![Etienne-Tshisekedi-Wa-Mulumba-20](http://www.lavdc.net/portail/wp-content/uploads/2014/05/Etienne-Tshisekedi-Wa-Mulumba-20-300x199.jpg)
Bonjour, Monsieur Corneille Mulumba. Vous n’êtes plus à présenter : membre cofondateur de l’UDPS, ancien Représentant plénipotentiaire de l’UDPS pour l’ Europe, ancien Secrétaire National de l’UDPS en charge du Plan, ancien vice-Ministre du Plan, ancien Conseiller de la République (HCR/PT), vous avez pris part aux Concertations du Palais du peuple de 1994, et, plus récemment, vous avez encore pris part aux Concertations Nationales de 2013. C’est pour dire que votre point de vue ne peut manquer d’intérêt en ce qui concerne la vie politique nationale, en général, et en ce qui concerne l’UDPS, en particulier.
L’actualité reste dominée par le limogeage de M. Albert Moleka de ses fonctions de Dircab et porte parole du Président de l’UDPS, Monsieur Etienne Tshisekedi. Votre lecture de cette question intéresse nos lecteurs.
Je vous remercie sincèrement pour l’opportunité que vous m’offrez de m’exprimer à l’intention de vos lecteurs, en général, et aux membres et sympathisants de l’UDPS, en particulier.
Personnellement, je n’ai jamais vu une quelconque décision du Président Tshisekedi limogeant le Dircab Moleka. Pendant une dizaine d’années, celui-ci a été son homme de confiance, son porte-parole. Il a exercé ses fonctions de Directeur de cabinet avec beaucoup de compétence et d’abnégation. Etienne Tshisekedi est un homme très exigeant. Il n’aurait jamais gardé Albert Moleka aussi longtemps à ses côtés si celui-ci ne réunissait pas ces qualités. J’avais donc été très désagréablement surpris de lire la circulaire du Secrétaire Général Bruno Mavungu.
Monsieur Moleka avait été nommé Directeur de cabinet par une « Décision » du Président du Parti, c-à-d le supérieur hiérarchique du SG Mavungu. Parallélisme des formes oblige, c’est une autre « Décision » du Président de l’UDPS qui devrait limoger Monsieur Moleka, le cas échéant. Précisons tout de même que le Secrétaire Général n’a pas limogé le Directeur Moleka. Il informe l’opinion nationale et internationale, ainsi que la base du Parti qu’il a été instruit d’agir ainsi. Mais il ne dit pas qui l’a instruit. A sa circulaire, il n’annexe pas la «Décision » du Président Tshisekedi, et il n’en mentionne même pas les références éventuelles. On peut donc légitimement penser que celle-ci n’a jamais existé. Si tel est le cas, il y a lieu de se poser la question : qui sème la confusion à la direction de l’UDPS ? Qui crée cette bouillabaisse qui ruine les efforts, les sacrifices, et les privations de tant de compatriotes et de tant d’années ? Beaucoup de doigts pointent l’épouse du Président Tshisekedi qui avait déjà, on s’en souvient, il y a deux mois, chassé le Dircab Moleka et tous ses collaborateurs de la parcelle où se trouve le bureau du Président ainsi que celui du Dircab. Elle se débattrait pour imposer son fils à la tête du Parti, et ainsi, en faire le candidat de l’UDPS à l’élection présidentielle de 2016.
Si tel devait être le cas. Ce serait très regrettable. Je voudrais rappeler à tous que l’UDPS est un patrimoine national. Notre parti avait été créé par des patriotes de plusieurs régions de notre pays. Mes pensées vont notamment à Marcel LIhau et André Bossassi Epole pour l’Equateur, Frédéric Kibassa Maliba et Protais Lumbu Maloba, pour le Katanga, Faustin BIrindwa pour le Kivu, Joseph Ngalula Mpandanjila et Anaclet Makanda Mpinga, pour le Kasaï Oriental, Paul Kapita Shabanyi et Ngoyi Mukendi, pour le Kasaï Occidental, Vincent Mbwakiem pour le Bandundu, et j’en passe. L’UDPS ne peut donc aucunement devenir un patrimoine privé de la famille Tshisekedi ou une dynastie dont Félix Tshisekedi serait devenu le Prince héritier. Pas de confusion !
