-Le chef de l’opposition congolaise a accusé la police d’avoir empêché la tenue d’un meeting à Lubumbashi, dans le sud-est de la République démocratique du Congo, en tirant des gaz lacrymogènes et des coup de feu en l’air, mais la police a démenti ces tirs.
La police a tenté de nous brutaliser. Ils ont lancé des gaz lacrymogènes à quelques centimètres de mon visage. Cela ne m’a pas ébranlé. Je suis déterminé à mener mon combat contre Joseph Kabila jusqu’au bout. Il partira c’est certain”, a déclaré à VOA Afrique Félix Tshisekedi, président du Rassemblement de l’opposition.
“La police nous a empêchés de quitter l’hôtel en barricadant la route. Nous avons décidé de nous rendre au lieu du meeting avec la population à pieds, ils ont dressé un cordon 500 mètres plus loin, tirant sur nous des gaz lacrymogènes et montrant leurs fusils”, a poursuivi Félix Tshisekedi.
”On n’a pas tiré sur lui. C’est faux. Il est avec moi, comment est-ce que j’ai pu tirer (des gaz lacrymogènes) sur lui”, a réagi auprès de l’AFP le général Paulin Kyungu, commandant de la police du Haut-Katanga, qui était en discussion avec M. Tshisekedi dans son hôtel.
Félix Tshisekedi, leader du Rassemblement, empêché de tenir un meeting à Lubumbashi, 24 octobre 2017. (VOA/Narval Mabila)
Félix Tshisekedi, leader du Rassemblement, empêché de tenir un meeting à Lubumbashi, 24 octobre 2017. (VOA/Narval Mabila)
Plusieurs dizaines de policiers anti-émeutes étaient positionnés aux abords de l’hôtel où est logé M. Tshisekedi, a rapporté dans la soirée le correspondant de VOA Afrique.
Lundi, plusieurs dizaines de militants d’opposition ont été dispersés à coups de gaz lacrymogènes alors qu’ils se rendaient à l’aéroport pour accueillir M. Tshisekedi.
La RDC traverse une crise politique profonde liée au maintien au pouvoir du président Joseph Kabila dont le mandat a expiré le 20 décembre 2016.
La Constitution ne lui permet pas de se représenter mais l’autorise à rester en fonction jusqu’à l’élection de son successeur.
Félix Tshisekedi a dernièrement qualifié de déclaration de “guerre au peuple congolais” l’annonce du président de la Commission chargée d’organiser des élections en RDC, Corneille Nangaa, selon lequel il n’y aurait pas d’élection pour la succession de M. Kabila avant 2019.
Depuis quelques semaines M. Tshisekedi appelle à une “transition sans Kabila” après le 31 décembre 2017, si la présidentielle n’est pas organisée avant cette échéance comme le prévoyait l’accord de la Saint-Sylvestre conclu par la majorité et l’opposition.
-Le leader de l’opposition en République démocratique du Congo a réagi à l’annonce de la possible tenue des élections en mai 2019 par la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Félix Tshisekedi a affirmé que le président Joseph Kabila et le président de la Commission électorale avaient “déclaré la guerre au peuple congolais”, en annonçant qu’il n’y aurait pas d’élection présidentielle avant 2019.
“Devant cette énième forfaiture, Joseph Kabila et son serviteur Corneille Nangaa ont déclaré la guerre au peuple congolais et se sont de ce fait disqualifiés”, a indiqué Félix Tshisekedi, à l’issue d’une réunion de l’opposition à Kinshasa.
Il faudra au moins 504 jours après la fin d’enrôlement pour arriver au jour de scrutin, selon le chef de la CENI, Corneille Nangaa.
” La CENI a besoin réellement de 621 jours mais après compression des jours, la CENI a besoin de 504 jours après la fin d’enrôlement pour arriver au jour de scrutin, ” soutient M. Nangaa dans un article posté sur le site internet de la CENI. Ce qui annoncerait une élection présidentielle, au mieux, début 2019.
Joint par VOA Afrique, le president de la CENI, Corneille Nangaa, refuse de s’exprimer sur le calendrier électoral qui devrait être publié sous peu. Il consulte toujours la société civile et les différents acteurs du processus ou encore la Cenco.
M.Nangaa estime que si les moyens financiers et techniques (notamment des avions gros porteurs) des partenaires sont mis en œuvre, ce délai de 504 peut être réduit.
