirituel, moral, psychologique, sociologique, et intellectuel de ces gens-là ne vole jamais haut.
II L’Afro-congolais victime de sa propre carence éthique et/ou morale
La déchéance perpétuelle du continent africain est,- au lieu d’être un problème avant tout de domination du au rapport des forces entre lui et l’Occident, même si j’en ignore ni les conséquences, ni les dégâts, et ni encore moins les avatars, foncièrement un problème culturel. En effet, les Africains noirs n’y seraient-ils peut-être ainsi faits ? Autrement dit large sourire et toutes dents dehors comme celles d’un chimpanzé brun abattu, jovial ostensiblement même si les conditions matérielles ou morales ne l’y permettent pas, insouciant au point de n’y rien à envier au canard, attention portée sur des chrysanthèmes plutôt que sur des objectifs sérieux y relevant les conditions sociales de l’existence, et la liste des faiblesses est longue pour n’y point toutes les énumérées. Jean-Jacques Rousseau écrivait alors afin d’y stigmatiser ce qui y est ici dénoncé que « Les anciens politiques parlaient sans cesse de mœurs et de vertu ; les nôtres ne parlent que de commerce et d’argent. L’un vous dira qu’un homme vaut en telle contrée la somme qu’on le vendrait à Alger ; un autre en suivant ce calcul trouvera des pays où un homme ne vaut rien, et d’autres où il vaut moins que rien. Ils évaluent les hommes comme des troupeaux de bétail » .
C’est pourquoi, et même si la bêtise humaine est universelle, et que dans ce sens-ci le politicien africain n’en possède pas la mesure, néanmoins il y serait faux d’y attribuer toute la responsabilité de la déchéance congolaise ou de quel qu’autre pays africain aux seuls Occidentaux. Mais, c’est ainsi, et contrairement au philosophe camerounais M. Towa qui conseille aux Africains noirs de « se ressaisir et de partir à la conquête du monde en devenant plus Occidentaux que les Occidentaux s’il le peut », comme le philosophe S. Latouche, j’entends également que « Le sous-développement est en son essence ce regard, cette parole d’Occident, ce jugement sur l’Autre, décrété misérable avant de l’être, et le devenant parce que jugé ainsi irrévocablement. Le sous-développement est une nomination occidentale. » .
Alors que, pour sa part, M. Towa y persiste et signe, en décrétant que « Le secret de l’Europe réside dans ce qui la différencie de nous », donc il faut « se nier, mettre en question l’être même du soi, et s’européaniser fondamentalement … nier notre être intime pour devenir l’Autre … viser expressément à devenir comme l’Autre, semblable à l’Autre, et par là, incolonisable par l’Autre » . Pour S. Latouche (et je marche avec lui), cette hypothèse est inconséquente voire totalement ridicule ne-fût-ce qu’à se demander « Et si l’Autre, observe S. Latouche, ne survit que par le sang de ses victimes … » ? Bien plus que « La tentation est grande de se donner bonne conscience et de sécher les sanglots de l’homme blanc, en constatant qu’en effet le sous-développement n’est pas le résultat d’une spoliation ou d’une problématique échange inégal. L’Occidentalisation ramenée à son noyau dur, l’économisation, est possible et engendrerait bien la richesse qu’elle promet. Les nouveaux pays industriels montrent la voie de cette nouvelle richesse des nations. Le sous-développement n’est plus que le résultat contingent de la malchance, de la maladresse et de la perversité. La machine occidentale innocente et efficace s’offre en modèle permanent pour en sortir. » .
