La collection d’art moderne et contemporain de l’Institut du monde arabe (IMA) s’est enrichie de 1 300 nouvelles peintures après la signature mercredi 24 octobre d’un contrat finalisant une donation considérable de la part des collectionneurs Claude et France Lemand. Assortie d’un important fonds de dotation, elle enrichit largement une collection d’art moderne et contemporain qui comportait jusqu’à présent 500 œuvres.
La collection Lemand regroupe 94 artistes appartenant à trois générations, dont Abdallah Benateur, Youssef Abdelké, Dia Al-Azzawi, Etel Adnan, Shafic Abboud, Mohammad Al-Rawas, Abdelkader Guermaz. Elle a été constituée par Claude Lemand, collectionneur d’art libanais chassé de son pays par la guerre civile dans les années 1970 avant d’ouvrir une galerie d’art à Paris en 1988.
Trois premières expositions ouvertes aux visiteurs jusqu’au 30 mars présentent une partie des œuvres nouvellement acquises. La première montre « Le monde arabe vu par ses artistes », et surprend par la présence de tous les styles modernes et figuratifs. « Portrait de l’oiseau qui n’existe pas » s’appuie sur un poème de Claude Aveline écrit en 1950. Le poète avait invité les artistes du Paris de l’époque à prendre le poème pour point de départ et de faire à leur tour le portrait de ce volatile imaginaire.
« Volière »
Près de trente ans après, Claude Lemand, par ailleurs époux de France, la petite-fille d’Aveline, invite des artistes de son temps, dont de nombreux plasticiens originaires du monde arabe, à renouveler cette expérience artistique. C’est une sélection issue de cette nouvelle « volière » qui est montrée au public. Une troisième exposition porte sur des œuvres du peintre syrien Youssef Abdelké évoquant le martyre de la Syrie sous le joug de la dynastie Assad.
Le collectionneur Claude Lemand, cité par l’Agence France-Presse, indique qu’il ne s’agit pas d’une « une donation morte car le fonds de dotation permettra d’enrichir les collections en permanence. Il permettra de financer la recherche, les expositions, les médiations » entreprises par l’IMA depuis son ouverture en 1987. Avec la fusion de la collection du musée et de la donation de Claude et France Lemand, l’IMA entend devenir dans les deux prochaines années un musée des arts du monde arabe, qui apportera un soin particulier aux œuvres de la seconde moitié du XXe siècle.
Imaginez que vous entrez dans un théâtre, non pas pour vous asseoir sagement à la place que vous avez réservée, mais pour déambuler partout – sur la scène, dans les loges, le bar, le hall, l’escalier… – et suivre des comédiens interprétant des jeunes mariés, des amants, des parents, des couples qui se forment, qui s’aiment, se chamaillent ou se déchirent.
C’est à cette expérience inédite et bluffante de « théâtre immersif » que convie la Cie du Libre Acteur au Théâtre Michel à Paris. Le « quatrième mur » est pulvérisé, les spectateurs, répartis en deux groupes, se retrouvent en prise directe avec les acteurs, les encerclent, les observent au plus près et deviennent partie prenante des comédies ou des drames qui se déroulent juste devant leurs yeux.
Saynètes inoubliables
Habilement mis en scène par Sébastien Bonnabel, Smoke Rings s’inspire de la pièce écrite par Léonore Confino, Ring, percutante plongée dans la confusion amoureuse. C’était en 2013, Audrey Dana et Sami Bouajila jouaient avec fougue et sensualité une dizaine de personnages. Cette fois, huit comédiens, quatre femmes et quatre hommes qu’il faut tous citer tant ils sont impressionnants de justesse (Marie Combeau, Marine Dusehu, Marie Hennerez, Pascale Mompez, Eric Chantelauze, Philippe De Monts, Stéphane Giletta et Emanuele Giorgi) se succèdent dans des saynètes inoubliables.
Qu’il s’agisse d’une torride déclaration d’amour, d’une dispute redoutable, d’une drague qui tourne court, d’une naissance perturbante ou d’une relation adultère et amère, ce sont autant de moments de vie qui surgissent et s’évanouissent dans chaque recoin du théâtre. Ces histoires de couples, faites de hauts et de bas, de mensonges et de passion, d’aveux et de non-dits, sont portées par une écriture vive et subversive.
Miroir doux-amer
Tantôt caustique, drôle, absurde, émouvante ou cruelle, cette balade hyperréaliste au cœur de l’intime et du tumulte des sentiments mérite…
Après Jack White en janvier, c’est au tour de Florence Foresti, star de l’humour français, d’interdire les téléphones portables dans ses spectacles. Ceux-ci seront mis sous scellé individuel jusqu’à la sortie de la salle.
« Pour éviter les enregistrements pirates et assurer le lien avec les spectateurs », selon son entourage, Florence Foresti sera la première artiste française à déployer le système américain Yondr pour son retour imminent sur scène à Paris et en tournée, avec son spectacle « Epilogue ». Yondr et Florence Foresti justifient cette décision en proposant au public de « vivre une expérience unique sans mobile ».