Enfin, je voudrais conclure sur ce sujet en disant que, même si Albert Moleka quittait ses fonctions de Directeur de cabinet d’Etienne Tshisekedi, il ne quitte pas pour autant le Parti. Il en demeure un haut cadre et l’UDPS aura encore besoin de sa riche et longue expérience accumulée aux côtés du Président Tshisekedi.
A quand le Congrès du Parti et que prévoient les statuts ?
Je pense que la meilleure chose à faire dans le court terme, voire à très court terme, c’est de convoquer un conclave qui réunirait notamment, et pendant deux jours, tous les cadres du Parti, anciens et en exercice, c-à-d tous les présidents fédéraux et secrétaires généraux, anciens et en exercice, les représentants du Parti à l’extérieur, anciens et en exercice, les membres fondateurs, cofondateurs et pionniers encore en vie, les présidents des ligues des jeunes et des femmes, anciens et en exercice, les membres cabinet du Président, anciens et en exercice, toutes les personnes qui, à un moment ou un autre, ont participé à la direction du Parti tant au niveau national que provincial, les équipes dirigeantes des organes tels que la Commission Electorale Permanente, l’Ecole du Parti, les membres d’honneur, le Bureau du Comité National, les membres du Groupe Parlementaire UDPS, etc.
Un conclave ainsi composé serait beaucoup plus représentatif et plus indépendant dans son travail. En effet, les statuts adoptés au Congrès de Limete de 2010 avait conféré des pouvoirs spéciaux au Président du Parti, en prévision de l’élection présidentielle de 2011 et compte tenu des conflits internes qui avaient fragilisé l’organisation. Ainsi, dans l’état actuel de la situation, tous les animateurs des structures, du sommet à la base, sont nommés et révoqués unilatéralement par le Président du Parti.
Convoquer le congrès dans de telles conditions, c’est prêter le flan au clientélisme. C’est voir réunis exclusivement des personnes dont l’indépendance d’esprit risque de prêter à caution. Chose qu’il faut éviter si l’on veut des résultats, si l’on veut être efficace.
Le Conclave formulerait des propositions concrètes au Président du Parti. Il lui proposera notamment une équipe costaude en guise de Bureau Politique. Celui-ci dirigera le Parti, sous l’autorité du Président, organisera les élections internes en vue de désigner les animateurs des structures de l’UDPS à tous les niveaux, organisera la participation de l’UDPS aux différents scrutins électoraux, gérera la vie politique du Parti tant au niveau national que provincial et internationale.
Le Bureau Politique ainsi mis sur pieds travaillera à l’organisation d’un congrès digne de ce nom.
« L’UDPS à la recherche de l’imperium, l’UDPS déjà aux affaires ». L’UDPS extra institutionnelle participera-t-elle ou pas au gouvernement de cohésion nationale ?
L’opinion nationale et internationale a unanimement reconnu les conditions malheureuses dans lesquelles se sont déroulées les élections de 2011. C’était très regrettable pour notre pays ; car cela nous a causé beaucoup de retard sur le plan politique, économique et social. Et cela a coûté inutilement des vies humaines. Si il est vrai qu’on ne refait pas l’histoire, on doit au moins agir, se mobiliser pour que cela ne se reproduise plus. L’UDPS n’a pas participé aux élections de 2006. C’était une décision stupide. L’organisation de la campagne électorale de l’UDPS pour élections de 2011 a été médiocre, malgré la popularité personnelle de Monsieur Tshisekedi. On aurait tord de confondre les deux ; car un Tshisekedi élu Président de la République, avec une UDPS sans députés à cause d’une mauvaise campagne ou par manque de moyens, c’est la cohabitation. Ce sont les autres, ceux qui ont la majorité parlementaire, qui forment le gouvernement et qui gouvernent ; c-à-d qui mettent en œuvre leur programme. Il ne faut pas se leurrer. C’est pourquoi, moi j’attache toujours beaucoup plus d’importance au Parti, à sa réunification, à son organisation, à la mobilisation des compatriotes afin de disposer d’une machine politique et électorale forte.