Selon l’accord politique du 31 décembre, la CENI devrait convenir avec le Conseil de suivi de l’accord et le gouvernement pour convenir de la date des élections. Une tripartite est annoncée pour les prochains jours en vue d’évaluer le processus. Mais déjà, le gouvernement et la CENI ont annoncé qu’un calendrier “réaliste” pourra être publié.
Selon cet accord, les élections devraient se tenir avant fin 2017.
-Les deux figures de l’opposition congolaise, Félix Tshisekedi et Moïse Katumbi, ont demandé « une transition » sans le président Joseph Kabila pour préparer des élections en République démocratique du Congo.
Les deux opposants ont co-signé lundi un communiqué daté de New York où les Nations unies tiennent mardi une réunion sur la crise en RDC liée au maintien au pouvoir du président Kabila dont le second mandat a pris fin le 20 décembre 2016. La Constitution ne lui permet pas de briguer un nouveau mandat.
Dans leur communiqué, MM. Tshisekedi et Katumbi pointent la responsabilité de M. Kabila « dans le non-respect de la Constitution et de l’accord du 31 décembre 2016 » qui prévoyait des élections d’ici décembre 2017.
« Pour prévenir le vide juridique et le chaos dans la perspective de la non-tenue des élections le 31 décembre 2017 au plus tard, (nous) exigeons une transition sans M. Kabila, devenu illégal et illégitime », écrivent les deux leaders du Rassemblement de l’opposition.
Cette transition sera « conduite par des personnalités éminentes consensuelles chargées de préparer les élections démocratiques, libres, transparentes et paisibles qui ne sont pas possibles, ni avec M. Kabila ni avec la commission électorale (Céni) dans sa configuration actuelle », ajoutent-t-ils.
Les deux signataires rejettent d’avance « tout projet de référendum constitutionnel » qui modifierait la Constitution sur la question du nombre et de la durée du mandat du président de la République. Le communiqué a été signé aussi par des animateurs de la société civile et de mouvements citoyens.
-C’est un lourd héritage que le fils de l’opposant historique tente d’assumer. Désormais président du Rassemblement de l’opposition, Félix Tshisekedi a dû subir l’épreuve du feu. Non sans quelques accrocs.
En public, Félix Tshisekedi porte casquette et lunettes noires. Le couvre-chef est un hommage à son père, Étienne, le mythique opposant aux trente-sept années de lutte. Depuis son décès, le 1er février, Félix tente d’assumer, sur la scène politique, ce lourd héritage. C’est là qu’interviennent les lunettes noires. Tel un objet transitionnel, elles le rassurent, lui évitant de trahir ses émotions, et atténuent son trac quand il lui faut monter sur une estrade pour haranguer la foule.
L’épreuve du feu
Après des années dans l’ombre d’un père charismatique et autoritaire, Félix Tshisekedi s’est retrouvé sans préavis propulsé en pleine lumière. Malgré ses 53 ans, cet homme entier et impulsif n’était manifestement pas prêt à endosser un costume encore trop large pour lui. Il a néanmoins été élu à la présidence du Rassemblement de l’opposition.
L’héritier a dû suivre en quatre mois une formation accélérée sur les subtilités de la politique congolaise
En dépit des défections intervenues dans ses rangs, cette coalition regroupe encore deux grandes tendances : le G7 de Moïse Katumbi, l’ancien gouverneur du Katanga, et l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS), le parti emblématique cofondé par Étienne Tshisekedi.
Son enfance ne l’avait guère préparé à l’adversité. Né à Kinshasa le 13 juin 1963, trois ans après l’indépendance, Félix Antoine Tshilombo Tshisekedi a d’abord connu le confort dans lequel vit la nouvelle élite congolaise.
D’aussi loin que remontent ses souvenirs, son père était déjà ministre. Cette existence privilégiée bascule au début des années 1980, lorsque, avec douze autres parlementaires, Étienne Tshisekedi a l’audace de s’opposer publiquement à Mobutu, le tout-puissant président zaïrois. Deux ans plus tard, la création de l’UDPS met fin à quinze années de parti unique. La sanction tombe : Étienne Tshisekedi est assigné à résidence dans le village familial, dans le Kasaï (Centre). Félix doit l’y suivre, ce qui sonne le glas de ses études.
