Warning: Trying to access array offset on value of type bool in /home/lavdcne1/public_html/wp-content/plugins/sitespeaker-widget/sitespeaker.php on line 13
Par Professeur DIDIER GONDOLA ( Le Potentiel)
-Depuis que le parlement congolais a voté, par une écrasante majorité, l’amendement constitutionnel qui dorénavant limite le scrutin présidentiel à un seul tour, la victoire semble acquise pour le président sortant. Devant une opposition désemparée, un Parlement godillot, une rue muette et une communauté internationale complice par son silence, la voie semble tracée pour la victoire de Joseph Kabila en novembre. De nouveaux amendements constitutionnels sont déjà en gestation pour pérenniser un pouvoir qui a précipité le Congo dans les affres du chaos. Le Congo, moribond, est désormais sous perfusion ou, pour reprendre une image que m’a confiée un jeune Kinois, le pays est sur quatre pierres, comme ces épaves défoncées et rouillées que l’on voit traîner dans nos rues et dans nos parcelles. Personne ne se souvient quand elles ont circulé et ses propriétaires, paupérisés, ont perdu tout espoir de les remettre en état. Ce grand pays, devenu la risée du monde, n’est plus retenu que par un cheveu au bord de l’érosion.
Il existe, cependant, un antidote face à la dérive, une proposition politique, qui à court terme, peut sauver ce pays. Cette proposition consiste en une alliance, que d’aucuns jugeront contre-nature, voire viciée d’avance. Elle unirait le vétéran de l’opposition, Etienne Tshisekedi, à l’ancien cacique du régime actuel, Vital Kamerhe. Seule une telle alliance peut barrer la route à l’inévitable et empêcher la chute annoncée de ce géant d’Afrique. Tshisekedi et Kamerhe constituent deux poids lourds de l’échiquier politique congolais, et chacun possède des atouts et des handicaps. A 52 ans, Kamerhe est relativement jeune, connaît le système et ses rouages pour en avoir été l’un des artisans. Son grand handicap est qu’il divise l’opposition. Ayant reçu sa vision sur le chemin de Damas, Kamerhe a du mal à convaincre de sa sincérité ceux qu’il a persécutés pendant dix longues années. On le compare à Nguza Karl-I-Bond, cette taupe que Mobutu avait plantée dans l’opposition au début des années 1980 pour débusquer les opposants. D’autres doutent de son authenticité et le tiennent pour un Burundais ou, pis encore, pour un Rwandais. Seul, Kamerhe a peu de chance de remporter les élections en novembre. Tshisekedi, lui, a entamé sa crédibilité par les multiples erreurs stratégiques qui ont émaillé sa carrière politique à la tête de l’opposition. Malgré la liesse populaire occasionnée par son retour au bercail, beaucoup le considèrent comme un politicien en fin de carrière qui a manqué le coche et n’a su saisir les multiples chances qui lui ont été tendues à des tournants décisifs de la vie politique au Congo. Certains, au sein même de l’UDPS, le boudent et lui préfèrent Jean-Joseph Mukendi ou François Xavier Beltshika. S’y ajoute son âge. Il commencera son premier terme à 79 ans s’il est élu président en novembre. Si l’opposition aborde cette course électorale en rangs dispersés, lui aussi a peu de chance d’arriver en tête.
Reste donc une seule alternative, un ticket Tshisekedi-Kamerhe. Pourquoi ? D’abord parce que l’un ne peut gagner sans l’autre. C’est cette nouvelle donne qui régit dorénavant la prochaine échéance électorale et les deux doivent s’y plier. Ensuite, parce que ce ticket peut servir de catalyseur pour unir l’opposition et galvaniser la rue. Un tel ticket pourrait aisément faire le plein des voix dans la quasi-totalité des provinces, y compris dans les bastions du président actuel et dans ceux de l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba qui, de sa prison de La Haye, pourrait être sollicité pour octroyer son blanc-seing. Autre acteur important, le Cardinal Laurent Mosengo Pasinnya, n’hésiterait pas à bénir cette union, lui qui est sorti de ses gongs pour dénoncer le coup d’état constitutionnel de Kabila. La dynamique de cette alliance suffirait à conjurer les démons de la division qui hantent l’opposition et menacent de transformer les élections en un tour de passe-passe pour le pouvoir. Songez à l’effet que produirait une telle alliance parmi certains candidats de l’opposition qui, obnubilés par la perspective de figurer au scrutin, perdent de vue que leur candidature dans un scrutin à un seul tour pave la voie pour la reconduction d’un pouvoir qui a failli.
