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Que se passe-t-il véritablement à l’est de la RDC ?


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Par Les depeches de Brazzaville

Les rebelles du M23

-Vus de Kinshasa et surtout de Brazzaville, il n’est pas certain que les enjeux des événements de l’est de la République démocratique du Congo apparaissent avec netteté. Le plus souvent, les observateurs intéressés se contentent de concepts devenus caractéristiques d’une région exsangue, souffrant aussi bien de sa pauvreté endémique que de sa richesse débordante en minerais, mais insuffisants à traduire la souffrance de millions de personnes lancées, haletantes, sur les routes. Au gré des lubies de rébellions dont on a du mal à saisir les véritables intentions, ce sont des foules en errance qui se lancent dans une course éperdue. Quel ressort particulier anime une rébellion comme le M23 aussi loin de Kinshasa et sans stratégie de pouvoir qui aille au-delà des collines des Kivu ?

Ce journal a livré une première clé de lecture des événements avec la recension du livre de Nicaise Kibel’Bel Oka. Directeur éditeur du journal Les Coulisses qui paraît dans des conditions héroïques à Béni, il a commis un ouvrage, Les Marionnettes congolaises(Édition du Panthéon, dans lequel la thèse centrale est : les activistes et exaltés qui font le coup de feu à l’est de l’ex-Zaïre s’effondreraient si leurs mandants cessaient de les soutenir. Lorsque l’article parut dans Les Dépêches de Brazzaville du 9 juillet, il était plein de conditionnels et de circonlocutions incertaines, truffé de « serait », « pourrait », « semblerait ». C’est que la prudence était alors de mise et les accusations s’apparentaient à des soupçons balayés par des démentis aussi ponctuels que fermes.

C’est que le rapport de l’ONU n’était pas encore paru. Jusque-là n’existait que celui de Human Rights Watch pourtant daté du 4 juillet, mais considéré par beaucoup de journalistes sans doute comme seulement un document de consultation. C’est le rapport de l’ONU qui est venu apporter en quelque sorte la caution de la chose vérifiée, et étayer la thèse défendue par Kibel’Bel Oka suivant laquelle les guerres de RDC sont des guerres par procuration. Les voisins du Congo sont, écrit-il aussi bien dans son journal que dans le livre, les véritables bénéficiaires de cette agitation sans fin. Le rapport de l’ONU, on le sait, accuse nommément le Rwanda et des personnalités rwandaises de premier plan d’être derrière les activités des milices anciennes et nouvelles qui éclosent et agissent à l’est du Congo.

Sur le terrain, rien n’a bougé

Y a-t-il quelque chose de changé depuis la parution du rapport ? Rien de substantiel. Certes les États-Unis, les Pays-Bas, l’Allemagne et la Grande-Bretagne ont annoncé le gel de leur coopération avec Kigali sur la base de ce document accusateur. À supposer que des faits aient suivi l’annonce, cela n’est pas rien, bien entendu. Mais dans la réalité des faits, les milices continuent d’agir. La mission de l’ONU en RDC, la Monusco, a bien entrepris une opération « de stabilisation » à Goma, pour endiguer le basculement de tout le Nord-Kivu aux mains des rebelles, mais cette mesure apparaît plus comme un palliatif que comme le remède qui mettra un terme définitif au bourgeonnement continu des mouvements d’insurrection.

Le journal de Kibel’Bel Oka est sans illusions sur la question. Tant que les commanditaires, le Rwanda, l’Ouganda et, dans une moindre mesure, le Burundi n’auront pas été désignés comme les commanditaires de cet activisme, les gestes de la communauté internationale s’apparenteront à de la gesticulation. Tant que les forces armées congolaises seront aussi fragiles devant la corruption et la sédition, rien n’y bâtira de mur protecteur. Dans la dernière édition de ce bimensuel imprimé – fait très piquant – en Ouganda, les confrères n’hésitent pas à soutenir que la paix ne viendra pas non plus de la signature d’accords avec les voisins. Car, à l’instar de l’incontournable Rwanda, ils sont « des partenaires-adversaires de la Rd Congo ».

La thèse poursuivie par le journal pour expliquer « la problématique des populations flottantes rwandophones » aux frontières des quatre pays est nette : Rwandais nés en RDC ou venus là sous la poussée des affres du génocide de 1994 au Rwanda se rejoignent dans« une stratégie de l’éclatement » pour parvenir en RDC à la création d’un « État à eux, dans le Grand Nord, en pays nandé ». N’écrivirent-ils pas au secrétaire général des Nations unies, en juin 1981, pour réclamer un référendum d’autodétermination dans ce sens ? Et le président Bill Clinton ne s’avança-t-il pas avec légèreté dans cette voie pour plaider une partition de la RDC en faveur des populations, non pas rwandophones (nés au Congo, ils sont Congolais), mais rwandaises ?

Certes, démonstration n’est pas raison, mais en attendant que la complexité de cette situation débouche sur le diagnostic correspondant à la vraie nature de la déstabilisation, puis à la recherche des solutions, les populations de l’est de la RDC continuent d’errer d’une partie à l’autre des frontières, manipulées par ceux des guérilleros ou de leurs commanditaires les plus habiles. C’est en tout cas ce que soutient Les Coulisses dans sa dernière édition du mois de juillet. Il y étale aussi le drame effroyablement insoluble des trop nombreuses « autres » victimes : ces dizaines de femmes violées et abandonnées par leurs maris et qui doivent vivre seules avec les enfants nés de ces violences.

Lucien Mpama

Le journal Les Coulisses continue de paraître à Béni pour témoigner de l’indicible au milieu de drames sans fin.