Mais plus malin qui oserait y déclarer l’interculturalité misérable. Mais, l’identification africaine à l’occidentalisme que prône le philosophe camerounais M. Towa en aurait été purement et simplement coptée, s’il n’y avait pas en même temps l’exploitation de l’homme par l’homme, l’impérialisme et l’hégémonisme des grandes puissances occidentales, dont les USA, la France, la Belgique, le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne en tête. Le constat de Samir Amin est sans appel : « Dès les années 1980, alors que s’annonce l’effondrement du système soviétique, se dessine une option hégémoniste qui gagne l’ensemble de la classe dirigeante des Etats-Unis (ses establishments démocrates et républicains). Emportés par le vertige de leur puissance armée, désormais sans concurrent capable d’en tempérer les fantasmes, les Etats-Unis choisissent d’affirmer leur domination d’abord par le déploiement d’une stratégie strictement militaire de « contrôle de la planète ». Une première série d’interventions – Golfe, Yougoslavie, Asie Centrale, Palestine, Irak – inaugure dès 1990 la mise en œuvre de ce plan de « guerres made in USA », sans fin, planifiées et décidées unilatéralement par Washington » .
C’est pourquoi, « La stratégie politique d’accompagnement du projet en prépare les prétextes, qu’il s’agisse du terrorisme, de la lutte contre le trafic des narcotiques ou de l’accusation de production d’armes de destruction massive. Prétextes évidents quand on connaît les complicités qui ont permis à la CIA de fabriquer un adversaire « terroriste » sur mesure (les Talibans, Ben Laden – la lumière sur le 11 septembre n’ayant jamais été faite …) ou de développer le Plan Colombie dirigé contre le Brésil. Quant aux accusations de production d’armes dangereuses, portées contre l’Irak, la Corée du Nord et de demain n’importe quel Etat, elles font pâle figure face à l’usage effectif de ces armes par les Etats-Unis (les bombes de Hiroshima et Nagasaki, l’emploi d’armes chimiques au Viet Nam, la menace avouée de l’utilisation d’armes nucléaires dans les conflits à venir …). Il ne s’agit donc là que de moyens qui relèvent de la propagande au sens que Goebbels donnait au terme, efficaces peut-être pour convaincre l’opinion niaise aux Etats-Unis mais de moins en moins crédibles ailleurs » .
Conséquence, « La guerre préventive » formulée désormais comme un « droit » que Washington se réserve d’invoquer, abolit d’emblée tout droit international. La Charte des Nations Unies interdit le recours à la guerre, sauf dans le cas de légitime défense ; et soumet sa propre intervention militaire éventuelle à des conditions sévères, la riposte devant être mesurée et provisoire. Tous les juristes savent que les guerres entreprises depuis 1990 sont parfaitement illégitimes et qu’en principe ceux qui en prirent la responsabilité sont des criminels de guerre. Les Nations Unies sont déjà traitées par les Etats-Unis, mais avec la complicité des autres, comme le fut naguère la SDN par les Etats fascistes. L’abolition du droit des peuples, déjà consommée, substitue au principe de leur égalité celui de la distinction entre un « Herrenvolk » (le peuple des Etats-Unis, accessoirement celui d’Israël) qui a le droit de conquérir « l’espace vital » qu’il juge nécessaire et les autres, dont l’existence même n’est tolérable que si elle ne constitue pas une « menace » pour le déploiement des projets de ceux appelés à être les « maîtres du monde » .
Quand on observe ce qui se passe aujourd’hui en Irak, en Afghanistan, en Palestine, au Congo/Kinshasa et dans plusieurs régions du monde,- malgré l’opposition et les réserves émises par la communauté internationale, on ne peut s’empêcher de qualifier cet impérialisme et hégémonisme des pays occidentaux, et les Etats-Unis d’Amérique en tête comme une barbarie et une sauvagerie. Serge Latouche a d’ailleurs longtemps avant même les attentats du 11 septembre 2001 contre les Twin Towers montré comment « En réduisant la finalité de la vie au bonheur terrestre, en réduisant le bonheur au bien-être matériel et en réduisant le bien-être au PNB, l’économie universelle transforme la richesse plurielle de la vie en une lutte pour l’accaparement des produits standard. La réalité du jeu économique qui devait assurer la prospérité pour tous n’est rien d’autre que la guerre économique généralisée. Comme toute guerre, elle a ses vainqueurs et ses vaincus ; les gagnants bruyants et fastueux apparaissent auréolés de gloire et de lumière ; dans l’ombre, la foule des vaincus, les exclus, les naufragés du développement, représentent des masses toujours plus nombreuses. Les impasses politiques, les échecs économiques et les limites techniques du projet de la modernité se renforcent mutuellement et font tourner le rêve occidental en cauchemar » .
