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En tant que conseil à la Cour pénale internationale (CPI), mon rôle est de représenter mes clients, mais aussi de pointer les manquements de la Cour ainsi que ses excès. Pour noble que soit sa mission, elle n’est pas à la hauteur des espoirs placés en elle. Nous devons y remédier, d’abord en nous montrant juste et constructif dans la critique.
Être juste envers la CPI commence par refuser qu’elle soit jugée pour ce qu’elle n’est pas. Non, ce n’est pas une cour mondiale des droits de l’homme telle que l’avait rêvée René Cassin en 1948 pour veiller au respect de la Déclaration universelle des droits de l’homme, compétente pour la conciliation et les recommandations, et, en cas d’échec, dotée d’une vocation contentieuse. Après la purification ethnique en ex-Yougoslavie et le génocide du Rwanda, tous deux suivis de la création d’un Tribunal pénal international ad hoc par l’ONU, l’idée d’une juridiction permanente compétente pour de tels crimes avait fait un retour en force. Mais ce n’est pas ce qu’est la CPI.
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N’intervenant que pour les crimes les plus graves, elle ne peut statuer que lorsque aucune justice nationale ne peut ou ne veut juger sérieusement un cas donné. La subsidiarité amenant la Cour à n’intervenir que si l’État-nation est défaillant ne saurait donc être le signe de son échec. La CPI n’est pas une cour supranationale. Elle est là pour juger, mais aussi pour rappeler aux États qu’ils sont les premiers à devoir juger les crimes relevant de son mandat, ce qu’ils font encore trop peu souvent. L’opinion publique, qui aurait le pouvoir de les y amener, ne se mobilise pas suffisamment.
Il faut aussi rappeler que la CPI est indispensable pour juger le terrorisme, crime devenu transnational par excellence. Tant que les tribunaux de certains pays se disqualifient de par les compromissions de leurs gouvernants en la matière, une juridiction internationale devient le dernier espoir. Un exemple : bien que les terroristes détenus en zone de non-droit soient fondés à recevoir un procès équitable dans leurs pays, en France ou ailleurs en Europe, les rapatrier ne paraîtrait pas politiquement correct à l’opinion publique.
Faille démocratique
La preuve est faite : en droit international pénal, la CPI n’est pas une fin, elle est un moyen, le but véritable étant que les principes de droit qu’elle incarne soient adoptés par tous les systèmes judiciaires nationaux. Reste que son fonctionnement interne lui-même soulève des questions. Son procureur est choisi, comme les juges, par les membres de l’Assemblée des États parties.
On a pris la mauvaise habitude de donner à la CPI un procureur qui ne relève pas d’un choix démocratique
Cependant, lors du premier vote, une erreur grave a été commise : la Commission préparatoire a recommandé, pour que l’élu à ce poste sensible soit incontesté, que les États membres procèdent, par consensus de préférence, à un scrutin concurrentiel. On a ainsi pris la mauvaise habitude de donner à la CPI un procureur qui ne relève pas d’un choix démocratique et ne souffre pas de contestation de cet ordre. Tant que ce sera le cas, la Cour ne sera pas pleinement crédible en tant qu’exemple de la justice.
Risques de corruption
Autre écueil : puisque la CPI n’est pas un organe de l’ONU, elle doit assurer son propre financement, lequel repose principalement sur les cotisations des membres de son Assemblée des États parties. Néanmoins, ceux-ci n’ont guère de scrupules à réduire, voire retenir, leur contribution, parfois à des fins de chantage, tout en s’obstinant en déclarations favorables et en appels à une CPI plus ferme. Des modes de financement indépendants doivent donc être mis en place.
La conduite du personnel doit aussi être plus strictement contrôlée face aux risques de corruption. Suite à un scandale de transactions privées douteuses, la Cour a d’ailleurs mis en place, en 2015, un « système de transparence financière » qui contraint ses dirigeants à déclarer tous les ans leur patrimoine.
La meilleure réponse aux critiques se trouvera toujours dans les actes, et plus la CPI sera crédible en interne, mieux ses jugements seront acceptés et son exemple, suivi. Les destinées des États eux-mêmes dépendent parfois de ses décisions. L’acquittement de Jean-Pierre Bemba et celui, probablement imminent, de Laurent Gbagbo en sont la meilleure illustration.