Tag: Culture & Arts

  • Historienne et féministe, Mary Beard n’a pas le latin dans sa poche

    Historienne et féministe, Mary Beard n’a pas le latin dans sa poche

    Il faut voir la scène. Nonchalamment assise sur un bloc de pierre, Mary Beard s’interroge à voix haute devant la caméra. Comment les Romains faisaient-ils dans ces latrines publiques d’Ostie ? Etaient-elles mixtes ? Où plaçaient-ils l’éponge pour s’essuyer ? Et, joignant le geste à la parole, elle explique : « Voilà comment nous devons imaginer une ville antique. Toges et tuniques relevées, pantalons baissés, on se soulage en bavardant avec ses voisins. »

    La séquence a été diffusée dans l’un des documentaires sur Rome présentés par l’historienne du Newnham College, à Cambridge, qui rencontrent un immense succès outre-Manche. Elle résume tous les décalages ayant fait de Mary Beard une figure intellectuelle singulière et même une célébrité, qui réunit plus de 200 000 abonnés sur Twitter, transmet infatigablement au lectorat le plus large ses éclairages sur l’histoire antique, intervient avec vigueur dans les débats politiques sur le Brexit ou l’immigration, sans pour autant perdre l’estime de ses pairs dans le monde universitaire.

    « Ma parole m’appartient »

    On y voit sa capacité à s’adresser au grand public en usant d’un humour décontracté, mais aussi une préoccupation d’historienne pour les aspects du passé pouvant sembler les plus triviaux, mais essentiels au quotidien. Dans le bureau lumineux d’une discrète maison de Cambridge où elle reçoit « Le Monde des livres », avec des livres d’art éparpillés sur le sol qui signalent son nouveau chantier de recherche (une étude sur la représentation des empereurs romains dans la peinture de la Renaissance), elle explique comment elle a trouvé la juste intonation : « Je suis arrivée à un point où, à la télévision, j’ai cessé de jouer un rôle. Ma parole m’appartient. Longtemps, au début de ma carrière, j’ai pensé que j’étais une actrice, que je jouais un rôle, imitant parfois mes collègues masculins, et cela ne sonnait pas juste. »

    Comme elle le suggère en effet dans son…

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  • « La Servante écarlate » : une « ustopie » glaçante

    « La Servante écarlate » : une « ustopie » glaçante

    TF1 Séries Films, dimanche 30 septembre à 21 heures, série

    Vous avez bien lu « ustopie ». En effet, cherchant à différencier son livre La Servante écarlate d’autres récits de science-fiction, la Canadienne Margaret Atwood a qualifié d’« ustopie » (mi-utopie, mi-dystopie) l’univers qu’elle y a créé. Un monde où la reproduction humaine est devenue rarissime, à l’image des ressources ­naturelles, et où l’on contraint les femmes encore fertiles à devenir des mères porteuses pour la haute hiérarchie de la république totalitaire de Gilead.

    Les utopies des uns sont toujours les cauchemars des autres. Au désir souverain de certains de donner naissance à des êtres de chair s’oppose, pour d’autres, l’horreur de n’exister qu’en tant qu’esclave sexuelle, que simple utérus. « La règle que je me suis imposée pour La Servante écarlate, a tenu à préciser l’auteure, était toute simple : je ne mettrais rien dans ce livre que les humains n’ont pas déjà fait, quelque part, au fil du temps. »

    En 2017, l’adaptation sous forme de série du roman (The Handmaid’s Tale, son titre original, publié en 1985) aura été un choc tant émotionnel qu’esthétique, ce qui lui a d’ailleurs valu de nombreux prix (Emmy Awards, Golden Globes, etc.).

    En révolte contre son sort

    L’on y suit l’évolution de la théocratie fondamentaliste qu’est ­Gilead au travers des yeux et du récit d’Offred (remarquablement interprétée par Elisabeth Moss). Toute de rouge vêtue et coiffée d’un bonnet blanc qui l’empêche de regarder de côté, Offred, femme encore capable de procréer, est une « servante écarlate » en révolte contre son sort. D’autant que, comme ses compagnes d’infortune, elle a connu l’insouciance de la démocratie, au temps où elle éditait des livres universitaires, était mariée et avait une petite fille, Hannah, que l’Etat lui a enlevée.