Pour s’y en sortir, « Seul un réenchâssement de l’économique et du technique dans le social, reconnaît S. Latouche, pourrait nous permettre d’échapper à ces sombres perspectives. Il faut décoloniser notre imaginaire pour changer vraiment le monde avant que le changement du monde ne nous y condamne dans la douleur. » .
L’Occidentalisation du monde, mettait en garde, comme il l’explique lui-même, la montée d’un terrorisme disposant des moyens technologiques toujours plus sophistiqués, appelé à un bel avenir du fait de la croissance des inégalités Nord-Sud et de la montée des frustrations et du ressentiment. Désormais, l’occidentalisation est devenue la mondialisation et ses prévisions les plus sinistres se sont malheureusement réalisées . Toutefois, observe-t-il, il se gardera bien cependant de dire un peu hâtivement, comme certains, que l’on a assisté en direct à l’écroulement de l’empire américain, voire à la chute de l’Occident. Tout au plus, S. Latouche y voit dans l’événement un témoignage de la fragilité de notre mégamachine techno-économique planétaire et de la haine engendrée par l’arrogance de sa société (Occident) et son mode de vie .
En attendant, peut-être d’autres dégâts les plus meurtriers, S. Latouche estime qu’on ne désamorcera pas la bombe qui menace de les faire sauter et on n’apaisera pas la soif de revanche des laissés-pour-compte, en se mettant la tête dans le sable comme l’autruche et en se gargarisant de belles paroles sur l’avènement prétendu d’une société multiethnique et multiculturelle planétaire. Sans doute vaut-il mieux, conclut-il, prendre la mesure de l’« exception occidentale » et affronter avec lucidité le péril de la mondialisation qui pourrait bien signifier la faillite de leur universalisme « tribal » et envisager sérieusement son remplacement par un « pluriversalisme » authentique. »
Dans le même sens Edgar Morin montre comment « L’Europe a été le foyer d’une domination barbare sur le monde durant cinq siècles. Elle a été en même temps le foyer des idées émancipatrices qui ont sapé cette domination. Il faut comprendre la relation complexe, antagoniste et complémentaire, entre culture et barbarie, pour savoir mieux résister à la barbarie. Les tragiques expériences du XXe siècle doivent aboutir à une nouvelle conscience humaniste. Ce qui est important, ce n’est pas la repentance, c’est la reconnaissance. Cette reconnaissance doit concerner toutes les victimes : Juifs, Noirs, Tziganes (…), Arméniens, colonisés d’Algérie ou de Madagascar. Elle est nécessaire si l’on veut surmonter la barbarie européenne. Il faut être capable de penser la barbarie européenne pour la dépasser, car le pire est toujours possible. Au milieu du désert menaçant de la barbarie, nous sommes pour le moment sous la protection relative d’une oasis. Mais nous savons aussi que nous sommes dans des conditions historico-politico-sociales qui rendent le pire envisageable, particulièrement lors des périodes paroxystiques. La barbarie nous menace, y compris derrière les stratégies qui sont censées s’y opposer. » .
