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Par Marie-France Cros
Le Congo est le pays où l’indice de la faim est le plus haut au monde. Comment est-ce possible ? “La Libre Belgique” a trouvé les réponses à Gembloux.
Selon l’Institut international de recherche sur les politiques alimentaires, qui publie chaque année l’indice de la faim dans le monde, celle-ci atteint des niveaux “alarmants” dans 25 pays, dont 4 sont “extrêmement préoccupants”. Or, en tête de ces derniers, vient le Congo-Kinshasa, dont l’indice dépasse 40, selon un collectif d’ONG belges et congolaises, suivi du Burundi, du Tchad et de l’Erythrée qui dépassent 30. L’indice est calculé sur base de la proportion de population sous-alimentée, l’insuffisance pondérale infantile et le taux de mortalité infantile. Le Congo est le pays qui a subi cette année la plus forte détérioration de cet indice.
Si le petit Burundi doit faire face à une raréfaction des champs en raison de l’accroissement de la population rurale, si le Tchad et l’Erythrée doivent se battre contre l’aridité, comment peut-on mourir de faim dans un pays vaste et normalement fertile comme le Congo, dont seules 10 % des terres arables sont cultivées ?
Pour tenter de trouver une réponse à cette question, nous nous sommes rendus à Gembloux, où la faculté d’agronomie organisait la semaine dernière une journée sur le Congo, dans le cadre des manifestations pour son 150e anniversaire.
Parmi les nombreuses interventions destinées à présenter le travail de Gembloux sur le Congo, souvent en association avec l’université de Kinshasa, plusieurs touchaient à l’alimentation. Il en ressort que la faim dans ce pays résulte essentiellement de la mauvaise gouvernance, et il y a eu plusieurs appels à un changement urgent de la politique de Kinshasa en la matière.
Les orateurs ont rappelé que, selon la FAO (agence de l’Onu pour l’alimentation et l’agriculture), jusqu’à 44 millions de Congolais (sur un total de 55 millions) souffrent de malnutrition ou sous-nutrition. Que le Congo est obligé d’importer pour 18 millions de dollars par jour, alors que son PIB/jour ne dépasse pas 14 millions de dollars et qu’il est donc dépendant de l’aide et de l’endettement. Que la part de l’agriculture dans le budget national 2010 est de 0,69 % (“c’est bien moins que ce que font les autres pays africains”, a souligné le professeur Eric Tollens, de la KULeuven. “Si le Congo n’investit pas plus, cela n’ira jamais“). Que l’administration congolaise est “faible et prédatrice” vis-à-vis du paysan, les routes généralement inexistantes, l’électricité rarement disponible, les rendements agricoles “de niveau sahélien en raison de l’absence d’intrants (engrais, insecticides, etc.), de l’utilisation de variétés dégénérées (faute d’apports extérieurs régénérants) et de techniques de culture ancestrales” peu performantes, tels la houe, la machette, les brûlis
Pourtant, le potentiel est “incomparable”, la population “dynamique et robuste” et les “ressources abondantes“, a souligné Patrick Houben qui s’occupe du programme de sécurité alimentaire de l’Union européenne à Kinshasa.
“Il n’y a pas d’obstacles insurmontables à développer l’agriculture au Congo”, a souligné le professeur Philippe Lebailly (Gembloux et université de Liège) qui a mis en avant l’exemple de l’Algérie, passée en quelques années du statut d’un des plus gros importateurs de blé au monde à la quasi-indépendance, “grâce à une politique intelligente“.