    Déjà diffusée sur la plate-forme OCS d’Orange – où les deux premières saisons sont disponibles –, la saison 1 de La Servante écarlate est aujourd’hui proposée par la chaîne gratuite TF1 ­Séries Films, ex-HD1. Et ce chaque dimanche, à partir de ce 30 septembre, à raison de trois épisodes par soirée. A ne pas manquer, le cœur bien accroché.

    La Servante écarlate, saison 1, série créée par Bruce Miller. Avec Elisabeth Moss, Yvonne Strahovski, Alexis Bledel, Samira Wiley (EU, 2017, 10 × 52 minutes).

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  • Moscou diffuse une nouvelle photo du cinéaste en grève de la faim, Oleg Sentsov

    Moscou diffuse une nouvelle photo du cinéaste en grève de la faim, Oleg Sentsov

    Cela fait 139 jours que le cinéaste Oleg Sentsov a entamé sa grève de la faim. Vendredi 28 septembre, la réalisateur ukrainien a été de nouveau hospitalisé pour un contrôle de son état de santé, alors qu’il purge une peine de vingt ans de prison pour « terrorisme » dans un camp de travail en Sibérie. A cette occasion, les services pénitentiaires russes ont diffusé une photographie d’Oleg Sentsov, sur laquelle l’homme apparaît affaibli.

    Le cliché montre un médecin en blouse blanche auscultant Oleg Sentsov torse nu dans un cabinet médical. Le cinéaste de 42 ans, qui mesure 1,90 mètre, y apparaît encore amaigri et vieilli. Une précédente photo, réalisée sur le lieu de détention d’Oleg Sentsov, avait été diffusée le 9 août. Elle le montrait debout, en uniforme de détenu, déjà très amaigri.

    Lire aussi :   « Oleg Sentsov peut mourir à chaque minute qui passe »

    Procès « stalinien »

    Oleg Sentsov, opposé à l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014, a été transporté vendredi à l’hôpital municipal de Labytnangui en Iamalie, au-delà du cercle polaire, pour des « examens supplémentaires et des consultations de spécialistes », selon les services pénitentiaires. Le « traitement » d’Oleg Sentsov, qui reçoit des compléments alimentaires qui le maintiennent en vie, sera corrigé en fonction des résultats de ces examens, selon la même source.

    Qualifié de « kamikaze ukrainien » par son avocat, qui le dit « prêt à mourir », M. Sentsov a entamé une grève de la faim le 14 mai pour exiger la libération de tous les « prisonniers politiques » ukrainiens détenus en Russie.

    Arrêté en Crimée après l’annexion de la péninsule par la Russie en 2014, Oleg Sentsov a été condamné à l’issue d’un procès qualifié de « stalinien » par Amnesty International et dénoncé par Kiev, l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis.

    Appel mondial

    Les pays du G7 ainsi que de nombreuses personnalités du monde culturel, comme le cinéaste suisse Jean-Luc Godard ou l’acteur américain Johnny Depp, ont appelé à la libération d’Oleg Sentsov. Le 10 août, le président français Emmanuel Macron avait fait par téléphone « plusieurs propositions » à son homologue russe Vladimir Poutine afin de « trouver de façon urgente une solution humanitaire ». Rien n’a filtré depuis concernant les suites données par Moscou à ces propositions.

    Lire aussi :   « Il faut agir vite pour ne pas laisser Oleg Sentsov mourir »

    Malgré les déclarations alarmistes de ses proches concernant la dégradation de son état de santé, le Kremlin a répété à plusieurs reprises qu’une grâce présidentielle ne pouvait être accordée qu’à la demande du prisonnier, ce qu’Oleg Sentsov se refuse à faire.

    Kiev a cependant balayé cet argument, rappelant que la pilote militaire ukrainienne Nadia Savtchenko, emprisonnée en Russie puis libérée lors d’un échange de prisonniers en 2016, n’avait jamais demandé à être graciée.

    La Russie et l’Ukraine sont à couteaux tirés depuis l’arrivée au pouvoir, à l’hiver 2013-2014, de pro-occidentaux à Kiev, suivie de l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée par Moscou et du déclenchement d’un conflit armé dans l’est séparatiste prorusse du pays, qui a fait plus de 10 000 morts à ce jour.