Après dix ans à la tête de l’État, le bilan de Joseph Kabila confine au désastre. Une seule statistique suffit. Sept Congolais sur dix vivent avec moins d’un dollar par jour dans un des pays les mieux dotés au monde en ressources minières. Traversé par le réseau hydrographique le plus dense et le plus puissant de la planète, le Congo ne peut fournir l’eau potable qu’à 17% de ses habitants et le courant électrique à seulement 6% des foyers ! Kinshasa manque d’eau potable, mais la ville est sise à côté de l’un des plus grands fleuves du monde ! Pourquoi un tel paradoxe ? Une seule réponse : la dérive totalitaire et kleptocrate qui, s’affublant du slogan « cinq chantiers », a fait main basse sur les ressources financières du pays tout en instaurant un climat de peur et de suspicion. Pour gagner donc en novembre, Kabila compte sur le contrôle des médias et des institutions, y compris la Commission Électorale Indépendante (qui est autant « indépendante » que la République Démocratique du Congo est « démocratique »), et sur les pots-de-vin, ces derniers considérés comme artillerie lourde dans son arsenal électoral (on sait, par exemple, grâce aux câbles diplomatiques américains révélés par Wikileaks, qu’en mars 2009 il a distribué à chaque membre du bureau de l’Assemblée nationale une enveloppe de 200 000 dollars pour démissionner et ainsi évincer Vital Kamerhe de son perchoir de président de l’Assemblée). Kabila n’aura donc aucun scrupule à recourir à ces méthodes prévaricatrices dans son ambition de gagner les élections coûte que coûte.
La seule parade dont dispose l’opposition est l’unité. Dans l’arrangement électoral qu’un nombre croissant de Congolais appelle de ses vœux, Kamerhe accepterait de jouer le second couteau en laissant Tshisekedi conduire le ticket de l’opposition à la victoire. Kamerhe ferait campagne pour Tshisekedi, notamment dans les Kivus, et mettrait les ressources de son parti, l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), à la disposition de la campagne électorale unie de l’opposition. Pourquoi Kamerhe, me direz-vous, dont les câbles diplomatiques précités exposent l’ambition politique démesurée, céderait-il le beau rôle au doyen Tshisekedi ? Pour plusieurs raisons. D’abord, et c’est la raison primordiale, permettre au Congo de connaître deux alternances politiques, l’une en 2011, avec la présidence de Tshisekedi, et l’autre en 2016, où un Tshisekedi trop vieux pour briguer un second mandat (souvenons-nous de la démission du premier ministre Antoine Gizenga, en septembre 2008, pour raison d’âge avancé) ouvrirait la voie de la présidence à Kamerhe. Or, la leçon principale à tirer des débâcles démocratiques au Congo-Brazzaville, en Côte-d’Ivoire, au Gabon et ailleurs, tient à l’absence d’alternance politique. Inversement, les pays qui ont réussi à ancrer une tradition démocratique ne l’ont fait que grâce à l’alternance politique. Ensuite, et cela va s’en dire, Kamerhe ne sacrifierait pas sans contrepartie ses ambitions politiques sur l’autel de la patrie. Pour prix de son patriotisme, Tshisekedi lui offrirait la primature, poste qui lui permettrait de demeurer au cœur de l’échiquier politique congolais en vue de la présidentielle de 2016. Enfin, un Kamerhe premier ministre, et non président, en 2011 permettrait également de concilier deux logiques et de satisfaire deux exigences : d’une part, respecter la volonté du peuple congolais, qui ne désire plus voir à la tête de l’État un trublion suspecté d’être étranger et de pactiser avec l’ennemi ; d’autre part, donner des gages à nos voisins des Grands Lacs en affichant notre détermination à mettre fin à l’instabilité à l’est. Kamerhe, originaire de l’est, correspond parfaitement à ce profil.
Kamerhe a d’ailleurs indiqué à maintes reprises sa préférence pour une candidature unique de l’opposition. Mais voilà, l’homme est entouré d’une foule de loyalistes de tous acabits et de sycophantes qui regimbent à l’idée de le voir jouer un autre rôle que celui de deus ex machina. S’il veut démontrer à la fois son patriotisme et sa grandeur, il faudra pourtant se résoudre à l’évidence. Que l’opposition accorde ses violons ne se réalisera pas par un coup de baguette magique, notamment dans un environnement politique instable où le pouvoir peut jouer les trouble-fête en suscitant des « vrais faux » candidats de l’opposition. L’enjeu est de taille. Et pour faire barrage à l’imposture, au coup d’État permanent, le Congo a besoin que certains de ses hommes politiques s’élèvent au-dessus de la mêlée et des miasmes de la politique politicienne pour sauvegarder les intérêts de la nation. Se ranger derrière Tshisekedi en appelant l’opposition à s’unir garantirait instantanément à Kamerhe une place de choix dans le panthéon des hommes et des femmes d’État africains. Lui qui ferait piètre figure en novembre et risquerait de choir dans les oubliettes de l’histoire s’il allait seul aux élections doit, à mon avis, accepter de se ranger à la raison. Nul n’est plus grand que le Congo, et le Congo de demain ne se construira pas si aujourd’hui ses hommes et ses femmes font passer leurs ambitions politiques devant les intérêts de la nation et donnent au peuple le spectacle de borgnes au royaume des aveugles.
DIDIER GONDOLA Professeur d’histoire Indiana University
continuer ainsi si non les dinausores congolais exagerent trop c’est trop,les congolais sont epuises par ses propres dirigeants iresponsables.
Comments are closed.