Un mode d’emploi a été publié sur le site Internet de Florence Foresti. « A l’entrée de la salle, une pochette vous sera remise pour y glisser vos téléphones, celle-ci se bloquera automatiquement. Vous resterez en possession de votre appareil lors du spectacle et, au besoin, vous pourrez accéder aux postes de déverrouillage installés dans la salle. A la fin du spectacle, toutes les pochettes seront déverrouillées et vous pourrez de nouveau utiliser votre téléphone. »
Aucun remboursement en cas de refus du dispositif
Dès la réservation d’une place, chaque spectateur est informé de la présence du dispositif. « Vous ne pourrez pas accéder en salle si vous refusez de participer à ce dispositif. Aucun remboursement ne sera effectué », est-il indiqué.
« Toute personne utilisant un téléphone portable sera invitée à quitter la salle », ajoute le texte. Si un spectateur reçoit un appel urgent ou a besoin de téléphoner, des bornes de déverrouillage seront disponibles à la sortie de la salle. « Pour votre retour en salle, la pochette sera de nouveau verrouillée avec votre téléphone dedans. »
Il est conseillé aux spectateurs de mettre leur smartphone en vibreur silencieux avant de le placer dans la pochette. « Vous pourrez ainsi le sentir en cas d’appel et sortir pour rappeler si besoin. »
L’humoriste sera notamment à l’affiche du Paradis latin, à Paris, du 5 novembre au 18 décembre et du 26 au 31 décembre au Zénith de Paris.
Le portrait de Freddie Mercury que met en scène Bryan Singer dans Bohemian Rhapsody est aussi fidèle aux règles de la biographie filmée (« biopic » en langue hollywoodienne) qu’il est infidèle à l’histoire du chanteur de Queen. Mais, depuis l’accident d’avion qui coûta la vie à Buddy Holly, 23 ans, et Richie Valens, 17 ans, les destinées fulgurantes des stars du rock’n’roll se prêtent aux manipulations qui font les légendes. Il a fallu attendre 1978 et The Buddy Holly Story pour que le cinéma s’empare de cette mythologie sous la forme du « biopic ». Depuis, d’Elvis Presley à NWA, ces histoires réécrites ou réinventées, par les studios hollywoodiens ou les auteurs, sont légion. En voici dix, parmi les meilleures (et, non, l’absence de The Doors,d’Oliver Stone, n’est pas un oubli).
1) « I’m Not There » : Bob Dylan, par Todd Haynes (2007)
Le plus beau des films consacrés aux idoles du rock ne ressemble pas aux autres. Pour incarner Bob Dylan, artiste qui compte plus d’avatars qu’une divinité majeure du panthéon hindou, Todd Haynes a mobilisé six acteurs, dont Cate Blanchett. L’Australienne donne du Dylan rock des années 1960 une image électrique, pendant que Christian Bale, Richard Gere ou Ben Whishaw explorent, sous la houlette inspirée de Todd Haynes, les highways qu’a parcourues Dylan en un demi-siècle, les jalonnant de chefs-d’œuvre. La bande originale du film, organisée autour du groupe Calexico, reste l’une des plus belles qu’ait connue le cinéma rock.
2) « Elvis: The Movie » : Elvis Presley, par John Carpenter (1979)
La légende d’un éternel Elvis (on l’aurait vu dans un supermarché) n’était pas encore née que John Carpenter réalisait pour la télévision américaine cette biographie étonnamment brute, honnête. Kurt Russell (qui avait fait ses débuts au cinéma, encore enfant, aux côtés du King dans Blondes, brunes ou rousses), compose un Elvis dionysiaque, qui résiste de toutes ses forces aux puissances qui veulent l’entraîner vers la banalité. Carpenter montre un côté élégiaque qu’on ne lui connaît que rarement quand il évoque l’enfance misérable du chanteur. Le travail sur la bande-son (Rodney Crowell double Russell) est remarquable, contribuant à faire de ce long-métrage une cérémonie magique qui réaffirme la suzeraineté d’Elvis Presley.
3) « This Is Spinal Tap » : Spinal Tap, par Rob Reiner (1984)
Cette biographie imaginaire d’un groupe pop britannique devenu formation de hard rock a généré sa propre réalité. Spinal Tap, le quatuor inventé par Christopher Guest (l’acteur) et Rob Reiner, réalisateur, a joué dans les stades, enregistré des albums. Surtout, le film a fixé le canon d’un genre naissant. Après la sortie de This Is Spinal Tap,il est devenu impossible de filmer des musiciens parcourant les couloirs d’un stade pour jaillir sur scène, ou une fête d’après-concert, sans risquer le ridicule. Ceux qui ont enfreint ces règles (Oliver Stone, Bryan Singer…) ont déclenché des ricanements qui étaient l’écho des franches rigolades qui ont accueilli Spinal Tap à sa première apparition.