Un jeune homme aux gros bras
En 1985, Mobutu l’autorise, avec sa mère, Marthe, et ses frères, à quitter le Kasaï. Le jeune homme débarque à Bruxelles, où il deviendra un « vrai petit Belge ». L’imposant jeune homme enchaîne alors petits boulots et virées dans les bars. Il devient aussi un militant de l’UDPS aux gros bras et aux nerfs à vif. Un matin de 1993, à l’aube, Jean-Jacques Rodal – le gendre de Mobutu – en fait l’amère expérience : après avoir provoqué le fils de l’opposant et l’un de ses amis à la sortie du Mambo, une boîte de nuit de Matonge (le quartier populaire fréquenté par la diaspora congolaise), il se retrouve avec une jambe cassée.
Élu député, Félix doit pourtant renoncer aux bancs de l’Assemblée nationale sur ordre de son père, qui refuse de voir les siens cautionner des institutions qu’il juge « illégitimes »
Kongulu, alias Saddam Hussein, un fils de Mobutu réputé pour sa brutalité, se lance à leurs trousses pour une vendetta dans les rues de Bruxelles. Il finira par se venger sur « Titi », le frère cadet de Félix, qui passera un mauvais quart d’heure. « Ce ne sont que des histoires de jeunesse », balaie son aîné.
Ce n’est qu’en 2011, six ans après son retour à Kinshasa, que Félix Tshisekedi vit sa première véritable campagne électorale, lorsque son père arrive en deuxième position à la présidentielle, derrière Joseph Kabila – selon des résultats officiels dont la fiabilité est alors largement remise en question. Élu député, Félix doit pourtant renoncer aux bancs de l’Assemblée nationale sur ordre de son père, qui refuse de voir les siens cautionner des institutions qu’il juge « illégitimes ».
Le baroud d’honneur
À cette époque, l’UDPS souffre d’une hémorragie de cadres. Certains, contournant le boycott édicté par leur leader, sont devenus députés. D’autres, qui reprochent à la famille Tshisekedi de vouloir isoler le « Vieux », ont été écartés. Nommé secrétaire national adjoint aux relations extérieures du parti, Félix devient progressivement un intermédiaire clé. En 2015, il rencontre les émissaires de Joseph Kabila, qui cherche alors à mettre fin au contentieux portant sur les résultats du scrutin en formant un gouvernement d’union nationale. Mais le véritable tournant de son parcours fait suite à sa rencontre avec Moïse Katumbi, le richissime ex-gouverneur du Katanga, qui vient de rejoindre l’opposition.
Entre Katumbi et les Tshisekedi, le rapprochement n’a rien de naturel. L’UDPS est largement constituée de Kasaïens, lesquels ont été visés, dans les années 1990, par une campagne d’épuration au Katanga, sous la férule de Gabriel Kyungu wa Kumwanza, un proche de Katumbi. Mais l’ex-gouverneur cherche une alliance qui lui permettrait d’étendre son ancrage au-delà de son bastion katangais. Avec Félix, le courant passe. Le Rassemblement de l’opposition, une large coalition, voit le jour en Belgique en juin 2016. À 84 ans, Étienne Tshisekedi est propulsé à sa tête pour un baroud d’honneur. Le « Sphinx de Limete » est visiblement affaibli, mais se refuse encore à désigner un successeur. Félix doit donc se contenter du titre de secrétaire général adjoint de l’UDPS, qui est le sien aujourd’hui encore.
La lettre d’Étienne Tshisekedi
En décembre 2016, un événement prévisible va toutefois contraindre le « Vieux » à changer d’optique. L’ultime mandat présidentiel de Joseph Kabila vient d’expirer sans qu’aucune élection ait été organisée pour lui trouver un successeur. À Kinshasa, l’opposition tente d’investir la rue, tandis que les pays occidentaux intensifient leurs pressions. À la veille du jour de l’An, après plusieurs semaines de négociations, un accord est trouvé entre le camp Kabila et le Rassemblement : l’opposition entérine le maintien au pouvoir temporaire du président et obtient, en échange, de choisir le futur Premier ministre. Du moins le croit-elle.
Désigne-t-elle Félix Tshisekedi, comme cela a été dit ? Impossible d’en être certain : la missive n’a jamais été ouverte. Le chef de l’État, qui entend conserver la maîtrise du choix de son Premier ministre, refuse qu’on la lui remette. La lettre revient donc entre les mains de Félix, qui la conserve depuis, telle une relique, et assure ne l’avoir jamais ouverte. Craint-il de ne pas y découvrir son nom ?
