L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) a fait savoir, dimanche 30 septembre, qu’un groupe rebelle proturc avait commencé à se retirer de la future « zone démilitarisée » dans le nord-ouest de la Syrie, des propos rapidement contredits par des groupes rebelles sur place. Ce retrait, s’il est avéré, constituerait une première depuis l’accord conclu entre Moscou et Ankara qui doit permettre d’éviter une offensive meurtrière du régime sur la province d’Idleb.
« Des unités de Faylaq Al-Cham se retirent depuis dimanche matin avec leurs armes lourdes, dont des chars et des canons, du sud de la province d’Alep et de la banlieue ouest de la ville », a déclaré le directeur de l’OSDH, Rami Abdel Rahmane. « Il s’agit du premier groupe à se retirer depuis la conclusion de l’accord », a-t-il ajouté.
#SOHR After the report of the Syrian Observatory and in a confirmation of what it has published…a rebel army issues… https://t.co/GDznzJYTXy
Conclu à Sotchi (Russie) le 17 septembre, l’accord russo-turc permettrait d’éloigner, à court terme, la perspective d’une offensive militaire du régime syrien. Il prévoit la création d’ici au 15 octobre d’une « zone démilitarisée » de 15 à 20 kilomètres de large, sous contrôle de la Russie et de la Turquie.
Mais sa mise en application, qui implique le renoncement aux armes lourdes, est soumise à l’accord des divers groupes rebelles et djihadistes. Peu après l’annonce de l’OSDH, le Front national de libération (FNL), coalition de groupes rebelles (dont Faylaq Al-Cham) de la province d’Idleb et de ses environs, a d’ailleurs nié « catégoriquement » tout retrait d’armes lourdes de cette zone, via la voix de son porte-parole, Naji Moustafa.
« ll n’y a eu aucun changement au niveau de l’emplacement des armes ou de redéploiement des combattants », a clamé à son tour Seif al-Raad, porte-parole d’un des groupes rebelles, tout en notant que son groupe « adhér(ait) à l’accord conclu à Sotchi ». A la suite de ces démentis, l’OSDH, qui dispose d’un vaste réseau de correspondants dans le pays en guerre, a lui maintenu que des armes avaient bel et bien été retirées.
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Tampon entre territoires du régime syrien et des insurgés
En forme de fer de cheval, la future « zone démilitarisée » doit servir de tampon entre les territoires tenus par le régime syrien et ceux acquis aux insurgés. Elle concerne la province d’Idleb et des secteurs des régions voisines d’Alep, de Hama et de Lattaquié, qui constituent ensemble le dernier bastion insurgé dans la Syrie en guerre.
La partie est toutefois loin d’être gagnée : samedi, Jaich Al-Ezza, un groupe rebelle actif dans le nord de la province de Hama, avait déjà dit rejeter l’accord russo-turc, tout comme l’avait fait le groupuscule djihadiste Houras Al-Din, lié à Al-Qaida. Le principal groupe djihadiste, Hayat Tahrir Al-Cham (HTS), qui domine plus de la moitié de la région d’Idleb, n’a, lui, toujours pas fait connaître sa décision.
Le FNL, formé début août à l’instigation de la Turquie, avait favorablement accueilli, mais non sans prudence, l’accord russo-turc. Faylaq Al-Cham, qui compte de « 8 500 à 10 000 combattants », est, pour sa part, « le deuxième groupe le plus puissant dans le nord syrien en termes d’équipements militaires et le troisième en termes d’effectifs », croit savoir le directeur de l’OSDH.
Nombreux groupes rebelles réfractaires
Ce début de retrait de Faylaq Al-Cham intervient trois jours après une réunion entre des responsables turcs et des représentants des groupes rebelles, d’après l’OSDH, qui visait à favoriser la mise en application de l’accord de Sotchi. Parmi les réfractaires, des concertations internes intenses seraient en cours au sein du groupe HTS. Quant à Jaich Al-Ezza, il l’a jugé en l’état trop favorable au régime.
Il « grignote les zones libérées et “renfloue” Bachar Al-Assad », a jugé son principal responsable, Jamil Al-Saleh. Le refus de Jaich Al-Ezza de se conformer à l’accord a été suivi samedi soir par des échanges d’obus et de tirs à l’artillerie lourde entre les combattants du groupe rebelle et des factions djihadistes, d’une part, et les forces du régime, d’autre part, dans les régions de Hama et de Lattaquié. Selon l’OSDH, qui n’a pas fait état de victimes, des échanges se poursuivent dimanche « dans le nord de Hama et le nord-est de Lattaquié ».
La province d’Idleb et les zones avoisinantes sont depuis des semaines dans le viseur du régime, qui a enchaîné les victoires et contrôle, désormais, près des deux tiers du territoire. Déclenché en 2011 par la répression de manifestations pro-démocratie par le régime de Bachar Al-Assad, le conflit syrien s’est complexifié au fur et à mesure des années. Il a fait plus de 360 000 morts et des millions de déplacés et réfugiés.