4) « Love & Mercy » : Brian Wilson, par Bill Pohlad (2014)
D’où vient la musique qui fait les stars ? Cette question, généralement éludée dans les biographies filmées, est au centre de Love & Mercy,diptyque dédié à Brian Wilson. Le compositeur, parolier, arrangeur, bassiste et chanteur des Beach Boys est d’abord incarné par Paul Dano qui est ensuite remplacé par John Cusack. C’est que quelque part entre la banlieue de Los Angeles où vivait la famille Wilson et les studios où il enregistrait chef-d’œuvre sur chef-d’œuvre, Brian Wilson a laissé sa raison. Avec beaucoup de délicatesse, le producteur Bill Pohlad et le scénariste Oren Moverman accompagnent le musicien, tentant au long de belles séquences d’enregistrement de saisir le moment où l’ineffable devient un instant de musique inoubliable.
5) « Straight Outta Compton » : NWA, par F. Gary Gray (2015)
Les inventeurs du gangsta rap méritaient sans doute plus que les autres le traitement hollywoodien. Après tout, South Central n’est qu’à quelques miles de Beverly Hills. L’émergence d’Ice Cube (interprété par son propre rejeton, O’Shea Jackson Jr), Dr Dre (Corey Hawkins) et Eazy E (Jason Mitchell) prend la forme d’une légende américaine, de la pauvreté à la richesse, de l’obscurité à la gloire. A cela près que les menaces qui pèsent sur nos héros ne sont pas celles qui entravaient Elvis Presley ou les héros de la contre-culture des années 1960. F. Gary Gray met en scène la pression policière, le racisme, la violence intérieure du ghetto. Sans lésiner sur les effets, il montre aussi comment cette vie violente nourrit la musique.
6) « Control » : Joy Division et Ian Curtis, par Anton Corbijn (2007)
L’un des premiers groupes que photographia le Néerlandais Anton Corbijn à son arrivée dans l’anarchique Royaume Uni, en 1979, fut un quatuor de Manchester, Joy Division. Pour devenir cinéaste, celui qui avait été le portraitiste des ultimes superstars du rock (U2, Depeche Mode) a puisé dans ce souvenir. Ressuscitant Ian Curtis, le chanteur, suicidé en 1980, évoquant l’atmosphère à la fois étouffante et exaltante du pays en ces premières années Thatcher, Corbijn a fait mieux que réussir un premier film. Il donne à un personnage au parcours météorique toute la place qu’il mérite, à la fois par sa singularité terrifiante et par son influence sur les musiques advenues après son extinction.
7) « Ray » : Ray Charles, par Taylor Hackford (2004)
Sans doute parce que Taylor Hackford est un vieux routier de la musique en images (une quantité impressionnante de vidéos, le film de concert Hail Hail Rock’n’roll, avec Chuck Berry), Ray reste le meilleur exemple de biographie classique consacrée à une figure majeure du rock’n’roll (et – surtout – du rhythm’n’blues). Jamie Foxx met toute son énergie à disparaître derrière la figure historique du Genius ; Hackford reconstitue minutieusement l’industrie musicale du début des années 1960, après avoir évoqué sur le mode du mélodrame l’enfance sudiste de l’artiste ; les pistes vocales de Ray Charles sont ornées d’arrangements contemporains qui reproduisent presque exactement les originaux. Sorti presque en même temps que Walk The Line,vie de Johnny Cash par James Mangold, Ray s’en distingue par ce souci de vérité musicale. Les deux films partagent une approche en apparence honnête mais au fond lénifiante des démons qui ont hanté la vie de leurs sujets.
8) « The Buddy Holly Story » : Buddy Holly, par Steve Rash (1978)
A la sortie (triomphale) de ce premier biopic rock, il s’était écoulé à peine vingt ans depuis la mort de Buddy Holly et nombre d’artistes, dont Linda Ronstadt, continuaient de faire grimper ses chansons en haut des hit-parades. Cette première tentative tenait compte des enjeux économiques (valoriser le catalogue musical, vendre des disques) : réalisé sous le contrôle de la veuve du musicien, le film de Steve Rash (le premier du cinéaste qui ne fit pas une grande carrière) s’en tient à une vision élémentaire mais vigoureuse de l’émergence du rock’n’roll dans une société ultra-conservatrice. Gary Busey, qui n’était pas encore la vedette éphémère qu’il fut, et encore moins le bouffon extravagant qu’il est devenu, joue lui-même de la Telecaster et chante, avec la gaucherie charmante qui était celle de Buddy Holly.
9) « Sid et Nancy » : Sid Vicious, par Alex Cox (1986)
Il y a de beaux documentaires sur le punk londonien des années 1970 (de Julien Temple, Lech Kowalski sur les Sex Pistols, ou le Rude Boy,de Jack Hazan et David Mingay sur les Clash) mais les stars de l’époque n’ont guère inspiré les cinéastes. A part Sid Vicious, bassiste des Pistols, amant et assassin de Nancy Spungen, mort d’une surdose d’héroïne en 1979. Alex Cox, jeune cinéaste, auréolé d’un premier succès (Repo Man),a cherché la voie entre le picaresque et le sordide, la démesure et le pathétique. Il l’a presque trouvée grâce à un acteur dont la gloire commençait à poindre. Aujourd’hui, Gary Oldman joue Churchill, et il faut voirSid et Nancy pour croire que ce comédien imposant fut imprévisible, choquant – une espèce de taser cinématographique. A ses côtés, Chloe Webb donne à Nancy Spungen, personnage ingrat s’il en fut, un peu d’humanité. Courtney Love fait une apparition dans un petit rôle.