Le 1er février, lorsque le patriarche s’éteint à Bruxelles, où il était venu recevoir des soins, le bras de fer concernant la nomination du Premier ministre est toujours en cours. Commencent alors les négociations tragi-comiques autour des funérailles – auxquelles des centaines de milliers de Kinois sont attendus. L’UDPS veut faire de la nomination de Félix à la primature un préalable au rapatriement du corps. Et l’affaire se complique encore lorsque Moïse Katumbi, la bête noire du pouvoir – condamné par contumace à trois ans de prison dans une nébuleuse affaire immobilière –, annonce son intention de rentrer au pays avec le corps.
Ces marchandages sont un désastre pour l’image de l’opposition. « À Kinshasa, nos militants ont catégoriquement refusé que les funérailles soient présidées par le gouvernement, explique Félix. Ils sont allés jusqu’à caillasser le portail de ma maison ! Je ne pouvais pas prendre le risque de débordements. »
Un objectif commun avec Moïse Katumbi
Le 7 avril, Joseph Kabila finit par nommer Bruno Tshibala, un ancien proche d’Étienne Tshisekedi, au poste de Premier ministre. C’est un crève-cœur pour Félix, qui supporte mal les « trahisons » de l’entourage de son père : les anciens du premier cercle se sont largement détournés de lui, à l’exception du fidèle Gilbert Kankonde, qui avait été son assistant.
Moïse Katumbi et Félix partagent en effet un objectif commun : forcer Joseph Kabila à organiser enfin l’élection présidentielle
La nomination de Tshibala ne règle pas pour autant la question des obsèques. Marthe, sa veuve, refuse qu’Étienne Tshisekedi soit enterré dans le Kasaï, souhaitant conserver un accès facile à la tombe. Quant à Félix, il se met en retrait des tractations. C’est donc son oncle, Mgr Gérard Mulumba – frère du défunt –, qui négociera avec le nouveau Premier ministre. « Félix a mal géré ce dossier, estime Albert Moleka, l’ancien directeur de cabinet d’Étienne Tshisekedi. S’il avait accepté sans condition le retour du corps, cela aurait permis un grand rassemblement de tous les partisans de l’UDPS et entériné son statut de successeur. Au lieu de cela, il a privilégié son alliance avec Katumbi… »
De fait, certaines décisions de Félix Tshisekedi ne peuvent se comprendre si l’on ne tient pas compte de sa proximité avec Moïse Katumbi. Chaque décision est discutée entre eux au préalable, et il est arrivé à Moïse d’aider financièrement Félix. Les deux hommes partagent en effet un objectif commun : forcer Joseph Kabila à organiser enfin l’élection présidentielle. Et ils sont persuadés que ce n’est qu’en s’associant qu’ils y parviendront. Alors qu’il vient de perdre son père, Félix pense en outre avoir trouvé en Moïse un « véritable ami ». Que ce soit par manque de confiance en lui ou par lucidité, il ne s’imagine pas encore avoir la stature d’un chef de l’opposition. « C’est Moïse Katumbi l’ennemi numéro un du régime », reconnaît-il.
