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RDC– M23 : Ce que les Congolais ont « quand-même » gagné


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Congolais_ont_gagne-Les « engagements de Nairobi » entre le gouvernement de la RDC et le M23 ont laissé un goût amer dans le pays, que résume la formule : « qui perd gagne ». La dignité, qu’un peuple humilié croyait retrouver dans le sacrifice de ses soldats, dépérit. Il y a pourtant quelque chose de « réconfortant » dont les Congolais n’auraient pas encore pris toute la mesure. En effet, les mystères des guerres à répétition sont maintenant levés. Les « agents de l’ombre », qui opéraient derrière les « combattants rwandais », ont enfin tombé les masques. En volant au secours du M23, les parrains occidentaux de Kampala et Kigali se sont placés en première ligne, et ne peuvent plus se dérober. Au prochain coup de feu dans le Kivu, le Congolais moyen sait maintenant sur qui porter tout de suite les regards.

 En effet, l’énergie avec laquelle l’Ouganda (Museveni), les Etats-Unis (Russ Feingold) et les Britanniques (Mary Robinson[1]) se sont employés à « sauver le M23 », a fini par révéler au grand jour que ces pays ont énormément investi dans les « combattants rwandais », et qu’ils sont à présent incapables de les laisser tomber. Même lorsque ces combattants avaient déguerpi du territoire congolais et que leur structure politique s’était disloquée.

Jusqu’à présent, pour avoir une idée assez précise de l’implication des grandes puissances dans les guerres contre le Congo, il fallait mener des recherches et parcourir des ouvrages. Après l’acharnement des Américains et des Britanniques à sauver, à tout prix, le noyau dur du M23, même le Congolais de la rue découvre que derrière de sinistres individus comme Sultani Makenga se cachaient de respectables « grandes démocraties » occidentales. Elles essayent à présent de les mettre à l’abri de poursuites judiciaires[2],[3], le procès des personnages comme ceux-là risquant de prendre les allures du Procès de Nuremberg et éclabousser les grandes « icones de la démocratie[4] » et de la civilisation occidentale.

Les coups de fils qui ont crevé l’abcès

Tout est parti des coups de fil[5] passés par le Secrétaire d’Etat américain, John Kerry, et du ministre britannique des affaires étrangères, William Hague, au Président rwandais Paul Kagamé le menaçant de sanctions financières s’il maintenait son soutien au M23. Les deux diplomates, par ce geste, venaient de crever, sur la place publique, la bulle des mensonges de Kigali, qui continuait de nier, les yeux dans les yeux, tout soutien au M23. On n’en pouvait plus de cette affligeante formule : « l’ONU et Kinshasa accusent le Rwanda de soutenir le M23, ce que le Rwanda nie ». Les temps changent

L’« homme fort de Kigali », d’ordinaire arrogant dans ses réactions, s’est subitement replié sur lui-même et, depuis, s’enferme dans un silence de mort, au point d’avoir abandonné ses soldats aux abois, à la merci de l’offensive des FARDC et de la brigade d’intervention de la Monusco.

C’est dire à quel point le régime de Kigali vit dans une dépendance désespérée, financière notamment, vis-à-vis de ses « maîtres » de Londres et Washington. Mais c’est aussi la preuve que sans l’appui de Londres et Washington, le Rwanda n’aurait jamais entrepris de tirer un seul coup de feu contre le Congo.

Même panique du côté de Kampala où l’autre parrain du M23, Yoweri Museveni, a dû faire des pieds et des mains pour sauver ce qui reste de son image en s’accrochant, comme il a pu, sur le fauteuil de « médiateur international ». On lui sent une palpable fébrilité lorsque l’« homme des Britanniques », se retrouve à Paris, en France, au sommet sur la paix en Afrique. Il est encore plus fébrile lorsqu’il fait clôturer les pourparlers de Kampala à Nairobi à l’ombre des célébrations du cinquantième anniversaire de l’indépendance du Kenya.

Ainsi l’histoire retiendra que deux « petits pays » enclavés et dépourvus de ressources autonomes en quantité ont pu sauvagement martyriser des millions de Congolais, dix-sept ans durant, grâce à l’aide des Américains[6],[7] et des Britanniques[8] qui, un jour, décidèrent de passer deux coups de fil, et pas seulement. Les parrains iront directement s’impliquer pour liquider une aventure meurtrière (M23) qui commençait à échapper à tout contrôle[9].

Les Américains, par Russ Feingold, et les Britanniques, par Mary Robinson, vont s’engager avec une insoupçonnable énergie, officiellement pour la paix, mais en réalité pour faire disparaître un allié devenant de plus en plus embarrassant[10]. Le flagrant aveu de complicité de longue date avec les individus qui agressent le Congo, massacrent des populations civiles, violent et pillent depuis deux décennies.

Les masques tombent

A Nairobi, les masques sont donc tombés devant la face du monde, et ça, au moins, c’est une victoire pour le peuple congolais, assommé depuis des années par des mensonges politico-médiatiques. Ça n’a jamais été « la révolte des Banyamulenge ». Ni la guerre pour protéger les « Tutsis congolais ». Le Rwanda de Kagamé n’a jamais été une puissance militaire que par la dissimulation des puissances occidentales derrière un « petit pays » pour mettre le Congo à genou. « Il n’y a jamais eu de rébellion », pour reprendre la formule de Keith Harmon Snow[11]. C’était des armées étrangères qui agressaient le Congo avec des appuis qui remontaient jusqu’à Londres et Washington.