10) « Backbeat » : les Beatles, par Ian Softley (1994)
Backbeat est loin d’être un chef-d’œuvre, mais ce récit des années de formation des Beatles, entre Liverpool et Hambourg, peut compter sur l’interprétation d’Ian Hart, impressionnant en jeune John Lennon (un exploit qu’Aaron Taylor-Johnson ne réussira pas à rééditer dans Nowhere Boy, qui raconte l’adolescence de Lennon) et sur une bande sonore qui tourne le dos à la reconstitution historique. Un supergroupe surgi de la scène grunge et assimilée (Dave Grohl, Greg Dulli, Thurston Moore, Mike Mills) interprète les standards du rock sur lesquels se font les dents les cinq de Liverpool (ne pas oublier Stu Sutcliffe, que joue Stephen Dorff) avec une rage réjouissante, qui dope les séquences musicales.
Cette sixième saison de House of Cards était écrite, le tournage avait commencé, lorsque, en octobre 2017, son acteur principal, Kevin Spacey, était accusé de harcèlement sexuel. Il était évincé de la série en novembre. Or, la saison précédente avait vu Frank Underwood (Kevin Spacey) démissionner du poste suprême des Etats-Unis – avant que des scandales ne l’entraînent vers la justice –, et l’abandonner à sa femme, Claire Underwood (Robin Wright), alors vice-présidente. Lançant un dernier regard au spectateur, celle-ci laissait entendre qu’elle ne gracierait pas son mari, laissant tomber face caméra : « My turn » (« C’est mon tour »).
Il n’apparaissait donc pas impossible de garder la série en vie en réécrivant cette saison 6 sans le personnage interprété par Kevin Spacey. Ce que Netflix prouva au travers de bandes-annonces laissant entendre que Francis Underwood était décédé, hors caméra, dans l’entre-deux des saisons 5 et 6. Voilà qui permettait donc d’attendre une flamboyante sixième et dernière saison de House of Cards – même réduite de treize à huit épisodes après réécriture. En effet, depuis que Frank Underwood avait accédé à la présidence des Etats-Unis, en fin de saison 2, la série présentait de moins en moins d’attrait.
« L’homme blanc d’âge moyen »
Les pouvoirs maléfiques du président ne faisaient plus mouche, les intrigues secondaires, trop alambiquées, s’enlisaient, tandis que l’ascension de sa femme, plus maline et subtile, laissait espérer un nouveau feu d’artifice. Mais Claire Underwood a beau asséner, cette saison-ci, que « le règne de l’homme blanc d’âge moyen est terminé »,tel un slogan valant pour sa présidence comme pour la série, l’on ne constate, dans les cinq épisodes mis à notre disposition, qu’un acte manqué.
Certes, Claire Underwood est devenue la première femme à diriger les Etats-Unis. Certes, il est plaisant de voirévoluer son entourage, des femmes d’âge moyen brillantes, et souvent malfaisantes, assumant leur pouvoir avec jouissance et magnifiquement interprétées. Mais faute de tabula rasa, le fantôme de Frank Underwood hante cette saison jusqu’à l’ennui. Qu’ils continuent d’enquêter sur les méfaits et crimes passés de l’ancien président, qu’ils tentent de préserver sa mémoire ou qu’ils manigancent pour tirer avantage d’accords passés avec lui, nombre de personnages, hommes blancs d’âge moyen, reviennent sans nécessité sur le devant de la scène, nous renvoyant ad nauseam à la présidence précédente. De même, des interrogations sur les circonstances de la mort de Frank Underwood réapparaissent régulièrement dans le scénario, alors que rien, dans la dramaturgie de la saison, ne permet au spectateur d’y porter le moindre intérêt.
Il est fort probable qu’avec ou sans Kevin Spacey, « House of Cards » n’aurait pas connu plusieurs saisons de plus
Il est fort probable qu’avec ou sans Kevin Spacey, House of Cards n’aurait pas connu plusieurs saisons de plus. Faute d’intrigues haletantes une fois le couple diabolique des Underwood parvenu au pouvoir, la série s’essoufflait depuis la saison 3. L’arrivée des scénaristes Frank Pugliese et Melissa James Gibson n’y a rien changé. La dernière image du cinquième épisode de cette saison-ci, pourtant, laisse augurer un tournant radical. Dommage que, comme souvent avec Netflix, la plus belle promesse d’une série ne se fasse jour qu’en milieu de saison.
House of Cards,saison 6 (EU, 2018, 8 × 52 min). www.netflix.com
Homecoming apparut d’abord, en 2016, sous la forme d’une fiction podcastée, une pièce de théâtre audio. Ses auteurs, Eli Horowitz et Micah Bloomberg, sont aussi les créateurs de sa version filmée, dont Amazon a commandé d’emblée deux saisons.
