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Quinze ans après sa mort, quel est l’héritage de Kabila père


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L. Kabila-Il y a 15 ans jour pour jour, les Congolais apprenaient la mort de Laurent-Désiré Kabila, assassiné, le 16 janvier 2001 par l’un de ses gardes rapprochés. Le choc est tel que les autorités mettent deux jours à confirmer officiellement la nouvelle. Son arrivée à la tête du Zaïre, 4 ans plus tôt avec l’aide du voisin rwandais, avait soulevé un immense espoir. Il était alors vu comme le « tombeur » du dictateur Mobutu Sese Seko. Aussitôt, il change d’ailleurs l’hymne national et redonne au pays son nom de République démocratique du Congo comme pour refermer symboliquement la longue parenthèse mobutiste. Mais finalement, quinze ans plus tard, que reste-t-il de son héritage ?

Il se faisait appeler « le soldat du peuple » et aujourd’hui encore une partie des Congolais se souvient de Laurent-Désiré Kabila comme d’un « libérateur », celui qui a débarrassé le Congo du joug de la dictature de Mobutu d’abord puis s’est ensuite battu pour l’intégrité du pays. Un « nationaliste » dont la devise est encore visible dans les rues de Kinshasa, placardée sur des affiches à son effigie : « Ne jamais trahir le Congo ».

« Dans toutes ses attitudes, tous ses discours, tous ses actes », se souvient un habitant de Kinshasa, « on sentait bien qu’il voulait vraiment que le Congolais soit indépendant et libre ». Libre, et aussi responsable de son destin renchérit cet autre habitant. « C’était un apôtre de l’auto-prise en charge du Congolais. Le Congolais doit se prendre en charge, ne pas attendre que son bien-être lui soit apporté par l’extérieur. Nous avons tout ici pour nous développer », reprend le kinois.

Quinze ans plus tard, le kabilisme de Laurent-Désiré est toujours présent à travers le parti PK, les Patriotes kabilistes, mais il pèse peu sur l’échiquier politique. Le PK n’est pas représenté à l’Assemblée et n’est présent que dans 5 provinces sur 11. Quant à son président, Mwenze Kongolo, ex-ministre de la Justice sous Laurent-Désiré Kabila, il milite désormais dans l’opposition – il a récemment rejoint le Front citoyen – car il reproche à l’actuel président Joseph Kabila de n’avoir pas su entretenir « l’espoir qui était né » de son arrivée au pouvoir ni préserver ses réalisations, par exemple « le service national », qui était, selon lui, « un service très important parce qu’il donnait de l’espoir aux jeunes gens désœuvrés ». Ou encore, « le projet des cantines populaires, (dans lequel) le gouvernement vendait (de la nourriture) moins cher. Tout ça, déplore-t-il, n’a pas été entretenu du tout. Tout cela a été cassé. C’est ça notre lutte ».

Bilan mitigé

Pourtant, lorsque l’on interroge les historiens, le bilan qu’ils dressent des quatre petites années que Laurent-Désiré Kabila passe à la tête du pays est plus que mitigé. Filip Reyntens, professeur à l’université d’Anvers en Belgique, parle même d’un héritage « désastreux ». Et c’est peu dire à l’en croire que les espoirs de changement soulevés par le départ de Mobutu ont été rapidement déçus : « Le système qui a été mis en place était un profondément anti-démocratique, peu transparent et je pense que le système l’est resté jusqu’à aujourd’hui ».

« Il est vrai, nuance Filip Reyntens, qu’à son arrivée au pouvoir en 1997, Laurent-Désiré Kabila trouve un Etat déliquescent, mais il n’a pas su commencer à reconstruire un minimum d’Etat. C’est peut-être compréhensible, poursuit-il, compte tenu de son passé. Un passé au maquis. Il n’a jamais pendant ce passé géré un Etat, ne savait probablement pas comment fonctionne un Etat et il a géré le Congo comme son maquis, tel qu’il l’a pratiqué fin des années 60 et début des années 70 ».

Résultat : économiquement aussi bien que politiquement, pendant les 4 années où Laurent-Désiré Kabila est au pouvoir, la situation n’a fait qu’« empirer ».

Avant la deuxième guerre du Congo

En arrivant, il avait pourtant de bonnes intentions, estime le chercheur en sciences sociales Anicet Mobe. Il est imprégné d’idéaux marxistes, mais très vite, explique-t-il, il se heurte à l’appétit de ses parrains, autrement dit des pays qui lui ont permis de prendre les rênes du pays. « Les conditions dans lesquelles il a accédé au pouvoir ont d’emblée hypothéqué à la fois son engagement nationaliste et aussi ses choix économiques, estime Anicet Mobe parce que dès le départ, il a été obligé des contrats faramineux avec certaines sociétés minières anglo-saxonnes. Et surtout, par rapport à des pays comme le Rwanda et l’Ouganda ce n’était pas tellement des contrats en bonne et due forme, mais c’était surtout, le pillage systématique des ressources économiques au Congo ».

Paradoxalement, Laurent-Désiré Kabila reste pourtant dans le cœur des Congolais comme celui qui a finalement dit « non » à la tutelle du voisin rwandais. Un revirement, qui, pensent certains, lui aurait peut-être coûté la vie. Et qui en tout cas a été l’élément déclencheur de la deuxième guerre du Congo. Une guerre dévastatrice, qui déstabilise profondément et pour longtemps l’est de la RDC et qui n’empêche pas, bien au contraire, le pillage des ressources du pays par ses voisins de se poursuivre par l’intermédiaire de nombreux groupes armés dont une partie sévit encore aujourd’hui.