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Un véhicule pour chacun des 500 députés en fin de mandat, pot-de-vin ou tradition parlementaire ?


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-En lieu et place de 37 500 dollars chacun, les députés congolais recevront, pour ceux qui le souhaitent, un véhicule en guise d’indemnité de sortie. Pot-de-vin ou pratique parlementaire congolaise ? Trois questions pour comprendre ce procédé.

À quand la pratique remonte-t-elle ?

Proposer aux députés congolais des véhicules à la fin de leur mandat, ce n’est pas nouveau. Selon plusieurs sources parlementaires consultées par Jeune Afrique, le gouvernement de la RDC avait recouru au même procédé pour s’acquitter des indemnités de sortie des élus nationaux lors de deux précédentes législatures.

De tous les bords, les élus sont unanimes sur la question. « Ce n’est pas un pot-de-vin, encore moins une gratification. C’est un droit », répètent-ils. « En fait, aucun gouvernement n’a été capable de débloquer les sommes dues aux 500 députés nationaux dans le cadre de leurs indemnités de sortie, explique Christophe Lutundula, député (G7, opposition) et ancien premier vice-président de l’Assemblée nationale congolaise (2006-2009). C’est pourquoi l’on a toujours opté pour cette solution ». En 2011, par exemple, vers la fin de la première législature de la troisième République, l’élu de Katako-Kombe, dans le centre du pays, avait pu se procurer une Toyota Fortuner auprès du distributeur automobile CFAO grâce à ce mécanisme.

Le gouvernement recourt à un mécanisme déjà utilisé dans le passé

En quoi le procédé consiste-t-il ?

Il s’agit d’une « traite bancaire », précise-t-on dans l’entourage d’Aubin Minaku, président de l’Assemblée nationale. « C’est un montage financier mis en place entre le gouvernement congolais, agent payeur des députés, une banque privée et trois concessionnaires, parmi lesquels CFAO et Congo Motors », souligne une source proche du dossier.

« En ces temps difficiles, pour ne faire souffrir davantage le Trésor public, le gouvernement n’a fait que recourir à un mécanisme déjà utilisé lors de précédentes législatures : c’est la banque privée qui finance l’opération, le gouvernement ne paye rien. Il remboursera plus tard de manière échelonnée », explique notre source. Pour les 500 députés dont le mandat est arrivé à échéance en février – mais qui restent en fonction jusqu’à l’organisation des législatives -, les indemnités de sortie s’élèvent, au total, à l’équivalent en francs congolais de 17 750 000 dollars, soit six mois d’indemnités parlementaires pour chacun (6 250 dollars mensuels par député). Une somme de 37 500 dollars par personne qui ne peut, en l’état actuel des finances, être versée.

D’après nos informations, une « commission de suivi » de l’Assemblée nationale a été mise en place il y a six mois pour suivre le dossier auprès du gouvernement. Celui-ci a donné son feu vert lorsque Samy Badibanga était Premier ministre (décembre 2016-avril 2017). Depuis, des députés sont contactés par des concessionnaires retenus par le gouvernement pour qu’ils souscrivent, ou non, au « montage financier ».

C’est une manière de faire gagner de l’argent à la BGFI-Bank », selon Christophe Lutundula

Pourquoi certains élus grondent-ils ?

Mais la recette ne semble pas faire l’unanimité. Certains élus dénoncent le choix de la BGFI-Bank, qui participe à l’opération. « C’est une banque suspecte qui a été récemment décriée pour sa gestion opaque des fonds publics alloués à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) », relève Christophe Lutundula. Est-ce à cause de ses liens avec la famille présidentielle que la BGFI a été choisie pour pré-financer cette transaction ? En tout cas, « c’est une manière de lui faire gagner de l’argent, notamment à travers les intérêts et autres commissions », note Lutundula.

Des agios, TVA et autres frais seront en effet déduits de l’indemnité de sortie de chaque député. « Ces coupes peuvent atteindre 7 000 dollars », croit savoir un élu, offusqué de voir son dû être « grignoté ». Car même un député qui n’accepte pas de souscrire au montage financier ne pourra plus percevoir l’intégralité des 37 500 dollars, « le processus [étant] déjà enclenché ». Congo Motors par exemple est prêt à proposer à certains élus un 4×4 Nissan double cabine… et trois motos si le coût du véhicule s’avère inférieur à l’indemnité de sortie après déduction de tous les frais de la transaction.

«  S’il faut accepter un véhicule à la place de l’argent, sa valeur doit être exactement égale à la somme de l’indemnité de sortie », prévient le député Juvénal Munubo, cadre de l’Union pour la nation congolaise (UNC) de Vital Kamerhe. « Il s’agit d’un droit constitutionnellement garanti. Je dois être convaincu des raisons de sa diminution », conclut-il.

Cette affaire se retrouve sur la place publique alors que le pays traverse une crise politique mais surtout économique. Les caisses de l’État sont vides, le franc congolais se déprécie jour après jour. Un contexte marqué également par les révélations ces dernières semaines de la fortune colossale amassée par la famille présidentielle.

Avec JA