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Océan : « Etre transfuge de genre n’est ni grave ni une folie »

Océan : « Etre transfuge de genre n’est ni grave ni une folie »

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Son nom de scène était Océanerosemarie. Le 17 mai, cette femme a fait son coming out et annoncé, dans une vidéo mise en ligne sur le site LGBT + Komitid, qu’elle changeait de genre. Son nom est désormais Océan.

Océan s’est fait connaître en 2009 avec La Lesbienne invisible, son premier spectacle, comme un comédien militant et engagé ­contre toute forme de discrimination. Son succès s’est confirmé avec un deuxième one-man-show, Chatons violents, et la réalisation, en 2017, d’un premier long-métrage, Embrasse-moi ! Il tourne actuellement un documentaire sur cette première année de transition et est à l’affiche de Justice, une pièce de Samantha Markowic, au Théâtre de l’Œuvre, à Paris.

Dans la vidéo de votre coming out, vous dites : « J’étais épuisée d’être une femme ». Depuis quand vous sentiez-vous homme ?

Océan : Cela a été un cheminement progressif. Grâce à des rencontres, des lectures, j’ai commencé à déconstruire la notion de binarité, à comprendre que les catégories de genre étaient des catégories sociales, des fictions politiques. J’ai compris que je me sentirais davantage à ma place dans la catégorie homme. Cela a toujours été compliqué pour moi de me sentir une fille, ce n’était pas complètement naturel, même si je m’y étais accoutumé. Si j’avais grandi dans un milieu où j’avais pu penser la transidentité, je l’aurais sans doute fait beaucoup plus jeune.

Il m’a fallu tout ce temps pour comprendre qu’il était possible d’être transfuge de genre, et que ce n’était ni grave, ni un problème, ni une folie. En ce sens, je ne fais pas partie des personnes trans qui sont en souffrance depuis l’enfance ou l’adolescence.

Quand vous étiez enfant ou adolescente, n’y avait-il pas une part d’interrogation ?

Je l’avais complètement refoulée. Il y a autant de parcours trans que de personnes. A titre personnel, dire « Je suis dans un corps qui n’est pas le mien » ne fait pas sens. En ­revanche, dire que mon corps ne me ­convient pas et que j’ai envie de le modifier, oui. Notre société ne nous montre que deux modèles – homme et femme – et présente la transidentité et la non-binarité comme quelque chose de pathologique. Si la société évoluait, les personnes trans seraient moins dysphoriques et beaucoup plus de gens s’autoriseraient à être gender fluid.

Dans votre vidéo, vous dites que le masculin en vous était « contrôlé, écrasé, contenu ». Par qui, pourquoi ?

J’avais intériorisé une peur. J’ai grandi dans un milieu très normatif sur la question du genre, même si mes parents m’ont toujours laissée faire ce que je voulais sans jamais me dire « Ça, ce n’est pas un truc de fille ». J’étais heureuse, je n’avais pas l’impression de tricher. Quand j’ai joué La Lesbienne invisible, j’ai exploré ma féminité, et cela m’a fait du bien. A rebours, je comprends que c’était une stratégie inconsciente de survie de jouer la fille « parfaite », désirable dans les codes hétéro normatifs, et une façon de m’excuser d’être lesbienne. Mais c’était une étape nécessaire.

Ensuite, j’ai accepté de préférer l’apparence physique dite « masculine » : j’ai coupé mes cheveux et changé ma garde-robe, j’ai eu ­l’impression de me retrouver davantage en m’identifiant « lesbienne virile ». Mais au bout d’un certain temps, cela ne me suffisait plus. J’ai eu envie d’avoir un corps plus fort, un torse d’homme. J’avais besoin de faire cette traversée. Néanmoins je ne m’identifie pas aux hommes cisgenres [ceux dont le genre est ressenti comme adéquat à leur sexe de naissance]. Je ne me considérerai jamais comme un homme cis. Je suis un homme trans avec mon passif de femme cis.

D’où votre choix de faire votre coming out sur un site LGBT ?

J’ai une petite partie de mon public choqué, qui m’en veut. C’est fort dommage, car je suis toujours l’un de leurs meilleurs alliés.