Le Homecoming Center, en Floride, sous l’égide du ministère de la défense, lance un programme destiné à de jeunes soldats tout juste de retour au pays. Ils y sont logés et pris en charge, notamment par Heidi Bergman (Julia Roberts, bizarrement emperruquée) qui, sa licence à peine obtenue, y mène ses premiers entretiens psychologiques. A elle d’évaluer les progrès de ces jeunes gens atteints de syndrome post-traumatique et d’en retirer des données exploitables.
A peine l’a-t-on vue engager une première séance qu’intervient un saut dans le futur, quatre ans plus tard, en 2022 : Heidi (différemment emperruquée) est maintenant serveuse dans un petit restaurant, vit chez sa mère, et répond ne pas se souvenir de l’époque où elle officiait pour le programme Homecoming, quand un inspecteur du ministère de la défense vient enquêter sur l’expérience qui y était menée. Ment-elle ou non ? Pourquoi une enquête sur ce centre ? Et pourquoi ce refus de tous d’évoquer ce programme ?
Langueur voire longueur
Pour son premier rôle principal dans une série, Julia Roberts a donc choisi un scénario qui lui permet d’interpréter quasiment deux personnages différents : la Heidi psy plutôt rayonnante de 2018, et celle de 2022, une femme perdue, peut-être amnésique, menant sa vie mécaniquement. L’actrice avait posé deux conditions : que le scénario soit entièrement écrit avant le tournage, et que la réalisation de l’ensemble de la série soit confiée à Sam Esmail, le créateur et réalisateur de Mr. Robot.
Malheureusement, toutes les recherches formelles de Sam Esmail et son équipe (changement de format de l’image selon les époques, angles de prises de vues induisant le malaise, ou, à la Hitchcock, l’angoisse, etc., sans oublier la musique) n’empêchent pas de regretter la langueur voire la longueur de Homecoming,qui aurait gagné en efficacité et en pertinence à s’en tenir à la durée d’un film.
Homecoming, série créée par Eli Horowitz et Micah Bloomberg. Avec Julia Roberts, Bobby Cannavale (EU, 2018, 10 × 30 min). www.amazon.com
Comprendre l’autre et soi-même. Telle est la démarche d’Hideto Iwaï, acteur, auteur et metteur en scène de Wareware no moromoro (nos histoires…), sa première pièce en français, née de travaux réalisés lors d’ateliers à Gennevilliers. « J’aime vraiment interroger les gens et je veux continuer à le faire. Je veux partager leurs peurs et leurs intérêts, et ainsi écrire sur une variété de sujets », explique le natif de Tokyo aujourd’hui âgé de 44 ans, dont les créations restent très inspirées de son vécu d’« hikikomori » [expérience d’enfermement volontaire et de désintérêt pour le monde extérieur] entre 16 et 20 ans.
« La raison pour laquelle je suis resté à la maison n’était pas un cas habituel de maltraitance, mais un cas extrême de xénophobie, une peur des gens », expliquait-il, en 2011, dans un entretien accordé à la Fondation du Japon. Confronté à la violence paternelle dans sa jeunesse, il est lui-même agressif. L’intérêt pour la scène naît pendant cette réclusion. Les heures passées à regarder la télévision, notamment des programmes de catch, d’arts martiaux et des matchs de football italiens, font surgir une envie de faire des films.
Le déclic
Il reprend ses études pour intégrer l’université et suit en parallèle des cours d’art dramatique dans un centre culturel local, où l’a inscrit sa mère, conseillère psychologique l’ayant aidé à trouver ce qui pouvait le « relier au monde extérieur ». « J’ai participé à une comédie musicale avec un groupe de femmes dans la quarantaine et la cinquantaine. » Le déclic. « Quand j’ai commencé à faire du théâtre, j’ai découvert que, pour la première fois, grâce à la fiction, je pouvais sortir et apprendre ce que les gens pensaient. »
Il crée en 2003 sa propre compagnie, dont il est longtemps l’unique membre, se contentant de réunir ponctuellement des équipes, toujours réduites. Son nom : Hi-bye, une déclinaison des expressions hai-hai, qui qualifie un bébé qui rampe, et de bye-bye, « au revoir », comme une métaphore du cycle de la naissance à la mort.
Sa première pièce, Hikky Cancun Tornado, parle d’un jeune reclus qui aspire à devenir lutteur professionnel. S’enchaînent ensuite les créations et les collaborations. Il s’inspire entre autres d’Oriza Hirata – l’initiateur du « shizuka na gekijo » (théâtre du silence) − dont il intègre en 2007 la compagnie, Seinendan, pour travailler la mise en scène. Wareware no moromoro est sa seconde pièce présentée en France, après Le Hikikomori sort de chez lui, jouée en mars 2018.
Elle n’a pas l’air, comme ça, Marion Siéfert, longue liane brune et gracieuse, tête bien faite et tête bien pleine, mais elle est gonflée. Ne pas trop se fier à sa douceur, son calme apparent. Quand elle était petite, dans son enfance traversée par le théâtre, elle s’est passionnée pour les sorcières. Vingt ans plus tard, à 31 ans, elle signe son deuxième spectacle, Le Grand Sommeil, qui plonge dans la face cachée de l’enfance, avec ses fantasmes, ses peurs, son anarchie, sa cruauté, son rapport au corps et même, oui, son obscénité.