Quant au Gouvernement de Cohésion Nationale. Mon souhait est que l’UDPS y participe ou, tout au moins, que le Parti soutienne ceux de ses membres qui y siègeront. La majorité actuelle ayant été constituée dans les conditions décriées par tous, il est aberrant de les laisser gouverner seuls. Gérons ensemble la république, à défaut d’avoir réussi à les en empêcher. Préparons ensemble l’environnement des élections, contribuons au combat contre la corruption et autres antivaleurs, contribuons tant que faire se peut à l’amélioration des conditions de vie de nos compatriotes, à créer des emplois pour nos jeunes … C’est mieux que de rester les bras croisés.
La CENI vient de publier son calendrier électoral pour les échéances à venir. Quelle est la position du Parti ?
La position de l’UDPS sera exprimée par son Président, le Secrétaire général, ou le porte-parole. Moi, je ne peux vous donner que mon point de vue personnel.
Je sui convaincu que s’il y a volonté politique, il est possible d’organiser tous les scrutins dans les délais. Je pense que le recensement est nécessaire et qu’il faut le faire absolument. IL en est de même des différents scrutins électoraux. Les élections des conseillers de secteurs/chefferies et des conseillers communaux pourraient être combinées avec les provinciales en juin 2015, les élections au suffrage indirect ( Conseillers urbains, maires, bourgmestres, sénateurs, et gouverneurs de province) en fin 2015. Tandis que 2016 verra organisées les élections des députées nationaux et du Président de la République. Aux fins de réussir le recensement en un minimum de temps, il faudrait une mobilisation tous azimuts : écoles, instituts supérieurs et universités, d’une part, confessions religieuses, Administrations locales, police nationale, et armée, d’autre part. C’est un acte patriotique qui doit faire appel à beaucoup de volontaires. Des jours de congé doivent même être accordés.
Je crains que l’on soit tellement distrait que beaucoup de temps passe et que les délais deviennent trop court pour organiser tous les scrutins. Et donc que l’on se bouscule uniquement pour les législatives et la présidentielle ; ou encore, pire, que l’on déborde du calendrier pour la présidentielle ; c-à-d qu’on obtienne un résultat contraire à celui recherché.
Je pense que, tout en recherchant le départ de l’Abbé Malu Malu, on devrait en même temps se préparer aux élections et œuvrer pour l’organisation de tous les scrutins dans les délais, et dans l’apaisement.
Posons-nous la question : si le combat pour l’éviction de Malu Malu n’aboutit que vers le mois de décembre, par exemple, il faudra un certain temps pour négocier le nouveau Bureau de la CENI. Cela ne va-t-il pas peser sur le respect du calendrier. Est-ce que nous ne sommes pas, inconsciemment, en train de réunir les conditions pour repousser les élections au-delà de 2016 ?
L’opposition doit faire preuve d’ingéniosité et non se tendre à elle-même des pièges.
Dites-nous, Monsieur Corneille Mulumba, qu’êtes-vous donc allé vous perdre à l’Opposition Républicaine ?
L’Opposition Républicaine est l’aboutissement logique d’un cheminement parti du conclave de l’opposition congolaise organisé à Limete l’année dernière et auquel j’avais pris part. Plus généralement encore, j’ai toujours eu cette philosophie, due peut-être à mon très long séjour en Belgique, pays dont la devise est « l’union fait la force », qu’en se mettant ensemble on pouvait obtenir des résultats plus important.
A L’UDPS, je me suis toujours battu pour la réunification de toutes les tendances, ailes, et partis de la famille UDPS, convaincu que j’ai toujours été que ces divisions n’étaient que la conséquence de l’intolérance interne et de l’absence du dialogue au sein du Parti.