Ce fut, depuis le début, une guerre internationale contre le Congo pour mettre ses gisements miniers en coupe réglée, voire liquider une partie de sa population pour assurer l’implantation des populations rwando-ougandaises. Et deux « grandes démocraties », Washington et Londres, auront été associées au grand massacre qui coûta la vie à plus de six millions de Congolais.

Personne ne sait vraiment si cette guerre est finie, mais, au moins, les Congolais ont maintenant pu démêler le vrai du faux et portent pour de bon un regard lucide sur les dessous des cartes. La prochaine fois qu’on entendra un coup de feu dans l’Est du Congo, il faudra que le gouvernement de Kinshasa vérifie l’efficacité de ses diplomates accrédités à Londres, Washington, New York, et, accessoirement, Bruxelles.

Boniface MUSAVULI



[1] Mary Robinson, ancienne Présidente de l’Irlande, est l’envoyée spéciale du Secrétaire Général de l’ONU pour la région des grands lacs. Ses prises de position répétées en faveur des membres du M23 fini par trahir son penchant pour les intérêts des régimes de Kampala et de Kigali, parrainés par Londres et Washington.

[2] Pendant ce temps, à Kinshasa, un député national a été arrêté et envoyé à la Cour Pénale Internationale pour une affaire objectivement banale. Le « deux poids deux mesures  » dans toute sa splendeur… Le député Fidèle Babala, proche de Jean-Pierre Bemba (MLC) a été interpelé dimanche 24 novembre à son domicile, à 2h00 du matin. Il a été rapidement transféré à la CPI. L’élu congolais est suspecté d’avoir produit de faux témoignages dans l’affaire « Procureur contre Jean-Pierre Bemba  ».

[3] Barack Obama a demandé que des poursuites judiciaires soient engagées contre les responsables du M23. Mais il doit s’agir d’une prise de position juste pour la forme. En effet, les victimes des mouvements ancêtres du M23, que sont le CNDP de Laurent Nkunda, le RCD et l’AFDL n’ont jamais obtenu justice, leurs bourreaux étant toujours protégés par l’Ouganda, le Rwanda et même la RDC.

[4] Penser seulement que Paul Kagamé, parrain du M23, a pour conseillers de respectables personnalités comme Bill Clinton et l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair (…).

[6] L’aide des Etats-Unis et du Royaume-Uni à Paul Kagamé commence bien avant sa prise du pouvoir à Kigali. Au Congo, des forces spéciales américaines ont pris part aux combats aux côtés des troupes rwandaises durant la première guerre du Congo. Voir Patrick MBEKO, Le Canada dans les guerres en Afrique centrale – Génocides & Pillages des ressources minières du Congo par Rwanda interposé, Le Nègre Editeur, 2012, pp. 226 et svts.

[7] Les Américains ont construit, depuis juillet 1994, une base sophistiquée de collecte de renseignements électromagnétiques (SIGINT) sur le Mont Karisimbi et une base militaire bien fournie dans le Bugesera. Le personnel militaire des États-Unis aurait été vu dans certains quartiers de Kigali entrain de former la police rwandaise et les contrôleurs du trafic aérien de la Force aérienne rwandaise. Des instructeurs US, israéliens et britanniques participent également à la formation de l’armée rwandaise et de la Garde présidentielle dans les bases militaires de Gako et Gabiro. La firme KBR (Kellogg Brown and Root) a construit les bases militaires de Ntendezi et Bugarama près de Cyangugu à la mi-1994. À l’époque, KBR était une filiale d’Haliburton et détenait le contrat LOGCAP (Logistics Civil Augmentation Program) du ministère américain de la Défense. Pour l’année 2009, le Rwanda a reçu plus de 20 millions de dollars d’équipements militaires des États-Unis. Voir Patrick MBEKO, op. cit. p. 230. Kagamé n’a pas pu intervenir autant de fois au Congo à l’insu du gouvernement américain.

[8] Des commandos britanniques ont été signalés dans les rangs des maquisards du FPR durant la conquête du Rwanda, longtemps avant la prise de Kigali. Voir Pierre Péan, Carnages – Les guerres secrètes des grandes puissances en Afrique, Éditions Fayard, novembre 2010, p. 259 et svts.

[9] L’affaire des 300 tonnes de munitions et d’armes lourdes découvertes début novembre, sur la colline de Chanzu, n’a pas encore révélé tous ses mystères. Selon le porte-parole des FARDC dans la province du Nord-Kivu, le colonel Olivier Hamuli, les munitions trouvées sur la colline de Chanzu pouvaient permettre au M23 de mener des opérations pendant plus de 10 ans. Les armes et munitions proviendraient de Russie et d’Ukraine, ce qui donnait à la guerre du M23 une dimension inattendue, leurs parrains étant plutôt des alliés des Etats-Unis et du Royaume-Uni. Aussi, l’Est du Congo étant toujours sous embargo, en application des Résolutions 1493(2003) et 1533(2004) du Conseil de sécurité de l’ONU, le M23 n’a pas pu se procurer une quantité aussi impressionnante d’armes sans bénéficier des complicités au-delà des pays de la région.

[10] En essayant tout de même de faire aboutir ses revendications. Le Congo va devoir réintégrer les combattants du M23 en application des engagements de Nairobi du 12 décembre dernier.

[11] Pour Keith Harmon Snow, correspondant de guerre, cinéaste et professeur de journalisme américain, les combattants du M23 ne sont pas des « rebelles congolais » mais des soldats rwandais et ougandais.

Avec Agora Vox

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