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Par J.-P. Mbelu
La coupure du signal de la RFI à l’est de notre pays n’empêche pas aux compatriotes d’écouter cette radio et de lire les informations qu’elle fournit sur Internet. Ils viennent d’apprendre ce lundi 21 septembre 2009 que Joseph Kabila aurait créé une commission d’évaluation de la Constitution pouvant aboutir à la révision de cette dernière. « Selon nos sources, lit-on sur le site Internet de la RFI, la commission réfléchit à un projet de modification de trois dispositions constitutionnelles. La première viserait à renoncer à mettre en place les 15 provinces supplémentaires prévues par la Constitution d’ici le mois de mai prochain. La deuxième s’intéresse au mandat présidentiel, il est actuellement fixé à 5 ans et renouvelable une seule fois, il passerait à 7 ans et deviendrait illimité. Enfin, la troisième modification permettrait au président de la République de siéger au Conseil supérieur de la magistrature. » Et pourtant, « sur ces deux derniers points, la Constitution interdit tout projet de révision.
L’article 220 est clair. Il stipule que le nombre et la durée des mandats du président de la République et que l’indépendance du pouvoir judiciaire ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle. »
Ces informations partagées par les Congolais(es) à travers leurs forums en ligne sont données quelques jours après la présentation d’un ouvrage collectif sur le Congo à Bruxelles. L’ouvrage est intitulé « Réforme au Congo (RDC)-Attentes et désillusions ».
Le Congo de Kabila : un vaste laboratoire
Dans une interview accordée à Marie-France Cros du journal Belge La Libre Belgique, l’un des co-auteurs du livre en donne un petit résumé en ces termes : « Il (le livre) analyse les grands investissements effectués par la communauté internationale depuis 2001 (Ndlr, arrivé au pouvoir de Joseph Kabila) : réforme du secteur de la sécurité, de la justice, du contrôle macro-économique, décentralisation, codes forestier et minier, etc. Car depuis huit ans, le Congo est devenu un vaste laboratoire où toutes les alchimies se rencontrent pour ressusciter un cas d’école d’Etat failli. » (Reconstruction : la désillusion. Entretiens avec Marie-France Cros, dans La Libre Belgique du vendredi 18 septembre 2009, p.14. Nous soulignons) L’un des résultats des alchimies de ce vaste laboratoire est la Constitution de Liège pour le Congo. Dans certaines de ses dispositions, elle a été taillée sur mesure pour permettre aux « faiseurs de rois » d’aider « le raïs » à se succéder à lui-même en 2005 moyennant une mascarade électorale. Depuis cette dernière, plusieurs dispositions de la même Constitution sont violées au vu et au su de tous. Plusieurs rapports nationaux et internationaux mentionnant la violation des libertés fondamentales au Congo en témoignent. Le dernier rapport de la FIDH intitulé « République démocratique du Congo. La dérive autoritaire » abonde dans le même sens. Comment en sommes-nous arrivés là ?
En effet, cette Constitution n’a pas été « le résultat d’un travail sur soi, des tractations internes d’un corps politique, gérant ses conflits, ses contradictions, parvenant à des compromis et à des « conventions collectives ». Elle a été adoptée ou produite à usage externe pour se faire reconnaître comme un Etat sur le plan international. Au-dedans, cette loi fondamentale (…) ne s’intériorise ni par le savoir ni par la pratique. » (Lire, F. EBOUSSI-BOULAGA, La démocratie de transit au Cameroun, Paris, L’Harmattan, 1997, p. 286-287).