Leur tandem offre à Félix un certain confort. Au début de mars, un statut de président du Rassemblement a été créé sur mesure. Mais les cadres historiques de l’UDPS, déboussolés par ce rapprochement, pourraient se braquer et protester contre « l’emprise » qu’exerce Katumbi sur leur parti. « C’est de la propagande, riposte Félix. Seuls les traîtres, qui cherchent à se dédouaner de leur ralliement au régime, prétendent cela. »
Un autre couac a récemment fait jaser le Tout-Kinshasa. Le 9 avril, après avoir appelé à une manifestation – forcément risquée – contre le pouvoir, Félix Tshisekedi quitte discrètement le pays. Lâchés par leur meneur, les militants restent chez eux. « Je devais rencontrer un président en Afrique, se justifie l’intéressé. Un peu naïvement, je n’imaginais pas que le régime se saisirait de ce prétexte pour lancer une campagne de dénigrement contre moi. L’accueil spontané que j’ai reçu à mon retour, le 17 avril, m’a d’autant plus ému. Le peuple a besoin de quelqu’un pour incarner l’opposition. »
Appel à la communauté internationale
Félix a encore une carte à jouer s’il réussit à canaliser la frustration populaire. Il porte un nom mythique et reste l’un des rares opposants en liberté à n’avoir jamais pactisé avec le pouvoir. Mais l’anecdote révèle surtout qu’il donne la priorité à la diplomatie. « Les Kinois risquent leur peau à chaque manifestation : on ne doit pas exiger d’eux qu’ils aillent opposer leur torse nu aux canons, assure-t-il. C’est aujourd’hui à la communauté internationale de faire pression pour que Kabila quitte le pouvoir. Il s’agit d’un devoir humanitaire. »
C’est aujourd’hui à la communauté internationale de faire pression pour que Kabila quitte le pouvoir. Il s’agit d’un devoir humanitaire
Pour porter ce message, Félix voyage sans relâche. Ces derniers mois, il a rencontré plusieurs chefs d’État africains : le président congolais Denis Sassou Nguesso ; le président en exercice de l’Union africaine et chef de l’État guinéen, Alpha Condé ; le Sud-Africain Jacob Zuma ; ou encore le Malien Ibrahim Boubacar Keïta. À Abidjan, Alassane Ouattara s’est fait excuser, mais Félix a pu s’entretenir avec son influent ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, ainsi qu’avec le président de l’Assemblée nationale, Guillaume Soro. En revanche, il a dû renoncer à plaider sa cause aux États-Unis, où il est interdit de séjour pour une raison qu’il affirme ignorer.
En Europe, où les Tshisekedi ont rarement été en odeur de sainteté, il a tout de même été reçu par deux ministres des Affaires étrangères : le Belge Didier Reynders et le Français Jean-Marc Ayrault, qu’il a rencontré peu avant que celui-ci quitte le Quai d’Orsay. Et au soir de la victoire du candidat d’En marche ! à la présidentielle française, le 7 mai, il s’est rendu au QG de campagne d’Emmanuel Macron pour essayer de nouer des contacts avec ses proches. Se forgera-t-il ainsi la stature qui lui fait encore défaut ? Lui-même dit avoir gagné en maturité depuis le décès de son père.
-La principale plateforme d’opposition s’est dotée d’une nouvelle direction bicéphale. Félix Tshisekedi a été désigné président du Rassemblement et Pierre Lumbi, un proche de Moïse Katumbi, à la tête du Conseil des sages. Une nomination qui ne fait pas l’unanimité mais qui valide la nouvelle recomposition d’une opposition en quête de leadership.
Un peu plus d’un mois après le décès de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, le Rassemblement de l’opposition a désigné une direction à deux tête composée de Félix Tshisekedi, le fils du leader emblématique, qui prend la présidence de la plateforme et de Pierre Lumbi, membre du G7, l’une des composantes phares du Rassemblement. Dauphin naturel d’Etienne Tshisekedi, la nomination de Félix Tshisekedi n’est pas une surprise. Seule l’arrivée de Pierre Lumbi à la co-gestion du mouvement constitue la nouveauté de ce Rassemblement « recomposé ». Une double direction qui s’explique par les aspirations politiques de Félix Tshisekedi qui brigue le poste de Premier ministre après l’accord politique signé avec le pouvoir le 31 décembre dernier. Le président du Conseil des sages devenant, selon l’accord, le futur président du Conseil national de suivi de l’accord (CNSA), Félix Tshisekedi ne pouvait cumuler ces deux fonctions. Et c’est un proche de Moïse Katumbi, via le G7, Pierre Lumbi qui occupera la présidence du Conseil des sages. Là encore un choix logique puisque l’ancien gouverneur du Katanga partageait la création du Rassemblement avec Etienne Tshisekedi.
La nomination de Lumbi fait débat
La commande à deux volants de la principale plateforme d’opposition n’a pas fait que des heureux. Les autres partis liges du Rassemblement, souvent plus modestes que l’UDPS de Tshisekedi et moins fortunés que Moïse Katumbi, n’avaient d’autres choix que de valider Félix Tshisekedi et Pierre Lumbi à la tête du mouvement. Si Martin Fayulu (Ecidé) est vite rentré dans le rang, Joseph Olenghankoy (Fonus) et Bruno Tshibala (UDPS) ont rapidement contesté la nouvelle direction, « qui n‘était pas issu d’un vote de l’ensemble du Conseil des sages ». La personnalité de Pierre Lumbi passe également très mal auprès de certains membres du Rassemblement. Certes, le patron du MSR a joué un rôle fédérateur important au sein du Rassemblement et son activisme dans l’organisation de la marche des chrétiens contre Mobutu en 1992 est encore très présent, mais son récent poste de conseiller à la sécurité auprès du président Joseph Kabila fait tousser auprès de nombreux opposants, victimes d’une répression politique féroce.