    Lire aussi :   Oleg Sentsov fait citoyen d’honneur de la Ville de Paris

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  • Droite extrême : le « grand retournement » idéologique

    Droite extrême : le « grand retournement » idéologique

    Analyse. Un grand basculement s’opère depuis quelques années sur la scène des idées. Un glissement de terrain idéologique destiné à préparer un renversement politique. Car la contre-révolution illibérale n’a pas uniquement lieu lors d’insurrections électorales. Elle s’installe aussi sur le terrain de la pensée. La droite extrême s’est ainsi imposée dans la bataille des idées, et la « pensée anti-68 », comme dit le philosophe Serge Audier, tient le haut du pavé. « Le vent souffle à droite », constate la philosophe Elisabeth Badinter, alertée par les mouvements antiavortement et ceux issus de La Manif pour tous, rassemblés dans « la sainte alliance des réactionnaires » (Le Monde daté du 13 avril 2018).

    Ce grand basculement prend la forme d’un « grand retournement », explique le professeur au Collège de France Pierre Rosanvallon dans Notre histoire intellectuelle et politique – 1968-2018 (Seuil, 448 pages, 22,50 euros). Un renversement des valeurs du progressisme qui repose sur un « antilibéralisme intégral » (l’extension des droits de l’individu est associée au règne de l’illimitation de l’individualisme consumériste), une offensive axée sur « l’exaltation d’un peuple essentialisé » forcément méprisé par les élites, une guérilla conceptuelle tournée vers une critique obsessionnelle de « l’événement repoussoir » qu’est devenu Mai 68, sans oublier une « radicalisation des aversions » dominée par une hypertrophie du langage – par laquelle on assimile sans ambages le libéralisme ou le pédagogisme à des « totalitarismes ». De Maurras à Gramsci, les références de ces pamphlétaires réactionnaires mêlent aussi bien des catholiques royalistes que des communistes révolutionnaires.

    Dépassement des clivages et des usages

    C’est pourquoi l’on peut entendre dans cette littérature « une pensée de droite dans un langage de gauche »,…

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  • « The Diddy Laugh » : pourquoi est-ce toujours les deux mêmes enfants que l’on entend rire dans les films ?

    « The Diddy Laugh » : pourquoi est-ce toujours les deux mêmes enfants que l’on entend rire dans les films ?

    Récit

    Vous ne le savez peut-être pas, mais vous l’avez probablement déjà entendu. Le « Diddy Laugh » est sans doute le rire d’enfant le plus reproduit du monde. Si vous avez vu Star Wars : la menace fantôme, le film Taken, la série Sherlock ou encore le Walt Disney Mulan, vous le connaissez. Jeux vidéo, blockbusters hollywoodiens, publicités… A l’instar du « cri de Wilhem », cet effet sonore s’est immiscé un peu partout dans l’industrie audiovisuelle depuis près de trente ans.

    Alors d’où vient-il et comment est-il devenu l’un des sons les plus utilisés de tous les temps ? Réponse en vidéo.

    Le blog de Steve Paget : https ://bit.ly/2xHIIiM

    The Hollywood Edge Premiere Edition Volume 1 : https ://bit.ly/2Q6unTV

    LE MONDE

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  • Tiffany Tavernier n’a pas décollé de l’aéroport

    Tiffany Tavernier n’a pas décollé de l’aéroport

    Roissy, de Tiffany Tavernier, Sabine Wespieser, 280 p., 21 €.

    Des points de départ, ­Tiffany Tavernier en a connu plusieurs – c’est le lot de tous les baroudeurs. Mais la romancière, scénariste et assistante réalisatrice, n’a pas avec tous un lien aussi intime qu’avec l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, dit aussi aéroport de Roissy, ou Roissy. C’est de là qu’elle est partie, à 18 ans, pour Calcutta. Pendant des mois, elle a partagé le quotidien d’un médecin de rue, trouvant dans la crasse des faubourgs indiens et la splendeur du Taj Mahal la matière de son premier roman, Dans la nuit aussi le ciel (Paroles d’aube, 1999). Après cela, retour à Roissy, mais seulement pour y reprendre la voie des airs, direction l’Arctique, où elle séjournera deux étés avec des Inuits : une expérience extraordinaire qui l’a menée à l’écriture de son deuxième roman, L’Homme blanc (Flammarion, 2000). Ensuite, nouveau départ de Roissy pour quatre mois au Cambodge ; et, plus tard, avant une traversée de la Colombie avec une troupe de théâtre…