Oui, parce que je voulais dire à mes fans : c’est le chemin que je prends, mais je ne vous abandonne pas. Il y aura toujours une lesbienne à l’intérieur de moi ! Je ne voulais pas que ma communauté se sente trahie. Il existe de la transphobie y compris chez les féministes et les lesbiennes. J’ai une petite partie de mon public choqué, qui m’en veut. C’est fort dommage, car je suis toujours l’un de leurs meilleurs alliés. Pour autant, j’ai eu le coming out le plus cool de France !

Et comment s’est passé le coming out auprès de votre famille ?

Je l’ai convoquée et fait mon annonce ­devant vingt-cinq personnes ! Même si j’avais donné des indices, cela a été un vrai coming out. Pour ma mère, c’était le deuxième, vingt-deux ans après mon coming out en tant que lesbienne. J’avais peur de lui faire de la peine. Mais j’ai la chance d’avoir une mère ouverte, intelligente. Même si elle a des réticences et que ce n’est pas facile pour elle, je sais qu’elle va bouger, qu’on ne va pas se perdre.

Vous avez fait le choix de prendre des hormones, pourquoi ?

Pour l’heure, je vis très bien cet entre-deux que j’appelle « monsieur-madame », où les gens ont du mal à me genrer. C’est très intéressant, car cela vient questionner la relation au genre de tout un chacun. Les gens sont troublés. Mais, pour mon bien-être, je préfère être perçu tout de suite comme homme. La prise d’hormones a été un vrai désir.

Quand vous regardez vos photos d’avant, que vous dites-vous ?

Etrangement, faire ma transition me ­réconcilie avec ma féminité et avec mon passé. J’ai plus de tendresse pour la fille que j’ai été que je n’en avais à l’époque. Je me vois négociant avec cette masculinité. Le fait de « passer de l’autre côté » m’apaise avec mon moi d’avant. Il n’y a aucune honte, le malaise a disparu. C’est comme si quelque chose était réglé.

Vous dites : « Il y aura toujours une lesbienne à l’intérieur de moi » ? Alors, pourquoi changer ?

J’ai envie de faire ce voyage pour être plus juste vis-à-vis de moi-même, c’est aussi ­simple que cela.

C’est un voyage sans billet retour ?

Je suis assez sûr que oui, mais quand bien même je changerais d’avis : où est le problème ? Pour l’heure je n’ai jamais été aussi heureux. J’apprends chaque jour de nouvelles choses grâce à cette transition. La plus importante : alors que j’étais psychorigide, persuadé qu’on a tous une identité profonde et immuable, je comprends que c’est n’importe quoi. L’identité bouge, évolue, et c’est ça qui est passionnant. J’ai été une femme cis et aujourd’hui je suis un homme trans. J’ai juste évolué. Quand mon passing sera fort, peut-être que cela me gonflera d’être perçu comme cis et que je reviendrai à une apparence plus androgyne. Mais pour l’heure, je m’éclate.

Quel est votre message aujourd’hui ?

Beaucoup de trans précaires ou isolés ont encore des difficultés à accéder aux soins et à échapper à la transphobie d’Etat.

Beaucoup de filles m’ont dit que La Lesbienne invisible et Embrasse-moi ! leur avaient donné confiance en elles. Je souhaite apporter cette même visibilité positive, cet « empuissancement » aux trans ! C’est la moindre des choses au regard de mes privilèges : je suis blanc, sans problème d’argent, conseillé et soutenu pour trouver des médecins qui facilitent mes démarches, j’arrive une fois que le sale boulot a été fait par toute une génération de militants qui, eux, s’en sont pris plein la gueule.

Mais beaucoup de trans précaires ou isolés ont encore des difficultés à accéder aux soins et à échapper à la transphobie d’Etat : à l’hôpital public pour accéder aux hormones et aux opérations, face aux tribunaux pour changer d’état civil, pour trouver du travail. J’aime à rappeler que ce ne sont pas les LGBTQ + qui ont un « problème », mais le système en place et les gens qui nous haïssent. Ce sont eux qui ont un problème et feraient mieux d’aller le régler chez le psy au lieu de nous harceler !

« Le Monde » organise, dans le cadre du Monde Festival, une rencontre avec Diane Leriche, Sam Bourcier et Adrian de la Vega sur la vie des personnes trans en France. La rencontre aura lieu au théâtre des Bouffes du Nord, dimanche 7 octobre, de 14 h 30 à 15 h 30.

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