Pour E. Morin, le meilleur exemple (pour pouvoir justifier encore cette barbarie européenne) en est Hiroshima. Et, il est court voire insuffisant de ne se limiter qu’à Auschwitz et au Goulad. Cela si tant il est vrai que « L’idée qui conduit à cette nouvelle barbarie est l’apparente logique qui met sur la balance les deux cent mille morts dus à la bombe, et les deux millions, dont cinq cent milles GI, qu’aurait coûté la prolongation de la guerre par des moyens classiques – si l’on procède du moins à partir d’une extrapolation des pertes subies pour la seule prise d’Okinawa. Il faut dire d’abord que ces chiffres ont été volontairement grossis, mais surtout il ne faut pas craindre de mettre en avant un facteur décisif qui a joué dans décision de recourir à la bombe atomique. Dans la conscience du président Truman et de nombreux Américains, les Japonais n’étaient que des rats, des sous-hommes, des êtres inférieurs. Par ailleurs, nous avons là un fait de guerre qui contient un ingrédient de barbarie supplémentaire : les progrès extraordinaires de la science mis au service d’un projet d’élimination technoscientifique d’une partie de l’humanité. Je le répète, le pire est toujours possible » .
Voilà pourquoi, « en ce qui concerne l’Europe, poursuit-il, ce qu’il nous faut à tout prix éviter, c’est la bonne conscience, qui est toujours une fausse conscience. Le travail de mémoire doit laisser refluer vers nous la hantise des barbaries : asservissement, traite des Noirs, colonisations, racismes, totalitarismes nazi et soviétique. Cette hantise, en s’intégrant à l’idée de l’Europe, fait que nous intégrons la barbarie à la conscience européenne. C’est une condition indispensable si nous voulons surmonter les nouveaux dangers de barbarie. Mais comme la mauvaise conscience est aussi une fausse conscience, ce qu’il nous faut c’est une double conscience. A la conscience de la barbarie doit s’intégrer la conscience que l’Europe produit, par l’humanisme, l’universalisme, la montée progressive d’une conscience planétaire, les antidotes à sa propre barbarie. C’est l’autre condition pour surmonter les risques toujours présents de nouvelles, de pires barbaries » .
Mais, et malgré cette « barbarie » dont on peut lui reprocher, j’ajoute que l’Occident reste aujourd’hui un modèle social d’intégration, de libération, d’humanisation. Même si il reprend ce qu’il donne de la main droite à ceux qu’il aide de la main gauche, sa volonté d’humanisation ne saurait être remise en cause.
Cependant, et nul n’est dupe, les premiers responsables de la crise africaine, et congolaise en particulier sont des Africains et des Congolais eux-mêmes. Car, il y a longtemps que l’impérialisme, l’hégémonisme, le néo-colonialisme (tous des concepts métaphysiques, au sens des concepts y relevant de la pure spéculation) auraient disparus si les Africains se comportaient de façon digne et responsable. Ainsi, il y a longtemps qu’il s’agisse des Chinois, des Indiens, surtout des Japonais ces concepts métaphysiques ont disparu de leurs langages. Parce qu’ils y parlent désormais création, production, introduction de l’invention dans l’histoire. Quant aux Congolais, il y croit beaucoup plus en ce qu’il apparaît, plutôt qu’en ce qu’il doit ou devait faire. C’est un être, pour parler kantien, plus « phénoménal » que « nouménal ». Ce qui est tout à fait le contraire chez l’occidental. Les Occidentaux sont des « nouménaux », c’est-à-dire des gens susceptibles de survoler les épiphanies quotidiennes, pour y aller chercher les essences au-delà qui permettent et stimulent la capacité créatrice, productrice, inventive d’un être humain comme tel. Or, si on peut parler de leur supériorité ontologico-anthropologique dans tous les domaines de la vie et de l’existence c’en est là.