    Enregistrements sonores dans chaque terminal

    Qu’à cela ne tienne, si le nouveau point de départ de Tiffany Tavernier (celui d’un roman, cette fois, son huitième) est un article de presse traitant de l’aéroport londonien d’Heathrow, l’intrigue se déroulera à Roissy. L’article, qui l’a hantée pendant près de deux ans, était accompagné d’une photographie, raconte-t-elle au « Monde des livres » : « Celle d’une jeune femme de trois quarts de profil, aux longs cheveux bruns, tirant une valise, et que l’on devinait très jolie, sans pour autant voir son visage. » Une SDF qui vit dans l’aéroport. Le journaliste lui demande combien de temps elle compte y rester. Celle-ci lui fait cette réponse « radicale et vertigineuse » : « Toute ma vie. » La romancière est subjuguée : « C’est une réponse à laquelle je ne m’attendais pas, qui m’interroge…

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  • Tiffany Tavernier pose son sac à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle

    Tiffany Tavernier pose son sac à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle

    Roissy, de Tiffany Tavernier, Sabine Wespieser, 280 p., 21 €.

    Des points de départ, ­Tiffany Tavernier en a connu plusieurs – c’est le lot de tous les baroudeurs. Mais la romancière, scénariste et assistante réalisatrice, n’a pas avec tous un lien aussi intime qu’avec l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, dit aussi aéroport de Roissy, ou Roissy. C’est de là qu’elle est partie, à 18 ans, pour Calcutta. Pendant des mois, elle a partagé le quotidien d’un médecin de rue, trouvant dans la crasse des faubourgs indiens et la splendeur du Taj Mahal la matière de son premier roman, Dans la nuit aussi le ciel (Paroles d’aube, 1999). Après cela, retour à Roissy, mais seulement pour y reprendre la voie des airs, direction l’Arctique, où elle séjournera deux étés avec des Inuits : une expérience extraordinaire qui l’a menée à l’écriture de son deuxième roman, L’Homme blanc (Flammarion, 2000). Ensuite, nouveau départ de Roissy pour quatre mois au Cambodge ; et, plus tard, avant une traversée de la Colombie avec une troupe de théâtre…

    Enregistrements sonores dans chaque terminal

    Qu’à cela ne tienne, si le nouveau point de départ de Tiffany Tavernier (celui d’un roman, cette fois, son huitième) est un article de presse traitant de l’aéroport londonien d’Heathrow, l’intrigue se déroulera à Roissy. L’article, qui l’a hantée pendant près de deux ans, était accompagné d’une photographie, raconte-t-elle au « Monde des livres » : « Celle d’une jeune femme de trois quarts de profil, aux longs cheveux bruns, tirant une valise, et que l’on devinait très jolie, sans pour autant voir son visage. » Une SDF qui vit dans l’aéroport. Le journaliste lui demande combien de temps elle compte y rester. Celle-ci lui fait cette réponse « radicale et vertigineuse » : « Toute ma vie. » La romancière est subjuguée : « C’est une réponse à laquelle je ne m’attendais pas, qui m’interroge…

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  • « Maniac », un voyage hallucinatoire tendre et comique à la fois

    « Maniac », un voyage hallucinatoire tendre et comique à la fois

    Netflix, à la demande – Série

    Déroutant comme peut l’être l’enchaînement de rêves au cours d’une même nuit, ­Maniac s’ouvre sur un premier épisode où l’on ne comprend à peu près rien. Si ce n’est que l’on est à New York, dans un futur tel qu’on pouvait l’imaginer lorsque l’on vivait dans les années 1980. Si ce n’est, par ailleurs, que l’on est face à une étrange promesse ­scénaristique (librement adaptée d’une série norvégienne) de l’un des auteurs de la série The Left­overs (2014-2017), Patrick Somerville, et face à l’alléchante réalisation de Cary Fukunaga, à qui l’on doit la superbe première saison de True Detective – lequel vient de se voir confier le prochain James Bond. Mais que l’on se rassure, l’ambition de cette série prend forme dès le deuxième épisode.

    Sans doute, ceux qui n’aiment rien tant que la terre ferme du réel auront du mal à entrer dans le doux délire scénaristique et visuel de Maniac – contrairement à ceux qui ont apprécié l’inventivité d’une série comme Atypical, elle aussi sur Netflix. Ce serait pourtant dommage tant Maniac vibre, invente et émeut quiconque est prêt à affronter le vertige. Car l’on est invité ici à une expérience, à l’image de ce que vont traverser ses deux personnages principaux, Owen (Jonah Hill) et Annie (Emma Stone, bluffante de bout en bout).

