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Par J.-P. Mbelu
-Quand l’opposition Congolaise dans sa pluralité dresse le bilan du pouvoir sortant, elle soutient qu’il est négatif sur toute la ligne. Elle donne des preuves à l’appui. Au même moment, elle affirme que si elle ne réussit pas l’unanimisme en son sein, ce pouvoir au bilan négatif va gagner aux élections probables de novembre 2011. D’où procède ce raisonnement induisant une certaine peur au sein de l’opposition Congolaise et dans certaines couches de nos populations ? Telle est l’une des questions qui est au cœur de ce petit article
Ceux et celles d’entre nous qui suivent au quotidien l’évolution de la situation politique de notre pays se réalisent que les partis dits de l’opposition Congolaise s’orientent dans le sens de la création de grands rassemblements. Il serait triste que ces grandes coalitions ne puissent être qu’électoralistes. Si elles perdurent au-delà des élections probables de novembre 2011, elles pourraient contribuer à l’évènement d’un Congo débarrassé d’une foultitude de « partis politiques dits alimentaires ». Il y aurait donc moyen de mettre à l’actif de l’opposition Congolaise cette tendance naissante pour les grandes coalitions se retrouvant autour des questions communes qui les rassemblent. L’une de ces questions serait le renversement du système marionnettiste sous le poids duquel gît notre pays depuis l’acception de Mobutu au pouvoir jusqu’à ce jour.
Sur cette question, les violons ne semblent pas s’accorder au sein de l’opposition Congolaise. La tendance la plus marquée est celle de l’alternance au sein d’un même système dont les parrains resteraient à jamais les maîtres-tireurs-des-ficelles. Les plus éveillés d’entre nous savent que les luttes actuelles au sein de l’opposition Congolaises ne sont pas toujours dictées par la sauvegarde de l’intérêt du peuple Congolais. C’est beaucoup plus une lutte de repositionnement vis-à-vis des parrains. Les plus naïfs d’entre nous trouvent facilement les boucs émissaires sans savoir ce qui se trame dans l’ombre…
En plus de la tendance allant vers la création de grandes coalitions, il y a le bilan que cette opposition plurielle dresse de la gestion du pouvoir qui est aux affaires depuis bientôt une dizaine d’années.
Ce bilan est négatif sur toute la ligne. L’eau, le courant, l’école, les soins de santé dignes de ce nom, les salaires justes, les infrastructures favorisant la communion basique entre les Congolais(es) ne sont pas, aujourd’hui, les choses les plus partagées chez nous. L’insécurité se vit presque partout au Congo. A l’Est, elle fait partie du lot quotidien de nos populations. Le comble est qu’elle est entre autres entretenue par « les agents de l’ordre Congolais » en plus des « mercenaires » semant la mort sur notre territoire.
Il y a, dans le bilan que l’opposition plurielle dresse au Congo beaucoup de points de convergence. Dans toute sa diversité, cette opposition estime que les élections probables de 2011 risquent de ne pas être transparentes et apaisées si les questions liées à l’accès au fichier électoral et au serveur central ne trouvent pas un écho positif dans le chef du bureau de la CENI.
Là où le bât blesse, c’est quand, malgré ces points de convergence et le bilan négatif du pouvoir sortant, cette opposition plurielle et critique sévère de ce pouvoir estime qu’elle ne peut gagner aux élections probables de novembre 2011 que si elle se met toute ensemble autour d’un même candidat.
Il se pourrait que nous ne comprenions pas très bien ce raisonnement. Là, nous serons heureux d’être aidé par nos lecteurs.
Comment est-il possible qu’après avoir dressé un bilan négatif du pouvoir sortant et cela avec des preuves à l’appui, l’opposition Congolaise plurielle puisse croire en la victoire électorale de ce même pouvoir? Au jour d’aujourd’hui, trois camps se sont dessinés en son sein : le camp Kamerhe, le camp Kengo et le camp Tshisekedi. L’idéal, pour un certain nombre de nos compatriotes serait que ces trois camps ne forment qu’un seul. Supposons que cet unanimisme ne se produise pas pour des raisons à la fois historiques, politiques –méfiance réciproque-, juridiques –l’implication de certains acteurs de ces trois coalitions dans le rapport Mapping-, etc. En quoi cela devrait-il désavantager l’opposition plurielle par rapport au pouvoir sortant ?
