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Le piège de Bomboko contre Mulele


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Mulele-Assassinat de Pierre Mulele, un des pionniers de la lutte de libération du Congo

Devoir de mémoire : 1968, 3 octobre.

Le piège de Bomboko contre Mulele

Pierre Mulele et Théodore Bengila ont été assassinés le 3 octobre 1968. Il y a exactement quarante ans, jour pour jour, que ce crime ignoble fut perpétré. Ce meurtre illustre toute la cruauté et toute la bestialité du néo-colonialisme qui, depuis 1960, a ravagé et détruit le Congo. Le devoir de mémoire nous impose de revisiter ces témoignages insoutenables et d’évoquer l’horreur et la barbarie de la mise à mort de Pierre Mulele.

L’assassinat de Patrice Emery Lumumba en janvier 1961 a profondément révolté Pierre Mulele. Ce qui le conduira quelques années plus tard à prendre le maquis dans sa région natale du Bandundu pour poursuivre l’œuvre du « maître ». De décembre 1967 à septembre 1968, Pierre Mulele et ses lieutenants, dont sa fidèle compagne Léonie Abo, installés à Matende-Lukamba, animent le mouvement insurrectionnel.

Harcelé par les troupes de Mobutu et ses mercenaires, Pierre Mulele qui doit faire face à d’insurmontables difficultés logistiques, continue inlassablement la formation politique et idéologique de ses partisans. Mais les renforts en armes, en hommes et en cadres lumumbistes qu’il attend de Brazzaville tardent à venir.

C’est ainsi que le 12 septembre 1968, en compagnie de Léonie Abo et de Joseph Makindua, Pierre Mulele embarque dans une petite pirogue pour Brazzaville. Arrivés dans la petite capitale congolaise le 13 septembre, Mulele et ses compagnons sont immédiatement placés en résidence surveillée au «Camp de la milice ».

A plusieurs reprises, le chef maquisard va s’entretenir avec de nombreux officiels de Brazzaville. Le 27 septembre, il est enfin autorisé à rencontrer ses compatriotes, des camarades lumumbistes résidant à Brazzaville. Mais les autorités du Congo-Brazzaville déjà en pourparlers avec leurs collègues de Kinshasa intiment pratiquement à Pierre Mulele l’ordre de rejoindre la rive gauche du fleuve pour prendre part au processus de réconciliation nationale dans le cadre de l’amnistie générale proclamée par le président Mobutu.

Selon plusieurs témoignages, de nombreux cadres lumumbistes exilés à Brazzaville vont essayer, en vain, de convaincre les autorités de ce pays à ne pas tomber dans le piège que leur tendait Mobutu.

Le 28 septembre, Justin Marie Bomboko, le ministre des Affaires étrangères de Mobutu signe avec son collègue de Brazzaville un accord secret qui garantit la sécurité de Pierre Mulele et de ses compagnons. A la sortie de l’audience que lui accorde le président Marien Ngouabi, le ministre Bomboko déclare : «L’amnistie générale décrétée à Kinshasa par le général Mobutu, est valable pour tous. Nous accueillons donc M. Mulele en frère. Il travaillera avec nous pour la libération totale de notre pays».

LE RETOUR A KINSHASA

Le 29 septembre à 11 heures, Justin-Marie Bomboko offre une somptueuse réception sur le yacht présidentiel que Mobutu a mis à sa disposition pour ramener au pays Pierre Mulele. Tout Brazzaville et le héros du jour, Pierre Mulele, y participent. En début d’après-midi, l’imposant yacht met le cap sur Kinshasa. A son bord Pierre Mulele, Léonie Abo, Joseph Makindua, et deux autres compagnons, Théodore Kabamba et Zénon Mibamba.

Pierre Mulele et sa femme, hôtes de Justin-Marie Bomboko, passeront la nuit dans la résidence officielle du ministre des Affaires étrangères. Les trois jours suivants, Pierre Mulele recevra dans cette résidence des dizaines d’amis venus le saluer. La seule formalité qu’ils ont à accomplir est de faire enregistrer leurs noms auprès des soldats commis à la garde.

Un des visiteurs, Germain Mwefu, ami d’enfance, fait à Mulele cette confidence : «A l’extérieur, nous entendons des rumeurs disant que l’on va te tuer. La situation est grave, il faut que tu prennes la fuite.» Ce qui lui vaut cette réponse énigmatique de Pierre Mulele: «Je ne suis pas allé à Brazzaville pour arriver à Kinshasa. Il y a eu un changement là-bas et cela m’a amené ici. Il y a trois choses: la naissance, la vie et la mort. J’ai fait tout ce que je pouvais, j’ai semé les bonnes graines, elles ne sont pas tombées sur les rochers mais dans la bonne terre. J’attends maintenant mon dernier jour.»

UN ASSASSINAT BARBARE

Le 2 octobre, soit le quatrième jour de son retour à Kinshasa, vers 17 heures, Pierre Mulele, sa compagne Abo, une de ses soeurs Thérèse et son camarade Zénon Mibamba prennent place à bord d’un véhicule mis à leur disposition par le ministre Bomboko. Après avoir traversé le boulevard du 30 Juin, le chauffeur qui a reçu des ordres, emprunte l’avenue du 24 Novembre et les conduit enfin au camp militaire Lieutenant colonel Kokolo où les a déjà précédés Théodore Bengila. Ce dernier, apercevant Mulele, lui lance : «Vous aussi, vous êtes venus pour qu’ils nous tuent tous ensemble? »

Toutes les personnes qui étaient venues cet après-midi-là rendre visite à Pierre Mulele dans la résidence de Bomboko, sont également amenées au camp militaire. Parmi elles la mère de Mulele, Mama Agnes Luam et Annie, la fille de Bengila. Toutes ces personnes seront tenues au secret pendant trois mois au camp Kokolo, sans savoir ce qu’il sera advenu de Pierre Mulele.

Pierre Mulele et Théodore Bengila sont immédiatement séparés de leurs compagnons et enfermés dans un petit local. Ils vont être assassinés au cours de cette nuit du 2 au 3 octobre 1968. La cruauté et la bestialité avec lesquelles Mulele et son compagnon d’infortune vont être mis à mort couvriront à jamais d’ignominie et de honte le régime qui a ordonné une telle sauvagerie. Avant de mourir, Pierre Mulele connaîtra des souffrances extrêmes.

Alors qu’il est encore vivant, les bourreaux lui arrachent les oreilles, lui coupent le nez, retirent ses yeux de leurs orbites. Ils lui arrachent ensuite les organes génitaux. Alors qu’il est toujours vivant, ils lui amputent les bras et les jambes. Les restes de son corps seront ensuite jetés dans un sac et immergés dans le fleuve. Théodore Bengila a subi le même sort .

Rich Ngapi