    Dose d’étrangeté

    Etrangers l’un pour l’autre, tous deux se rencontrent après s’être portés volontaires à un essai thérapeutique d’un genre nouveau, pour ne pas dire douteux et risqué. Sous le contrôle de l’ordinateur le plus sophistiqué au monde, capable d’analyser leurs rêves, leurs hantises et leurs souvenirs, ils viennent d’accepter, avec d’autres, de se soumettre au protocole mis au point par un neuro-chimiste démiurge (Justin Theroux, comiquement raide et pompeux) : une expérimentation qui vise à terme, si elle réussit, à débarrasser l’humanité de tout mal-être, de tout trauma. Chaque étape de l’expérience amenant ces cobayes à identifier leur souffrance, puis à l’accepter, et enfin à la dépasser.

    Cela passe par l’absorption de ­pilules qui, à chaque prise, vont transporter Annie et Owen dans des rêves, des hallucinations, des époques et des scénarios différents ; ce qui permet au scénariste et au réalisateur d’augmenter eux-mêmes la dose d’étrangeté, de créativité et de délire au fil de la série, en pastichant tour à tour, parfois avec un éclatant bonheur, parfois de manière grotesque, le genre de la comédie noire, du drame familial, de l’espionnage, du fantastique moyenâgeux, etc.

    Emotion

    Le plus étonnant, dans ce maelström de tableaux qu’occasionnent les rêves partagés par Owen et ­Annie, vient de l’émotion, voire de la sentimentalité, que ne manque pas d’induire le psychodrame ­familial qu’est au final Maniac. Car la série s’attache moins à traquer la dépression ou la maladie ­mentale dont souffrent Annie et Owen qu’à dépeindre le sentiment d’inutilité et de solitude, la culpabilité, les fausses croyances dont chacun a hérité, à des degrés divers, de ses liens familiaux. 

    Et que dire de l’ordinateur ­« kubrickien » Gertie, maître-analyste de l’essai thérapeutique, qui, une fois inoculé de quelques émotions basiques par une médecin de l’équipe, va souffrir d’un deuil pathologique à la mort de son ­concepteur, tomber en dépression et « perdre la tête », avant d’expliquer à ses manipulateurs : « Je veux rencontrer mon vrai moi. »

    Maniac, série créée par Patrick Somerville. Avec Emma Stone, Jonah Hill, Justin Theroux, Sally Field (EU, 2018, 10 × 40 min).

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  • « Maniac » : un voyage hallucinatoire tendre et comique à la fois

    « Maniac » : un voyage hallucinatoire tendre et comique à la fois

    Netflix, à la demande, série

    Déroutant comme peut l’être l’enchaînement de rêves au cours d’une même nuit, ­Maniac s’ouvre sur un premier épisode où l’on ne comprend à peu près rien. Si ce n’est que l’on est à New York, dans un futur tel qu’on pouvait l’imaginer lorsque l’on vivait dans les années 1980. Si ce n’est, par ailleurs, que l’on est face à une étrange promesse ­scénaristique (librement adaptée d’une série norvégienne) de l’un des auteurs de la série The Left­overs (2014-2017), Patrick Somerville, et face à l’alléchante réalisation de Cary Fukunaga, à qui l’on doit la superbe première saison de True Detective – lequel vient de se voir confier le prochain James Bond. Mais que l’on se rassure, l’ambition de cette série prend forme dès le deuxième épisode.

    Sans doute, ceux qui n’aiment rien tant que la terre ferme du réel auront du mal à entrer dans le doux délire scénaristique et visuel de Maniac – contrairement à ceux qui ont apprécié l’inventivité d’une série comme Atypical, elle aussi sur Netflix. Ce serait pourtant dommage tant Maniac vibre, invente et émeut quiconque est prêt à affronter le vertige. Car l’on est invité ici à une expérience, à l’image de ce que vont traverser ses deux personnages principaux, Owen (Jonah Hill) et Annie (Emma Stone, bluffante de bout en bout).