Ou les trois camps seront incapables d’étoffer un peu plus leur discours de campagne électorale pour aider nos populations à comprendre que le bilan du pouvoir sortant est négatif sur tous les plans et à le sanctionner sévèrement ; ou ils savent qu’ils n’ont pas de base réelle et qu’ainsi leur discours ne pourra pas avoir l’écho espéré dans nos populations ; ou ils estiment que les prochaines élections en se joueront pas dans les urnes. S’ils étoffent davantage leur discours de précampagne électorale pendant la campagne et qu’ils le partagent avec leurs bases (réelles), ils pourront espérer que l’un d’entre eux l’emporte sur les deux autres et sur le pouvoir sortant (faute de bilan à présenter à nos populations). Mais dresser un bilan négatif de ce pouvoir et croire que pour le battre aux élections l’opposition doit réaliser l’unanimisme en son sein nous paraît un peu étrange.
C’est vrai que l’union fait la force. Mais à quel niveau cette union doit-elle absolument se réaliser ? Est-ce au niveau des individus ou au niveau de la critique du bilan du pouvoir sortant et des valeurs que l’opposition plurielle défend ? L’idéal serait qu’elle se réalise et au niveau des individus critiquant le pouvoir sortant et au niveau des valeurs qu’ils défendent. Mais au cas où les deux ne seraient pas envisageables, l’union au niveau de la critique et des valeurs défendues peut sérieusement compromettre les chances de victoire du pouvoir sortant. Néanmoins, si l’opposition plurielle accepte de renverser le système que le pouvoir en place sert, elle doit se transformer en un mouvement populaire et rejoindre les Patriotes-Résistants ayant compris que les élections ne peuvent pas conduire au renversement d’un pouvoir d’occupation. Elle pourrait aussi être rejointe par d’autres couches de nos populations soucieuses de justice sociale et de dignité. Mais si elle veut conserver son identité (actuelle), elle doit pouvoir renoncer à l’unanimisme et opter pour unité respectueuse de la diversité et même d’un certain désaccord.
A un certain moment, la quête de l’unanimisme au sein de cette opposition plurielle semble être une voie ouverte sur la recherche d’un parfait bouc émissaire. Pour cause.
L’opposition plurielle (et surtout l’opposition institutionnelle et une partie de celle qui, après avoir partagé le pouvoir des gouvernants sortants, les a reniés) doit pouvoir se livrer à un sérieux examen de conscience. Celui-ci l’aiderait à se réaliser qu’elle n’a pas gagné de batailles essentielles tout au long de son parcours. Elle n’a pas réussi à inscrire le traitement du moratoire sur la double nationalité à l’ordre du jour des sessions successives de l’Assemblée nationale.
Elle n’a pas réussi à empêcher la révision de la Constitution au cours de l’année électorale. Elle n’a pas réussi à transformer la question du recensement des Congolais(es) en une question urgente pour la suite de la vie citoyenne au Congo après les élections de 2006.
(Elle ne sait pas, au jour d’aujourd’hui, qui va voter qui.) Bref, elle est s’est inscrite dans un processus vicié et vicieux dont elle ne maîtrisait ni les tenants ni les aboutissants. Une partie de cette opposition a voté des lois liberticides dont elle ne semble pas regretter les conséquences sur le processus actuel.
Son agitation actuelle semble être un forcing destiné à tirer des dividendes d’un parcours parsemé d’échecs. Croyant dans la fétichisation des élections, elle estime que malgré ses échecs passés, l’unanimisme en son sein va réaliser un miracle ; elle va gagner les élections après avoir échoué à exiger du pouvoir organisateur la réalisation de certains préalables indispensables à leur transparence et à leur apaisement. Et même la compréhension de tout le processus à partir de la mise sur pied d’une Commission Justice, Vérité et Réconciliation.
Le miracle pourrait être Congolais. Les échecs passés pourraient se transformer en une victoire dans les urnes. La sanction du peuple aidant. Mais si ce miracle ne se produisait pas probablement le soir du 28 novembre 2011, que l’opposition plurielle examine son parcours au lieu de vite trouver un bouc émissaire. Malheureusement, nous sommes plusieurs à oublier rapidement notre histoire telle qu’elle est en train de s’écrire ou telle que nous participons de près ou de loin à son écriture. Le bouc émissaire serait une soupape de sécurité à notre amnésie collective…
Il se pourrait que nous soyons tout à fait à côté de la plaque…