De même, j’ai toujours été convaincu que si on demandait aux différents partis politiques congolais d’alignait sur une liste ce qu’ils considèrent comme les 20 priorités pour le Congo, tous aligneraient les mêmes. Dans ses conditions, pourquoi nous entredéchirer ? Pourquoi ne pas nous mettre ensemble pour les réaliser ? Le véritable frein, c’est l’orgueil et l’égoïsme. Tout le monde place ses ambitions personnelles au-dessus de celles du Congo et du peuple congolais. Tout le monde veut être Président de la République ; alors qu’il n’y a qu’un seul fauteuil présidentiel. « … Si ce n’est pas moi, alors que le Congo crève ». Je ne soutiens pas cette perception. J’aime mon pays, et j’aime mes compatriotes. Je souffre énormément de l’état de désagrégation dans lequel se trouve mon pays et des souffrances de mes compatriotes. C’est pour cela que je fais la politique. Je m’associe donc naturellement et spontanément à tous ceux qui proposent de mettre en commun les synergies pour apporter les indispensables changements trouver des solutions ; qu’ils soient membres de mon parti ou pas. Je sais que le parcours est parsemé de déceptions et d’illusions ; mais cela ne me décourage pas.
En ce qui concerne l’Opposition Républicaine, plus précisément, j’ai raisonné comme ceci : Kengo wa Dondo est un ancien Procureur Général de la République, plusieurs fois Premier Ministre, Ambassadeur, réputé discipliné et homme de l’ordre, et qui a le bras long sur le plan international. C’est donc un homme qui a de l’expérience et dont les atouts peuvent être utilisés, pour peu que l’on sache ce que l’on veut. L’UDPS est présente sur tout le territoire national. Mais comme chacun le sait et pu le constater en Egypte, et en Algérie( le Front Islamique du Salut, FIS),en Libye, en Irak ou en Côte d’Ivoire, la popularité interne seule ne suffit plus dans ce monde globalisé, dans cette jungle internationale où c’est la loi du plus fort qui s’impose. Cet attelage avec Kengo pourrait donc nous aider à rassurer davantage, à combattre la corruption, à restaurer de la rigueur et de la discipline dans la gestion de la « res publica ». Si nous pouvions, grâce à cela, ramener quelques milliards de dollars dans les caisses de l’Etat et les utiliser pour investir et créer des emplois pour nos jeunes, cela vaudrait la peine à mes yeux. D’autre part, Je me suis entretenu plusieurs fois avec Léon Kengo wa Dondo quand il était en exil à Bruxelles, et même ici à Kinshasa. IL connaît et semble apprécier ma façon de voir les choses. J’ai conçu et proposé à mes collègues de l’UDPS avec lesquels nous sommes allés aux Concertations Nationales, un programme de gouvernement, inspiré des recommandations des Concertations Nationales et du programme de gouvernement de l’UDPS. Ils l’ont endossé, et nous l’avons remis au Président Kengo. Les différents programmes, c-à-d ceux de l’opposition et ceux de la majorité, seront harmonisés pour en dégager un programme commun qui deviendra celui du Gouvernement de Cohésion Nationale. C’est donc un combat d’idées et non d’individus.
L’Opposition Républicaine, pour ceux qui sont préoccupés par autre chose que leur nombril, est un projet qui pourrait être utile à la nation. Raison pour laquelle j’invite d’autres acteurs politiques et sociaux à venir nous y rejoindre.
Joseph Kabila et le respect de la constitution en 2016. Quelle est votre appréciation ?
Si moi j’étais conseiller de Joseph Kabila, je l’aurais conseillé de s’investir totalement pour que les Congolais mangent à leur faim, que l’enseignement soit gratuit pour le niveau primaire et secondaire, que les soins médicaux soient accessibles pour le plus grand nombre, que les fonctionnaires, les policiers, les enseignants, les infirmiers, etc, aient un salaire digne et régulier, que la population ait accès à l’eau potable et à l’électricité, et que la sécurité et la paix règnent sur l’ensemble du territoire national. Dans ces conditions, c’est la population elle-même qui exigerait un changement de la constitution pour lui accorder un mandat de 100 ans. Il a encore deux ans pour le réaliser, ou toute au moins démontrer sa bonne volonté sur cette voie.
Propos recueillis par Gérard Lemba