« J’ai toujours voulu écrire, jouer, raconter des histoires, mais très vite, j’ai été heurtée par les rôles féminins dans le théâtre classique. » La jeune femme fait des études littéraires brillantes, découvre la littérature et la poésie allemandes, qui l’ont « beaucoup marquée », et part à Berlin, au tournant de l’année 2010. « Là, j’ai vu tout ce que l’on pouvait voir à l’époque, une autre vision du théâtre, beaucoup plus performative, avec des femmes fortes, qui prenaient la parole, comme celles du collectif She She Pop, l’actrice Sophie Rois ou la metteuse en scène Monika Gintersdorfer. »
Fantômette des années 2.0
Marion Siéfert va se former à l’Institut théâtral de Giessen, une école qui a peu à voir avec les conservatoires français. « Le travail y est très libre, très axé sur la création contemporaine, à la fois théorique et pratique. Là-bas, je n’ai plus été stigmatisée comme “intello”, et je n’ai plus eu besoin de cacher que j’avais fait de la philosophie, de la musicologie et de la littérature allemande. »
C’est à Giessen que Marion Siéfert crée son premier spectacle, un objet scénique déjà très culotté, qui s’appelle Deux ou trois choses que je sais de vous, tourne en France pendant la saison 2018-2019, et où, vêtue comme une sorte de Fantômette des années 2.0, elle joue, via Facebook, avec la vie privée de ses spectateurs. Pour Le Grand Sommeil, elle a travaillé, au fil de longues improvisations, avec sa cousine Jeanne, qui avait alors 11 ans, avec le désir de « libérer une énergie explosive et drôle ». Sur scène, Jeanne est incarnée par l’étonnante danseuse-performeuse Helena de Laurens. Et ce n’est pas triste.
Cette semaine, la rédaction du « Monde des livres » vous propose de vous plonger dans le Charlie Hebdo d’avant la barbarie du 7 janvier 2015, raconté par Luz, ou d’explorer le lien entre peine capitale et construction de l’Etat.
BD. « Indélébiles », de Luz
Il semble inconcevable d’écrire un livre sur Charlie Hebdo sans parler du 7 janvier 2015. Luz l’a fait, pourtant. Membre de la rédaction du magazine satirique pendant plus de vingt ans, le dessinateur échappa aux balles des frères Kouachi pour avoir été en retard à la conférence de rédaction. Dans Catharsis, sorti quatre mois après l’attentat (Futuropolis), il avait relaté son quotidien de miraculé, sans jamais verser dans le pathos, préférant user du seul levier en sa possession : l’humour.
Si l’on y rit autant, le propos est tout autre dans Indélébiles, puisqu’il s’agit de raconter l’aventure collective – et joyeusement foutraque – qui précéda la barbarie. Les belles années, en somme. Les copains, la déconnade à plein tube, le bonheur de dessiner.
En vingt-trois ans de Charlie – qu’il a quitté en mai 2015 – Luz a accumulé d’innombrables anecdotes, souvent rapportées ici avec autodérision. L’ancien « puceau tourangeau » monté à la capitale dans l’espoir de placer des dessins au Canard enchaîné s’amuse, et nous amuse, à ressusciter une rédaction vouée au traitement caustique de l’actualité, où se mêlent les anciens (Gébé, Cabu, Wolinski…) et les sales gosses, comme lui ou Charb.
Volontairement, Luz n’évoque pas les tensions et les engueulades au sein de la rédaction, pour se concentrer sur la question du dessin, sujet d’harmonie, auquel il attribue un rôle de personnage à part entière ; de vieux pote indéfectible, incarné par les taches ineffaçables d’encre de Chine qui maculent ses doigts, ou par ces bouts de gomme usée ayant appartenu aux confrères assassinés, conservés comme de précieuses reliques. Frédéric Potet
« Indélébiles », de Luz, Futuropolis, 320 p., 24 € (en librairie le 2 novembre).
HISTOIRE. « Condamner à mort au Moyen Age », de Claude Gauvard
Dans cet ouvrage longtemps attendu, Claude Gauvard invite à revoir nos préjugés, à commencer par la fréquence des exécutions capitales au Moyen Age, qui étaient rares : une tous les quatre ans à Lyon et, dans les cas extrêmes que sont la Normandie ou le Comtat Venaissin, une par an. A la peine capitale, le Moyen Age préfère une mort symbolique, le bannissement ou l’amende, voire la composition entre les parties, hors du tribunal.
Mais la force singulière de l’ouvrage réside avant tout dans le lien puissamment noué entre peine de mort et construction étatique en France. L’historienne identifie un basculement essentiel entre les XIIIe et XVe siècles : condamner à mort devient un « acte rendu pour réparer l’offense que le crime et le criminel ont faite au roi et à la chose publique » plus qu’à la victime. Elle n’est pas une vengeance. Et la repentance ouvre la voie vers la grâce royale.