Rendre l’accord du 31 décembre obsolète ?
Mais la fronde aura rapidement fait long feu et le risque d’éclatement du Rassemblement a fait rentrer dans « le droit chemin » les principales composantes du Rassemblement. Car en coulisse, la majorité présidentielle ne rate pas une occasion pour tenter de déstabiliser une opposition déjà très fragmentée. Avec, à la clé de cette division souhaitée par le camp Kabila : l’éclatement du Rassemblement et la remise en cause de l’accord du 31 décembre signé par ce même Rassemblement et le pouvoir. Un accord obsolète qui permettrait à la majorité de retarder une nouvelle fois les élections, voire d’en appeler à l’organisation d’un référendum, et pourquoi pas… à une modification de la Constitution pour permettre à Joseph Kabila de briguer un nouveau mandat. La majorité peut compter sur Raphaël Katebe Katoto pour semer la discorde au sein du Rassemblement. Le propre frère de Moïse Katumbi, co-fondateur du Rassemblement aujourd’hui exclu, se verrait bien à la tête de la Primature, poste pourtant réservé à Félix Tshisekedi. En briguant la tête du nouveau gouvernement, Katebe Katoto permet à Joseph Kabila de s’offrir la possibilité de choisir son futur Premier ministre en dehors du seul nom de Félix Tshisekedi (qu’il ne souhaite pas voir à la Primature) pourtant choisi par le Rassemblement.
Félix sur tous les fronts
Par cette nomination à la tête du Rassemblement, Félix Tshisekedi réussi donc, pour l’instant, à s’imposer comme le digne successeur de son père. Il devra pour cela garder également le contrôle de l’UDPS, le parti qu’a créé et présidé Etienne Tshisekedi pendant plus de 30 ans. Pour l’heure, tout le monde joue le jeu au sein du parti, tenu par son secrétaire général Jean-Marc Kabund. Mais l’UDPS doit rapidement tenir un congrès pour valider la gestion du parti après la disparition du « Sphinx de Limete »… l’occasion pour les multiples chapelles de se voir entendre. Là encore, Félix Tshisekedi devra faire preuve d’une certaine habilité politique pour conserver l’unité du parti. Passage obligé si il souhaite poursuivre son dessein politique.
Katumbi reste à la manoeuvre
Mais le gagnant de cette refonte du Rassemblement est sans doute Moïse Katumbi. En exil judiciaire depuis sa condamnation à 3 ans de prison pour une mystérieuse affaire de spoliation immobilière, opportunément mise au jour après sa candidature à la présidence de la république, l’homme d’affaire reprend de l’influence au sein de la plateforme, via Pierre Lumbi, dont le G7 soutient ouvertement sa candidature. Auparavant, c’était l’intransigeant et imprévisible Etienne Tshisekedi qui tenait les rênes du Rassemblement… aujourd’hui, il sera sans doute plus facile pour Moïse Katumbi d’en co-piloter la direction. Une tâche facilité par son frère, Katebe Katoto, qui s’est auto-exclu du mouvement en voulant tenter l’aventure personnelle de la Primature.
Vers un statu quo politique de longue durée
Actuellement aux Etats-unis pour activer ses soutiens américains et voir comme la nouvelle équipe Trump traitera le dossier congolais, Moïse Katumbi espère bien rentrer rapidement au pays pour pouvoir peser de nouveau sur la scène politique… et ne pas trop laisser le champ libre à Félix Tshisekedi, qui, Primature ou pas, lorgne également sur la prochaine présidentielle. L’ancien gouverneur du Katanga avait annoncé, à la mort d’Etienne Tshisekedi, vouloir revenir à Kinshasa avec la dépouille de l’opposant historique. Mais plusieurs semaines ont passé et aucune assurance de Kinshasa n’est venu rassurer l’homme d’affaire sur sa probable arrestation à sa descente d’avion en cas de retour non négocié. La famille Tshisekedi, qui annonce le retour du « Vieux » pour le 11 mars (date encore très hypothétique) n’a jamais confirmé, ni infirmé la présence de Moïse Katumbi dans le dernier voyage d’Etienne Tshisekedi. L’incertitude plane encore sur le sort du patron du TP Mazembe qui reste hors jeu tant qu’il ne sera pas revenu en RDC. Une option qui en arrange plus d’un, dans la majorité, mais aussi dans l’opposition. Mais face aux multiples blocages politiques dans l’application de l’accord du 31 décembre et aux vives tensions dans les provinces, les autorités congolaises ne semblent pas encore très pressées d’organiser les funérailles nationales de Tshisekedi qui pourraient rapidement se transformer en meeting anti-Kabila. Le statu quo politique risque donc de durer un certain temps à Kinshasa.