Or, en m’expliquant de la sorte, je rejoins sans le savoir, ainsi que me le rappelle sans attendre S. Latouche, la doctrine de ceux et celles qui soutiennent la présence d’une « métaculture » originaire dans l’Occidentité occidentale. Qu’est-ce à dire ? « Qu’une réponse souvent donnée, indique ce dernier, est que intéressée aux autres cultures et qui, se mettant elle-même en question, a de ce fait une vocation universelle. En d’autres termes, elle contiendrait une « métaculture » lui permettant de se représenter elle-même, de se mettre à distance, de s’autoréfléchir. De là viendrait sa supériorité. Si cette réponse séduit au premier abord, elle est problématique et incomplète. » .
Pourquoi ? Parce que, pour S. Latouche, « Si la distance critique était la source de la supériorité d’une culture, cela serait auto-contradictoire. L’Occident ne serait supérieur qu’en tant, et pour autant, qu’il douterait de sa supériorité … En outre, cette « qualité » ne suffit pas à définir complètement la spécificité occidentale, car, en y réfléchissant, on peut dire que toute culture contient une métaculture qui lui permet de se mettre en scène. Si les « petites cultures » locales semblent peu ouvertes et n’exercent pas d’effets de séduction sur les autres, il n’en est pas de même des « grandes civilisations » concurrentes de l’Occident : l’Inde, la Chine, l’Islam. Celles-ci participent d’ailleurs aussi de la civilisation définie antérieurement comme anti-culture. Elles ont aussi engendré des villes importantes, et cultivé des mœurs « policées. » .
On remarquera, cependant, avec moi, que même S. Latouche ne mentionne nullement la Négritude parmi les cultures concurrentes à l’Occident ! Mais uniquement les cultures indienne, chinoise et islamique qui y sont signalées. Personnellement, je n’y suis ni surpris, ni étonné, car dans sa conception post-identification, la négritude n’a plus été qu’une idéologie du sous-développement, mieux, un souffre-douleur, un cache-misère. Elle n’est jamais parvenue à comprendre la tradition et la culture africaines d’une façon créatrice, productrice, et introductrice de l’invention dans l’Histoire . Mais, et comme l’écrit E. Morin, « Rien n’est irréversible, et les conditions démocratiques humanistes doivent se régénérer en permanence, sinon elles dégénèrent. La démocratie a besoin de se récréer en permanence. Penser la barbarie, c’est contribuer à régénérer l’humanisme. C’est donc lui résister. » .
III Pour clôture et non fermer le débat
Nous vivons un monde des valeurs. Et, les valeurs n’y sont pas toujours ni ce qu’elles sont, ni ce qu’elles auraient dû ou devraient être. Les valeurs sont des valeurs. La puissance en est une. La faiblesse non. Car, la loi du plus fort est toujours la meilleure. C’est ainsi que dans « Les sociétés traditionnelles, note S. Latouche, qui sont allergiques aux valeurs des Blancs sont purement et simplement éliminées par extermination ou dépérissement « naturel ». Le bon Indien a effectivement été un Indien mort, alors qu’un Noir mort perdait toute valeur » . O. Spengler déclare que : « De par sa naissance, l’individu reçoit sa nature et un cercle de tâches possibles, à l’intérieur duquel le libre arbitre existe légitimement. Ce que peut ou veut sa nature, ce que lui permet ou lui interdit sa naissance, c’est cela qui trace, pour tout homme, un cercle de bonheur ou de détresse, de grandeur ou de lâcheté, de tragique ou de grotesque, qui seul donne un contenu à sa vie et, entre autres choses, tranche la question de savoir si elle a, en rapport avec l’ensemble de la vie, et par conséquent pour quelqu’aspect de l’histoire, une signification, ou si elle n’en a pas. »