Claude Gauvard répète ici sa conviction profonde : ce n’est pas par la force, mais par la miséricorde et le droit que l’Etat est né au Moyen Age. La peine de mort en est le parfait exemple : c’est par les lettres de rémission qu’il accorde aux condamnés à mort, et par la réglementation toujours plus savante des exécutions par le Parlement de Paris, que le roi assoit progressivement l’idée que la peine capitale est un monopole d’Etat. Marie Dejoux
« Condamner à mort au Moyen Age », de Claude Gauvard, PUF, 368 p., 24 €.
ROMAN. « Isidore et les autres », de Camille Bordas
Sur le plan scolaire, les cinq premiers enfants de la famille Mazal peuvent être considérés comme des surdoués. Ils remplissent des dossiers de candidature en classe prépa quand les enfants de leur âge sont encore au collège. Ils cherchent un nouveau sujet de thèse à peine leur premier doctorat obtenu. Sûrs de leur bon goût comme de leur intelligence, ils ne doutent pas un instant de leur capacité à réussir leur vie.
Aucune difficulté ne devrait leur résister, puisqu’ils ont toutes les clés pour comprendre le monde qui les entoure. Encore faudrait-il, bien sûr, qu’ils y prêtent attention. Le réel, on s’en doute, va se rappeler à eux avec brutalité.
C’est Isidore, le sixième enfant de la fratrie, 11 ans au début du roman, qui observe et essaie de comprendre les agissements des membres de sa famille. Contrairement à ses frères et sœurs, il n’a sauté aucune classe. Mais sa scolarité se déroule sans encombre. Un enfant normal, en somme. Ce qui suffit à le rendre différent. Et à justifier la spontanéité et la sensibilité dont il est le seul à faire preuve chez les Mazal. Sa parole bienveillante et futée dope le récit, en lui conférant énergie et naturel.
Ecrit en anglais par la française Camille Bordas, qui vit à Chicago (Illinois), et traduit par elle-même, Isidore et les autres crée une merveilleuse figure d’adolescent, tout en auscultant avec une généreuse lucidité la façon dont chacun des personnages – chacun de nous, aussi bien – organise le passage des livres à la vie, et inversement. Florence Bouchy
« Isidore et les autres », de Camille Bordas, Inculte, 414 p., 19,90 €.
PHILOSOPHIE. « Devant la beauté de la nature », d’Alexandre Lacroix
La nature, objet de tant de nos angoisses aujourd’hui, peut-elle demeurer une cause d’émerveillement ? La beauté s’offre autour de nous avec profusion, et nous vivons en somnambules. Tel est le point de départ de l’enquête philosophique qu’Alexandre Lacroix consacre à une question à la fois centrale et peu fréquentée : celle de la place qu’occupe dans nos vies la splendeur du monde.
Devant la beauté de la nature se présente comme une courbe tracée entre le saisissement intime face à la nature et la question métaphysique de notre place en elle. Courbe qui prend aussi la forme d’un voyage à travers les souvenirs de l’auteur. Progressivement, se construit une théorie en éclats, faite de bribes d’histoire des idées philosophiques et scientifiques reliées par l’interrogation continue de l’auteur sur sa propre expérience.
Une théorie ainsi dirigée autant vers la connaissance que vers une tentative de définition d’un bon usage de la nature. Non seulement, l’humanité met aujourd’hui la nature en danger, mais elle prend le risque de s’étioler en s’éloignant de cette « source » inépuisable, qui « surgit sans arrêt autour de nous ». Sa promenade savante à travers les idées et les sensations nous plonge dans ce flux à mesure qu’elle nous le fait connaître ; elle a la douceur un peu déchirante, et l’élan, de retrouvailles. Florent Georgesco
« Devant la beauté de la nature », d’Alexandre Lacroix, Allary, 444 p., 22,90 €.
Après l’annulation de la manifestation d’art contemporain de Marrakech, celle de Casablanca a connu une ouverture chaotique, faute de fonds.
Les biennales d’art contemporain fleurissent au Maroc, mais elles tiennent difficilement la distance. La cuvée 2018 de celle de Marrakech, qui devait se tenir en février, a ainsi été reportée sine die. Et c’est dans un chaos total que la quatrième édition de la Biennale de Casablanca a été inaugurée, le 26 octobre.
« Une minute de silence pour les artistes de la Biennale », a réclamé le jour du vernissage le performeur Mehryl Levisse, relayant le malaise de ses confrères. Arrivés quelques jours avant le coup d’envoi pour monter leurs projets, certains d’entre eux se sont retrouvés sans logement ni prise en charge de leurs frais de séjour. D’autres ont été contraints de revoir leurs ambitions artistiques à la baisse faute de matériel technique. Les troublantes photos de la Tunisienne Héla Ammar ont été imprimées et encadrées à la va-vite. Le Franco-Marocain Mehdi-Georges Lahlou a dû se résoudre à ne présenter qu’une vidéo de fin d’études… Quant au duo germano-marocain Katrin Ströbel-Mohammed Laouli, il a finalement décidé de se retirer de la manifestation.
