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Le fond du débat sur les élections transparentes, le fichier électoral et la cartographie des centres d’enrôlement


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ParJ.-P. Mbelu
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-Si le pouvoir organisateur des élections chez nous tenait compte du niveau d’éducation, d’information, de formation et de connaissance de  la majorité de nos compatriotes, n’aurait-il pas eu recours à une technique et une technologie beaucoup plus adaptées ? Plus de 5000.000 de nos compatriotes  en âge de voter sont analphabètes. Le recours à l’informatique et à l’électronique dans une société non-fondée sur le développement humain et la recherche innovante met à nu une contradiction flagrante dans laquelle le pouvoir organisateur des élections probables de novembre 2011 veut enfermer nos populations. Le débat sur l’accès au fichier électoral et la localisation des centres d’enrôlement se comprend mieux dans ce contexte où la création des « infrastructures de communion généralisée » entre nous  a été exclue de la politique économique et sociale des élites qui nous gouvernent depuis tout un temps. Cela malgré la rhétorique enflammée sur « les cinq chantiers » !

L’organisation  des élections a un côté technique et technologique à prendre en compte. L’usage des machines (ordinateurs, téléphones,  véhicules, avions, etc.) et de la technologique y afférente sont des éléments importants de cette organisation. Et toutes ces machines participent de toute une conception, de toute une vision de la société sans laquelle elles perdent un peu de leur efficacité et de leur valeur. Les questions liées à l’usage des ordinateurs et à la demande de la localisation des centres d’enrôlement des électeurs chez nous trahissent plus ou moins la nature de la société dans laquelle nous vivons dans ses orientations  fondatrices.
Comment est-il possible d’organiser des élections techniquement  et technologiquement transparentes dans une société  où la question des énergies est restée sans réponse pendant toute une législature ? Ceux et celles d’entre nous qui travaillent avec les ordinateurs savent qu’une interruption du courant électrique peut causer la perte des données non-sauvegardées pendant la saisie. Sans mauvaise foi. Dans un pays où l’énergie électrique est rarissime ou connaît des coupures intempestives, la perte des données non-sauvegardées doit être une monnaie courante. Même quand ce sont des données liées à l’enrôlement des électeurs.  Chercher à avoir accès à la banque de données citoyennes (dont le fichier électoral)  ne devrait pas être interprétée comme un signe de mauvaise foi.
Vouloir organiser des élections en ayant recourt aux ordinateurs dans une société où l’obscurité est permanente  peut relever d’une imitation servile des sociétés bâties sur la recherche et le développement. C’est-à-dire des sociétés ayant intégré, dans leurs fondations, la question d’un développement humain axé sur la connaissance. Ces sociétés financent à la fois les énergies, les universités et la recherche innovante à coup des milliards de dollars. Elles savent qu’il y a une interconnexion entre ces trois secteurs de la vie publique.
Dans ces sociétés, les ordinateurs ne sont pas d’abord un objet de luxe (pour frimer). Elles en font un usage pluriel en privilégiant la recherche et le développement. (Même si tout n’y est pas parfait. Même si le triomphe de la cupidité y a causé beaucoup de tort à la recherche et au développement.) Du point de vue du développement humain, l’accès à une bonne information est capital. Internet, dans une certaine mesure, permet cela.
 L’un des pays pouvant être cité en exemple est le Japon. Depuis 1945, ce pays a décidé de devenir « une société de la connaissance » et ses innovations en informatique  et en électronique participent de cette vision basique.
Depuis 1945, le Japon a décidé de devenir « un empire de l’intelligence ». (Lire J.-F. SABOURET, L’empire de l’intelligence. Politiques scientifiques et technologiques du Japon depuis 1945, Paris, CNRS Editions, 2007)
Au Japon ou dans d’autres sociétés fondées sur le savoir et la recherche innovante, l’accès à la banque de données publiques tout comme les questions cartographiques peuvent trouver leurs réponses sur des moteurs de recherche mis à la disposition des usagers d’Internet (de plus en plus nombreux). Localiser un lieu est un jeu d’enfant. Il suffit par exemple d’aller sur Google et  de taper le nom du lieu et la carte facilitant sa localisation apparaît. Le GPS  facilite encore davantage les choses pour les chauffeurs. Dans ces sociétés, l’usage du Skype facilite les vidéoconférences  et écourte les distances. Disons que la recherche innovante  y est mise au service des citoyens et du développement humain. De plus en plus, elle participe de la culture ambiante. Elle chasse tant soit peu « les ténèbres » et apporte « la lumière ».
En dehors de ces sociétés fondées sur le savoir et la recherche innovante, dans les pays comme le nôtre, la RDC , il devient compréhensible que les questions liées aux cartes et à la cartographie des centres d’enrôlement soulèvent des débats passionnés.  Dans un pays vaste de 2.345. 000.000 km2, faciliter la localisation de nos villes et de nos villages pose problème. Surtout en cette période probablement pré-électorale. Le comble est que leurs excellences messieurs les ministres et les autres « professeurs docteurs »  participent à ce débat passionné en disqualifiant la question. Et tout ce beau monde utilise, quand il y a du courant électrique, Internet et Skype ! Cela signifie que pour plusieurs d’entre nous, avoir un ordinateur à la maison, aller sur Internet et sur Skype, posséder deux ou trois téléphones portables et un écran plat au salon, avoir toutes ces machines est  interprétée comme de signe extérieur de richesse. Sans plus. Elles ne sont  intégrées dans cette culture de la globalisation ayant permis que  le monde devienne « un petit village » que pour de petites communications avec les proches ! Nous sommes plusieurs à n’avoir pas intégré toute cette technique et cette technologie dans la culture de la recherche et du développement pour notre pays. Et malgré cela, certains d’entre nous prétendent que nous seront le Japon, la Chine ou le Brésil de demain, sans qu’ils disent s’ils sont prêts à réformer l’université, à financer la recherche innovante et les énergies et d’où viendront les milliards que ces secteurs indispensables de notre vie publique exigeront !