    Dose d’étrangeté

    Etrangers l’un pour l’autre, tous deux se rencontrent après s’être portés volontaires à un essai thérapeutique d’un genre nouveau, pour ne pas dire douteux et risqué. Sous le contrôle de l’ordinateur le plus sophistiqué au monde, capable d’analyser leurs rêves, leurs hantises et leurs souvenirs, ils viennent d’accepter, avec d’autres, de se soumettre au protocole mis au point par un neuro-chimiste démiurge (Justin Theroux, comiquement raide et pompeux) : une expérimentation qui vise à terme, si elle réussit, à débarrasser l’humanité de tout mal-être, de tout trauma. Chaque étape de l’expérience amenant ces cobayes à identifier leur souffrance, puis à l’accepter, et enfin à la dépasser.

    Cela passe par l’absorption de ­pilules qui, à chaque prise, vont transporter Annie et Owen dans des rêves, des hallucinations, des époques et des scénarios différents ; ce qui permet au scénariste et au réalisateur d’augmenter eux-mêmes la dose d’étrangeté, de créativité et de délire au fil de la série, en pastichant tour à tour, parfois avec un éclatant bonheur, parfois de manière grotesque, le genre de la comédie noire, du drame familial, de l’espionnage, du fantastique moyenâgeux, etc.

    Emotion

    Le plus étonnant, dans ce maelström de tableaux qu’occasionnent les rêves partagés par Owen et ­Annie, vient de l’émotion, voire de la sentimentalité, que ne manque pas d’induire le psychodrame ­familial qu’est au final Maniac. Car la série s’attache moins à traquer la dépression ou la maladie ­mentale dont souffrent Annie et Owen qu’à dépeindre le sentiment d’inutilité et de solitude, la culpabilité, les fausses croyances dont chacun a hérité, à des degrés divers, de ses liens familiaux. 

    Et que dire de l’ordinateur ­« kubrickien » Gertie, maître-analyste de l’essai thérapeutique, qui, une fois inoculé de quelques émotions basiques par une médecin de l’équipe, va souffrir d’un deuil pathologique à la mort de son ­concepteur, tomber en dépression et « perdre la tête », avant d’expliquer à ses manipulateurs : « Je veux rencontrer mon vrai moi. »

    Maniac, série créée par Patrick Somerville. Avec Emma Stone, Jonah Hill, Justin Theroux, Sally Field (EU, 2018, 10 × 40 min).

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  • Un apéro avec Finnegan Oldfield : « J’ai toujours été une teigne »

    Un apéro avec Finnegan Oldfield : « J’ai toujours été une teigne »

    « Habituellement, j’aurais pris une Chouffe. La bière belge. Enfin, faut être précautionneux avec la Chouffe, hein… On peut se retrouver avec une gueule de bois immédiate. Mais là, avant 18 heures, je me discipline… Un Perrier ! » Il sort de la piscine municipale, serviette mouillée dans un sac en plastique. L’été tire à sa fin, et ça lézarde sérieux sur la petite terrasse indolente de La Pétanque, un café de la rue Etienne-Dolet, à Paris (20e), où Finnegan Oldfied nous a filé rencard.

    Vingt-sept ans, 1,83 m, une gueule d’ange, une gouaille de lascar et un nom de milord. Et puis une vingtaine de films à la clé. Des séries (Engrenages…), des apparitions, des petits rôles et, depuis 2015, les premières places : dans Les Cowboys, de ­Thomas Bidegain, Nocturama, de Bertrand Bonello, Marvin ou la Belle Education, d’Anne Fontaine, et, aujourd’hui, Le Poulain, de Mathieu Sapin, où il incarne un de ces jeunes bac + 5 qui se font enrôler dans ce jeu d’imposture, de vitesse et de réactivité opportuniste qu’est la politique. Exactement ce qu’il n’est pas.

    Premiers kifs

    Les jambes étendues sous la table du bistrot dont il est un habitué, l’échalas en veste de sport Lacoste, maillot de foot de l’équipe d’Angleterre, a abandonné ses études en 4e et parle anglais avec un accent de Ménilmontant à couper à la serpe, malgré son prénom qui évoque le roman de James Joyce, Finnegans Wake (1939). Il s’en amuse : « Euh non, en fait je crois que c’était plutôt en référence à Huckleberry Finn… »

    « Ado, j’ai toujours aimé les lieux désaffectés, tout y casser, les vieilles bagnoles abandonnées, tout défoncer. J’aime ces endroits de liberté, zones de non-droit où tu peux faire ce que tu veux. Et puis sur la table de régie, j’avais ma dose de sucre »

    Au départ, il y a Oldfield père, Ben de son prénom, un môme de Brighton, Angleterre, affamé de musique jamaïcaine, qui débarque…

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