Excédés par une situation « en contradiction avec les promesses faites », seize artistes avaient adressé le 23 octobre un courrier rageur aux organisateurs. « Alors que vous nous avez annoncé et [avez] officialisé un programme assez ambitieux au début, nous nous retrouvons aujourd’hui face à un projet sans aucune aide à la production », écrivent-ils. Et de conclure : « Lorsque le budget n’est pas garanti, il est préférable d’inviter moins d’artistes et d’exposer leurs œuvres dans des conditions décentes – ou alors de ne tout simplement pas faire de biennale. »
Retraits de sponsors
Un air de déjà-vu… Malgré la qualité des commissaires invités et le niveau globalement bon des propositions artistiques, les événements de Marrakech et de Casablanca ont été plombés par le dilettantisme de leurs organisateurs. Lancée en 2004 par la Britannique Vanessa Branson – sœur du patron de Virgin, Richard Branson – avec une modeste dotation d’environ 20 000 euros, la Biennale de Marrakech avait gagné en notoriété sans jamais atteindre la stabilité financière. Lasse de combler les pertes après plusieurs éditions déficitaires, la fondatrice, qui faisait dans le même temps fructifier son hôtel de luxe, le Riad El Fenn, avait passé la main en 2014 à l’architecte Amine Kabbaj. A charge pour lui de rendre la manifestation viable. En 2016, celle-ci affichait un budget de 1,3 million d’euros. Nonobstant son succès public (près de 100 000 visiteurs) et critique, elle s’est achevée sur un déficit de 300 000 euros. En cause, le retrait de quelques sponsors et des problèmes chroniques de gestion.
A Casablanca, le scénario est peu ou prou identique. Pour justifier les dysfonctionnements, Mostapha Romli, fondateur en 2012 de l’événement, se retranche derrière la perte, un mois avant le coup d’envoi de l’édition 2018, de son principal sponsor, l’agence d’événementiel Casablanca Events et Animation. Cette société de droit privé à capitaux publics devait apporter environ 80 000 euros, soit la moitié du budget total. Le contrat devait être conclu dans le courant du mois d’août, mais d’après la société, que nous avons contactée, rien n’avait été formalisé.
Autre point noir, dans les deux cas, l’absence d’appui public. La Biennale de Casablanca a bénéficié d’une aide de 18 000 euros du ministère de la culture, mais n’a pas perçu un dirham de la municipalité, pourtant régulièrement sollicitée. « A Marrakech,nous avions le patronage du roi mais pas d’argent public, confie de son côté Vanessa Branson. Tout reposait sur le secteur privé et le bénévolat. Nous arrivions par exemple à obtenir des chambres d’hôtel pour les invités, mais il était difficile de disposer de liquidités pour payer les salaires. »
Abdellah Karroum, fondateur du centre d’art L’Appartement 22, à Rabat, et commissaire en 2009 de la Biennale de Marrakech, va plus loin : « Le ministère de la culture est simplement absent et ne compte aucun expert dans ses équipes. Loin de toute logique d’intérêt commun, la Fondation nationale des musées [FNM] agit de manière totalement irresponsable et méprise les artistes et les experts locaux qui travaillent auprès des publics et des réseaux marocains, africains et internationaux. »
Rendez-vous porté par le pouvoir
Cette même fondation, directement liée au Palais, chapeaute la future Biennale de Rabat, avec une volonté que résume son président, Mehdi Qotbi : « avoir une Biennale qui marche avec un retentissement international ». Pour cela, la FNM promet de débloquer 420 000 euros. Le reste du budget sera alimenté par des partenaires privés, qui, pour plaire au roi, seront sans doute plus nombreux qu’à Marrakech ou Casablanca…
Ce nouveau rendez-vous porté par le pouvoir a fait appel pour orchestrer sa première édition, prévue en 2019, à l’Algérien Abdelkader Damani, directeur en France du Fonds régional d’art contemporain Centre-Val de Loire, à Orléans, et co-commissaire de la Biennale de Dakar en 2014. Pour se distinguer des autres manifestations de ce type, celui-ci a invité uniquement des artistes femmes, une cinquantaine au total, notamment la cinéaste marocaine Tala Hadid, l’artiste nigériane Marcia Kure et la chorégraphe marocaine Bouchra Ouizguen. « On ne veut pas transformer la femme en sujet, mais faire un transfert de parole », assure-t-il, saluant au passage celles qui « sont seules à tenir les équilibres et protéger de la folie des hommes ».
A Casablanca, une autre femme tente aussi de «tenir les équilibres». La directrice artistique de cette Biennale 2018, la très respectée historienne de l’art et critique franco-camerounaise Christine Eyene, a tenté avec flegme et bienveillance de réduire les dégâts. Et malgré un contexte peu propice, elle a déjà signé pour l’édition 2020, avec l’assurance de pouvoir choisir ses équipes. « Le Maroc a du potentiel, dit-elle, mais il faut engager les choses en amont et probablement chercher des fonds à l’étranger. »
Biennale internationale de Casablanca, « Récits des bords de l’eau », jusqu’au 2 décembre dans différents lieux de Casablanca, Maroc, www.biennalecasablanca.org