En considérant le caractère obscurantiste des débats passionnés sur la transparence technique et technologique des élections probables de novembre 2011, le manque d’énergie  et d’une politique de développement humain intégrant les innovations technologiques et scientifiques de l’ère de la globalisation, nous nous réalisons que le Congo, notre pays, souffre d’un manque de savoir criant. Il est plus que malade de plusieurs de ses élites. Ces dernières veulent  le maintenir dans les conditions d’une société obscure, en faire un royaume des aveugles où elles peuvent,  en tant que borgnes, régner en « rois » incontestables et incontestés.  La qualité intellectuelle de certaines de nos élites pose sérieusement problème.
Dans un livre que plusieurs d’entre nous devraient à tout prix lire, un philosophe Congolais, Ngoma Binda, traitant des stratégies de stabilité politique d’une société qui se veut bien ordonnée, mentionne parmi elles, en plus d’ « une haute qualité culturelle des ressources humaines », l’ « amélioration maximale des possibilités économiques et sociales ».  Il estime (et nous avec lui) qu’ « un aspect particulièrement important de l’amélioration des conditions économiques et sociales concerne l’exigence prioritaire de l’accélération du travail de construction des infrastructures de communion interpersonnelle généralisée. Elles servent à écarter l’isolement ou la non-communication physique et spirituelle des citoyens. La création des routes physiques et électroniques doit être réalisée avec le maximum d’efforts et d’urgence. » (P. NGOMA-BINDA, Une démocratie libérale communautaire. Pour la R.D. Congo et l’Afrique, Paris, L’Harmattan, 2001, p. 213) Il continue : « Elle est une réalité  visible permettant de rallier et de convaincre les opinions sur la capacité des dirigeants à s’occuper de l’intérêt commun. En plus, les routes et les télécommunications permettent d’accélérer la convergence spirituelle, l’intercompréhension et l’amour mutuel des citoyens grâce à la circulation facile et généralisée des personnes et, avec elles, des biens, des idées, des possibilités des échanges mutuellement éclairants et bénéfiques. » (Ibidem)
Le débat sur l’accès au fichier électoral et la cartographie des centres d’enrôlement nous convainc que notre pays semble s’inscrire  en marge de la logique de la création des routes physiques et électroniques et empêcher ainsi  l’épanouissement des idées et des possibilités des échanges mutuellement éclairants. Il aurait opté pour la logique de l’isolement, du secret et de l’ignorance profitant au réseau transnational de prédation opérant chez nous. S’il avait fait un choix lucide des « infrastructures de communion interpersonnelle généralisée » le fondement de sa politique économique et sociale, il aurait sérieusement investi dans les énergies et dans l’informatique de façon à permettre un accès facile à la banque des données publiques (dont le fichier électoral et les centres d’enrôlement) et d’établir des connexions  (futures) entre les témoins des partis politiques se trouvant dans les bureaux de vote dans tous les coins de notre pays  et leurs amis restés  chez eux à la maison. L’usage du Skype (par exemple) faciliterait une telle opération dans un pays aussi vaste que le nôtre.
Dans un tel pays, vouloir à tout prix utiliser les ordinateurs pour gérer les votes des populations majoritairement ignorantes de la culture porteuse des autoroutes de l’information, de la communication et de la télécommunication, c’est mettre la charrue avant les bœufs. Dans ce pays, le vote et le comptage manuel  des bulletins précédés de l’affichage des listes d’électeurs seraient les mieux indiqués. Mais demander cela au réseau transnational de prédation dont certains membres sont aux commandes chez nous, c’est chercher à couper la branche du mensonge et des faux-semblants sur laquelle il est assis.
Demain, nos petits-enfants et nous arrière- petits-enfants se moqueront de nous.
Ils se moqueront de notre analphabétisme informatique et électronique et de nos débats-bidons  et passionnés sur l’accès à la banque des données publiques directement liée à l’information des citoyens  et des citoyennes en période pré-électorale. Nous supposons qu’eux, au moins, auront intégré la recherche innovante et le développement humain fondé sur les libertés dans leur culture générale. Tel est, à notre avis, le fond du débat qui se déroule actuellement chez nous : l’analphabétisme informatique et électronique dans une société obscure et obscurantiste où un bon nombre d’élites aux affaires et leurs parrains ont refusé d’intégrer la recherche innovante et le développement humain dans une vison à court, moyen et long terme pour un autre Congo. La politisation de ce débat porte quelques marques de l’ignorance entretenue par ces élites, de leur mauvaise foi et de leur choix pour des solutions expéditives donnant accès à la mangeoire.