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Organisations internationales : Le bon usage du mauvais outil ?


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Par Guy De Boeck

Vous viendrait-il à l’idée d’utiliser un stylo pour planter des tulipes ? Servez-vous ordinairement le café dans un jerrycan ? Diriez-vous des choses comme : « J’ai mon diplôme de comptable, donc, je sais piloter un avion ? ». Trouvez vous qu’un exemple de bon sens est le célèbre dialogue militaire : « Qui est-ce qui parle allemand ? » – « Moi, mon adjudant ! » – « Parfait ! Je vous mets de corvée patates… ». Je parie que non.

Si, par contre, vous faites partie des gens qui ne trouveraient rien à dire à de tels énoncés, il y a gros à parier que vous avez derrière vous une belle carrière dans une organisation internationale, ce qui vous en a fait adopter les tics de langage.

Les grandes organisations internationales sont connues par des acronymes ou des abréviations, parce qu’elles ont en général un nom assez long qui définit leur fonction et leur but. Il ne devrait donc jamais y avoir le moindre doute quant à ce qu’elles font. C’est comme les conserves : c’est écrit sur la boîte.

En principe, donc, comprendre le sens de ces dénominations devrait être plutôt plus simple que de piger le sens du langage courant où des mots du genre anastomose, enthymème ou oxymoron peuvent laisser un brin perplexe. Difficile de prétendre ne pas comprendre de quoi s’occupe l’OMS, dès lors que l’on sait que cela signifie « Organisation Mondiale de la Santé ».

Or, et de plus en plus, des organisations dont ce n’est nullement la finalité se mêlent de délivrer des brevets de bonne gouvernance, de démocratie ou de capacité…

Le propre des organisations internationales – à l’exception de celles qui ont quelque part un siège définitif et permanent – est de tenir leurs rencontres, sommets ou plénières tantôt dans un pays, tantôt dans un autre. On renvoie alors l’ascenseur au chef d’état ou de gouvernement du pays hôte, qui occupe pour un certain temps la présidence de l’organisation.

Comme on le voit, il s’agit en réalité d’un jeu de chaises musicales. Mais on s’efforce néanmoins de faire croire aux bons gogos du public qu’il s’agit là d’u honneur insigne, d’une sorte de reconnaissance régionale ou mondiale des qualités de l’intéressé, de son sens de la démocratie, de son souci des droits de l’homme et, bien sûr, de sa « bonne gouvernance ».

En réalité, on est loin du compte et, comme disait feu Charles De Gaulle, « Les états n’ont pas d’amis Ils n’ont que des intérêts ». Et c’est au nom de leurs intérêts qu’ils s’associent en associations mondiales ou régionale plus ou moins larges et plus ou moins précises. Il peut s’agir d’une concertation entre tous les états du monde fin d’éviter autant que faire se peut les conflits armés au profit de la négociation et de l’arbitrage, comme aux Nations-Unies. Il peut s’agir de rapprocher les états d’une même région et d’harmoniser plus ou moins leurs politiques. Il peut s’agir encore d’organisations regroupant les principaux producteurs de telle ou telle matière première ou d’un certain produit fini. Mais, dans l’intérêt même du but qu’elles servent, ces organisations ne peuvent être que cyniquement indifférentes à la démocratie, aux droits de l’homme ou à la bonne gouvernance !

Cela ne provient pas d’un choix, mais de leur nature même. A quoi pourrait servir une assemblée de conciliation, si elle n’avait rien à concilier ? A l’époque de la Guerre Froide, les Américains et les Soviétiques se sont copieusement enguirlandés à la tribune de l’ONU. Mais c’est précisément à cela qu’elle servait : fournir un lieu de rencontre à des régimes politiques relevant d’idéologies opposées pour exprimer verbalement cette opposition plutôt que de le faire au moyen de bombes. Cela supposait bien sûr la présence des deux ennemis

A quoi aurait pu servir l’OPEP si l’un ou l’autre des gros exportateurs de pétrole en avait été absent ? A rien. Or, c’aurait été le cas si, au nom de la démocratie, on en avait exclu les pays du Golfe persique, qui sont pour la plupart des monarchies autocratiques absolues dont la culture politique remonte – soyons polis – au XIII° siècle. Pourrait-on imaginer une organisation regroupant les producteurs de cuivre, sans que le cuivre du Katanga y soit représenté… même quand cela signifiait d’y faire siéger Mobutu. L’équité dans la fixation du pix des matières premières est une chose. La justice dans la répartition des revenus qu’elle procure à l’intérieur du pays producteur en est une autre. La Francophonie regroupe tous les pays ayant un intérêt spécial à la langue et à la culture française, indépendamment de la nature plus ou moins autoritaire de leur régime politique interne. ET l’on pourrait continuer longtemps ainsi