L’histoire donne-t-elle, cependant, de sagesse ? Pour Hegel, et il a raison, car ce qu’il dit dans la suite s’y applique parfaitement bien sur l’afro-congolais, « On ne peut tirer de l’histoire aucune raison » : « On recommande aux rois, écrivait-il, aux hommes d’Etat, aux peuples de s’instruire principalement par l’expérience de l’histoire. Mais l’expérience et l’histoire nous enseignent que peuples et gouvernements n’ont jamais rien appris de l’histoire, qu’ils n’ont jamais agi suivant les maximes qu’on aurait pu en tirer. Chaque époque, chaque peuple se trouve dans des conditions si particulières, forme une situation si particulière, que c’est seulement en fonction de cette situation unique qu’il doit se décider : les grands caractères sont précisément ceux qui, chaque fois, ont trouvé la solution appropriée. Dans le tumulte des événements du monde, une maxime générale est d’aussi peu de secours que le souvenir des situations analogues qui ont pu se produire dans le passé, car un pâle souvenir est sans force dans la tempête qui souffle sur le présent ; il n’a aucun pouvoir sur le monde libre et vivant de l’actualité. (L’élément qui façonne l’histoire est d’une tout autre nature que les réflexions tirées de l’histoire). Nul cas ne ressemble exactement à un autre. Leur ressemblance fortuite n’autorise pas à croire que ce qui a été bien dans un cas pourrait l’être également dans un autre. Chaque peuple a sa propre situation, et pour savoir ce qui, à chaque fois, est juste, nul besoin de commencer par s’adresser à l’histoire. » .
A telle enseigne que cela me laisse à penser au colonialisme au Congo de l’époque. Il y avait, alors, un Etat colonial. Tout marchait alors très bien. Il y avait, certes, le fouet, mais l’ordre, la sécurité, la bonne gouvernance, la justice, la démocratie (coloniale) y régnaient de plus belle. Au point, donc, de penser que l’indépendance était une erreur, voire une faute absolue et insurmontable. Pourtant, « Le destin, renchérit du reste O. Spengler, c’est déjà : où, quand, sous quelle forme on vient au monde, en quelle année, dans quel peuple, dans laquelle de ses couches ; mais aussi, avec quel corps et quelle âme : malade, traînant une lourde hérédité, infirme, avec quelles dispositions innées. Les tragédies des individus résultent de la contradiction entre ces destins internes et les destins extérieurs. C’est la manière dont chacun en vient à bout qui marque son rang : fièrement, lâchement, de manière vile, avec grandeur, à soi-même sa propre loi, ou sans loi. » . Ainsi, « C’est la souffrance seule qui révèle le rang d’un être humain : sous les coups du destin, dans la détresse, sur les ruines de ses plans et de ses espoirs ». Car, « Le caractère d’un peuple est la résultante de ses destins. Ce n’est ni le pays, ni le climat, ni le ciel et la mer, ni non plus la race et le sang qui, en dernière analyse, le font naître. Tout cela n’est que la matière que les coups de la réalité historique forgent en forme. Dans l’histoire, ce sont les souffrances, plus que les réussites, qui modèlent le caractère. » .
Le Congo/Kinshasa se trouve trop bas au plan politique, économique, social, culturel … humain que le seul vrai destin qui en vaut valeur d’exemple pour ses habitants est la soumission monnayée , et l’exploitation de l’homme par l’homme. De telle sorte que dans ce pays-là, « Il est des hommes indignes d’une grande souffrance » . C’est-à-dire des hommes engagés au consumérisme, et n’ayant aucun destin de nul destin !
Et, pourtant, « On n’échappe pas au destin en fermant les yeux, en le niant, en luttant contre lui, en le fuyant. Ce ne sont là que d’autres manières de l’accomplir. Ducunt volentem fata, nolentem trahunt. » .
Fait à Louvain-La-Neuve, le 07/09/2009
Hdr/Dr. Antoine-Dover OSONGO-LUKADI
-Chercheur Habilité à Diriger des Recherches de Philosophie du CRHIA/Université de Poitiers(France)
-Docteur en philosophie et lettres de l’ISP/UCL (Belgique)
-Membre de l’Association des Philosophes Américains (APA)
-Membre de l’Association Canadienne de Philosophie (ACP)