-Le Rassemblement des forces acquises au changement, plate-forme réunie autour de l’opposant historique Etienne Tshisekedi, a déposé auprès de la Cenco (Conférence épiscopale nationale des évêques du Congo) sa proposition sur la mise en application de l’accord du 31 décembre.
Félix Tshisekedi, fils du leader de la principale coalition d’opposition, est proposé pour être le Premier ministre, selon le document du Rassemblement.
“Nous venons de proposer l’honorable Félix Tshisekedi Tshilombo… La tendance générale et essentielle s’est dégagée autour de lui au sein du Rassemblement “, a déclaré sur VOA Afrique Lisanga Bonganga un des sages de la coalition.
Félix Tshisekedi se retrouvera donc en train de gérer la transition et son père en sera le contrôleur, si la proposition passe au niveau des concertations que les prélats médiateurs mènent présentement.
Car au terme de l’accord signé le 31 décembre en vue de résoudre la crise née de la non-tenue des élections, Etienne Tshisekedi a déjà été désigné comme président du Conseil de suivi de la transition, organe chargé de veiller au respect des closes jusqu’aux élections prévues pour décembre 2017.
Le président Joseph Kabila, lui, restera à son poste.
La majorité présidentielle ne s’est pas encore prononcée sur la désignation de Félix Tshisekedi mais a simplement déposé sa proposition des critères pour ce poste. Selon elle, le candidat Premier devrait être “diplomate, patriote et crédible ; compétent, d’une forte personnalité et rassembleur ; avoir une connaissance de grandes questions liées aux dossiers importants du pays et avoir une expertise de gestion suffisante des affaires publiques ou équivalents, et intègre, de probité morale approuvée”, indique le document remis que la majorité présidentielle a remis aux évêques.
Pour le Front pour le respect de la transition, une autre coalition majeure de l’opposition, dont le Mouvement pour la libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba est le parti-phare, un sérieux problème d’éthique se pose dans la désignation faite par le Rassemblement.
“On ne peut être juge et parti en même temps. Comment peut-on avoir un fils qui gère la transition et son père qui le contrôle”, se plaint Mme Eve Bazaiba, chef de file du Front.
Pour sa part, le Rassemblement justifie le choix de Félix Tshisekedi par le fait qu’il remplit les critères posés même par la majorité.
“Et le choix d’Etienne Tshisekdi à la tête du Conseil de suivi de la transition a été sans conteste car tout le monde reconnait le rôle que celui-ci a joué dans la lutte pour la démocratie dans ce pays”, a argué M. Lisanga.
Selon lui, “la question que pose le Front sera résolue car, dans la charpente proposée par le Rassemblement, il est prévu qu’Etienne soit entouré de trois vice-présidents qui pourraient bien être Eve Bazaiba du Front, Vital Kamerhe chef de file de l’opposition signataire du compromis politique obtenu sous la facilitation d’Edem Kodjo ainsi que le candidat de la majorité”.
Le Rassemblement a quasiment proposé une structure similaire, consensuelle, pour gouvernement aussi.
Pendant ce temps, le Premier ministre en place Samy Badibanga, nommé pendant que le pays était sous tension, à quelques heures de la fin du dernier mandat, reste ferme dans sa position, refusant de signer l’accord conclu sous la médiation de la Cenco.
“L’accord du 31 décembre semble être conçu pour l’exclusive satisfaction de la composante Rassemblement dans la gestion des Institutions remaniées ou créées à l’issue de ces dialogues”, a-t-il écrit dans une lettre adressée à la médiation.
La Cenco a, quant à elle, annoncé que les travaux sur l’arrangement particulier de la mise en œuvre de l’accord reprennent mercredi. Elle estime parvenir assez rapidement à un consensus car même le Front a déposé sa proposition.