Le Commonwealth se distingue par une appellation dépourvue d’hypocrisie : « common wealth » veut dire « richesse commune ». On est donc surpris, non pas que le porte parole du Foreign Office ait salué l’adhésion du Rwanda en tant que 54ème membre, ce qui n’était que pure politesse, mais qu’il l’ait fait en disant que “Le Rwanda a fait des progrès pour se rapprocher des valeurs du Commonwealth dans les domaines de la démocratie, de l’Etat de droit, de la bonne gouvernance, de la défense des droits de l’homme, de l’égalité des chances et des politiques économiques destinées à améliorer le bien-être”. [1]

Il faudrait en déduire que le Foreign Office n’a parmi son personnel personne qui ait jamais mis les pieds au Rwanda ni pesonne qui en connaît pas l’histoire !

Sans blague! Comment le Rwanda a-t-il pu se rapprocher des “valeurs du Commonwealth” avec un Président élu avec un score hitlérien qui a dépassé les 100% dans l’ancienne préfecture de Gisenyi, comment le Rwanda a-t-il pu se rapprocher de ces valeurs en fermant pendant près de 2 mois les antennes de la BBC, comment le Rwanda a-t-il pu se rapprocher de ces valeurs avec un Chef d’état qui a massacré sa population, comment le Rwanda a-t-il pu se rapprocher de ces valeurs avec plus de 100.000 prisonniers dont la plupart sont des prisonniers politiques?

Tous les rapports y compris celui du Prof kenyan Yash Ghai, ceux des organismes internationaux confirment que le Rwanda est loin d’atteindre les standards internationaux dans le domaine des droits de l’homme et qu’il ne s’en approche pas du tout, mais s’en éloigne allégrement avec sa politique de déstabilisation des Etats de l’Afrique Centrale et de massacres de populations. Mais ces massacres, qui ouvrent l’accès aux « blood minerals » rappotent gros. Cela peut « make the Commonwealth worthier ! » (enrichir le Commonwealth ».

Le régime d’Idi Amin Dada fut également soutenu par la couronne d’Angleterre et la reine Elisabeth II ne trouvait aucun inconvénient à assister aux dîners de gala où Idi Amin qui se faisait porter en palanquin par des sujets britanniques. Sa Gracieuse Majesté est d’ailleurs en bonne compagnie. La France avait à l’époque l’Empereur Bokassa et ses diamants les hommes politiques belges se saoulaient joyeusement, comme Wilfrid Maertens, en compagnie de la clique Mobutu. Mais au moins on n’addectait pas de parler vertu !

Et que dire de la danse du ventre de Nicolas Sarkozy et son Ministre des Affaires étrangères Bernard Kouchner devant Paul Kagame pour le rétablissement des relations diplomatiques avec le Rwanda? La Françafrique et le Commonwealth semblent avoir scellé une nouvelle Enetente Cordiale qui se fout pas mal, précisément, de la démocratie, de l’Etat de droit, de la bonne gouvernance, de la défense des droits de l’homme, de l’égalité des chances et des politiques économiques destinées à améliorer le bien-être.

Où s’arrêtera ce souci très spécial pour la démocratie ?

Le célèbre écrivain américain Mark Twain publia en 1905 une virulente satire, « le Soliloque du roi Léopold », où il mettait dans sa bouche les mots suivants:

« Un fou veut m’élever un monument avec mes quinze millions de crânes et de squelettes, et il déborde d’enthousiasme pour cet étrange projet… Avec les crânes, il bâtira un grand monument, réplique fidèle de la pyramide de Chéops… I1 veut m’empailler et me dresser au sommet de cette pyramide… Si je vis encore dix ans de plus, on aura assez de nouveaux crânes pour ajouter soixante mètres à la pyramide et en faire le monument le plus haut du monde »

Léopold II ! Voilà sans doute un modèle de démocratie pour l’Afrique des Grands Lacs.

© Guy De Boeck, le mardi 1er décembre 2009

[1] Cette étonnante declaration a été reprise pour ainsi dire mot pour mot dans “The New Times” l’unique quotidien rwandais gouvernemental (paraissant évidemment en anglais): “Rwanda’s admission was based on 4 grounds including democracy and democratic processes such as free and fair elections, rule of law and the independence of the judiciary, good governance including a well trained public service, and transparency. The other aspects were the protection of human rights, freedom of expression and equal opportunity”.