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Par Yves-Marie Labé (Le Monde )
-Après plus de trois ans de procédure, l’interdiction en Belgique de Tintin au Congo franchira-t-elle une étape décisive, lundi 13 décembre, au tribunal de première instance de Bruxelles ?
Bienvenu Mbutu Mondodo, 42 ans, Congolais mais résidant en Belgique depuis plus de vingt ans, comptable de profession, est décidé à obtenir la condamnation pour racisme de l’album d’Hergé, via l’insertion d’un bandeau explicatif et d’un texte “contextualisant le sujet dans l’époque”, faute de quoi il exige “l’interdiction pure et simple” de sa vente en Belgique. C’est en apprenant, en 2007, la décision prise en Grande-Bretagne d’accompagner la version anglaise de Tintin au Congo d’un bandeau et d’un encart remettant cette BD dans le contexte du paternalisme colonial belge des années 1930, ainsi que la vente interdite aux moins de 18 ans décidée par une chaîne de grands magasins britanniques, que M. Mbutu Mondodo a porté plainte, à l’été 2007, devant les tribunaux du royaume.
“J’ai d’abord téléphoné à Moulinsart (la Fondation Moulinsart SA, qui gère les produits dérivés de l’oeuvre d’Hergé), après la décision britannique. On m’a répondu que cela ne me regardait pas et on m’a raccroché au nez. La société n’a pas voulu parler à quelqu’un d’ordinaire. J’ai été vexé qu’on ne prenne pas en compte la remarque d’un simple citoyen, j’ai alors saisi la justice”, raconte M. Mbutu Mondodo. “Au regard de la loi belge de 1981, cette BD est clairement raciste”, poursuit-il. “J’ai l’intention de faire venir devant les tribunaux plusieurs témoins, dont des historiens et des représentants de l’Eglise, afin de prouver que cette BD a été commandée à Hergé par l’Eglise belge, désireuse d’attirer des colons et des vocations de missionnaires.”
“OUI À LA PÉDAGOGIE”
Le tribunal de première instance de Bruxelles doit statuer sur plusieurs questions : sa compétence dans ce dossier (ou dans le cas contraire, son transfert au tribunal de commerce) et la production des contrats liant l’éditeur traditionnel de Tintin, Casterman, et la Fondation Moulinsart SA. Les deux sociétés s’y opposent, arguant du secret des affaires. Bienvenu Mbutu Mondodo estime “essentiel” l’examen de ces liens.
De leur côté, Casterman et Moulinsart SA plaident le contexte de l’époque de parution de la BD (en 1930-1931 dans les pages du journal Le Petit XXe) et l’aspect “hyper-politiquement correct” de la plainte.
Bienvenu Mbutu Mondodo était par ailleurs l’un des invités vedettes du premier Salon des auteurs africains de bande dessinée, qui a eu lieu du 3 au 5 décembre à la mairie du Ve arrondissement, à Paris. Le Salon, qui a réuni une trentaine d’auteurs venus du Gabon, du Cameroun, du Bénin, du Tchad, de République démocratique du Congo, etc., a programmé plusieurs conférences-débats dont l’une était consacrée au thème “Colonisation et décolonisation dans la BD”, et à laquelle participait Bienvenu Mbutu Mondodo. Ce dernier a réitéré les raisons de sa plainte contre Tintin au Congo, réfutant au passage “toute quête de notoriété” et “les rumeurs selon lesquelles (il) ne paierai(t) pas ses avocats”.
A ses côtés, Patrick Lozès, président du Conseil représentatif des associations noires (CRAN), qui soutient M. Mbutu Mondodo dans sa plainte. Plus conciliant, il “préfère la solution des bandeau et texte explicatifs à une interdiction : non à la censure, oui à la pédagogie”. Quant aux auteurs de BD africains présents au débat, ils étaient peu sensibles à la plainte de M. Mbutu Mondodo. “Interdisez Tintin au Congo en RDC mais pas au Gabon, je dessine d’ailleurs les Noirs comme Hergé !”, a lancé en riant l’auteur de BD et caricaturiste gabonais Pahé. Pour Willy Zekid, du Congo-Brazzaville, qui collabore au journal satirique ivoirien Gbich, “il y a d’autres combats plus importants que cette interdiction, qui n’est pas mon combat. Il revient aux Africains de créer des BD qui montrent l’Afrique telle qu’elle est. Il y a aussi la lutte pour la liberté de la presse”.
Yves-Marie Labé
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