Il nous semble que tout le problème est là : une Constitution produite par l’extérieur et pour la consommation extérieure peut subir autant de tripatouillages que « les rois fabriqués de l’extérieur » veulent, pourvu que les intérêts qu’elle sert soient garantis. Or, en plus du fait que cet extérieur n’émet pas toujours sur une même longueur d’ondes –« chaque acteur a sa logique, son agenda, son mode de fonctionnement et il n’y a pas de cohésion entre eux. Pire : il y a compétition et sabotage, confie Théodore Trefon à Marie-France Cros »-, cet extérieur a transformé la politique en une valeur marchande. La coopération au développement par exemple est devenue « un business ». Pourquoi ? Parce que « si l’Afrique atteint le développement, des milliers de consultants et experts seront au chômage, confie Théodore Trefon. »
La politique transformée en une marchandise et fondée sur la logique de la compétitivité bannit toute éthique dialogique et toute possibilité d’alternance. La logique de la compétitivité est rivalitaire. Elle nie à l’autre toute valeur humaine en le réduisant à un moyen pour atteindre les fins marchandes ou en un ennemi à écraser. Pour tout prendre, l’alchimie et les tripatouillages constitutionnels révèlent quelque chose de fondamental : la perte du sens même de la politique dans un monde parvenu à un niveau d’incompétence morale très avancée. (Une lecture attentive de l’un des derniers essais d’Amin Maalouf intitulé Le dérèglement du monde. Quand nos civilisations s’épuisent, Paris, Grasset, 2009 peut être d’un secours certain pour comprendre ce qui se passe chez nous.)
Cette perte de sens de la politique s’accentue là où « les rois fabriqués de l’extérieur » et les citoyens victimes de leur extraversion n’ont pas la maîtrise de trois instruments politiques par excellence : le savoir-lire, le savoir-écrire et le savoir-parler. (Ce triple savoir est culturel. Il n’a rien à voir avec les diplômes accumulés.)
Sécuriser le Rwanda et l’Angola
Du point de vue régional, les tripatouillages de la Constitution de Liège pour le Congo, s’ils permettent à Joseph Kabila de rester à la tête du Congo le plus longtemps que possible, ils pourront « sécuriser » le Rwanda et l’Angola. Kagame et « ses bandits » sont sous le coup des mandats d’arrêts internationaux. Dès que le maître de Kigali ne sera pas au pouvoir, ils devront répondre, lui et « ses amis », de leurs crimes devant des juridictions internationales.
Partisans de la guerre d’usure, ils souhaiteront que « leur pot », Joseph Kabila, soit éternellement au pouvoir au Congo. L’Angola ayant souffert de la complicité de Mobutu avec Jonas Savimbi pendant la guerre que ce dernier menée au pouvoir actuel aurait peur d’un retournement de situation au Congo ; qu’un ex-mobutiste n’accède au pouvoir.
La question de la décentralisation a un aspect interne et un autre externe. « L’union européenne est (…) en faveur de la décentralisation prévue par la constitution congolaise, la Banque mondiale est contre. » (Lire l’entretien déjà cité) Dépendants à plus de 50% du budget des IFI et ayant moult difficultés à rétrocéder les 40% de recettes produites par les provinces aux provinces, les gouvernants actuels estimeraient qu’il serait réalistes de s’en tenir aux 11 provinces actuelles.
Pour les Congolais et les Congolaises éveillés, l’étonnement de certains compatriotes eu égard au projet de la révision de la Constitution étonne. Cela pour une raison simple. Ces compatriotes n’ont pas encore compris que les gouvernants actuels, toutes tendances confondues, participent du plan d’occupation du Congo et qu’ils ne peuvent rien faire pour desserrer l’étau. Et qu’ils n’ont jamais eu, dans leur course au pouvoir, le souci de partager les valeurs démocratiques. Plusieurs livres témoignent aujourd’hui de la haine des gouvernants actuels pour la démocratie. Les plus sceptiques d’entre nous peuvent aller lire Guerre et droits de l’homme en République Démocratique du Congo. Regard du Groupe Justice et Libération, Paris, L’Harmattan, 2009. Hélas ! Comme plusieurs de nos compatriotes ne lisent plus, ils s’étonnent de tout. Maîtriser le savoir-lire, le savoir-écrire et le savoir-parler comme instruments politiques par excellence nous sera indispensable pour l’avènement d’un autre leadership chez nous. Tel est l’un des défis qui devrait nous mobiliser davantage.