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-En écoutant le mardi 18 août 2015 sur Radio Okapi Mme Caroline Mouchart et l’ambassadeur de la Belgique en République démocratique du Congo (RDC) ; M. Michel Lastschenko, s’exprimant sur l’octroi de visa Schengen, je me permets de prendre position sur le fait que les deux personnes n’ont pas parlé du droit de recours dont dispose le demandeur du visa Schengen.
Car, en cas de refus d’un visa, il est possible de contester une appréciation jugée arbitraire en recourant à une voie de droit.
En l’espèce, les Congolais qui sollicitent un visa sont souvent victime de la discrimination raciale qui peut découler de préjugés ouverts ou d’une antipathie ou de sentiments négatifs simplement à cause d’un parti pris à leur égard fondé sur la race noir et des motifs connexes.
Ils se trouvent ainsi devant un traitement inhumain et dégradant en violation de l’art. 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), de l’ingérence discriminatoire leur vie privée en violation des articles 8 et 14 CEDH.
En effet, de plus en plus, les demandeurs de visa pour l’espace Schengen sont mécontents. Ils se plaignent de la manière dont leurs dossiers sont traités à la Maison Schengen.
Radio Okapi a reçu les plaintes de certains d’entre eux qui disent n’avoir obtenu aucune suite de cette institution six mois après l’introduction de leurs dossiers. Dans certains cas, disent-ils, les passeports ne sont pas tout de suite retournés.
Mme Caroline Mouchart, Consul et Michel Lastschenko, Ambassadeur de Belgique en RDC dont dépend la Maison Schengen ont donné des explications. Ils ont parlé également des procédures pour réinitialiser un dossier après un refus. Ils répondaient aux questions de Jocelyne Musau Ponde.
Code communautaire des visas et Code des visas
Depuis l’entrée en vigueur, le 5 avril 2010, du Code communautaire des visas (Règlement n° 810/2009 du 13 juillet 2009) applicable dans tout l’espace Schengen, le système des voies de droit a été uniformisé, puisque toutes les représentations Schengen doivent désormais notifier tout refus de visa au moyen d’un formulaire motivant la décision.
En outre, le Code des visas prévoit une extension des droits de procédure et offre ainsi une meilleure protection contre l’arbitraire.
En remettant le formulaire de refus de visa, l’autorité rend une décision susceptible de recours (art. 32). Le recours ou la voie de droit sont régis par le droit de l’Etat qui rend la décision (Cf. Ange Sankieme Lusanga, notre doctorat en théologie (éthique) à l’Université de Bâle, titre la thèse : « Ethique de la migration. La valeur de la justice comme base pour une migration dans l’Union Européenne et la Suisse », Genève, éditions Globethics.net 2012, 361 pages).
Le droit à un recours effectif dans la CEDH
L’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) établit le droit à un recours effectif, par lequel « toute personne dont les droits et libertés reconnus par la présente Convention ont été violés, a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ».
Il s’agit de l’une des dispositions clés sous tendant le système de protection des droits de l’homme de la Convention avec l’obligation de l’article 1 de respecter les droits de l’homme, et celle de l’article 46 sur l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH), cf. Guide de bonnes pratiques en matière de voies de recours internes (adopté par le Comité des Ministres le 18 septembre 2013.
En effet, la mise en œuvre de recours internes effectifs pour les violations de la Convention est une préoccupation de longue date du Conseil de l’Europe, considérée à maintes reprises comme une priorité au plus haut niveau politique.
Il s’agit notamment aux Conférences de haut niveau sur l’avenir de la Cour qui ont successivement été organisées par la présidence suisse du Comité des Ministres (Interlaken, Suisse, 18-19 février 2010), la présidence turque (Izmir, Turquie, 26-27 avril 2011, cf. le Plan de suivi de la Déclaration d’Izmir, partie B. 1.a. et la présidence britannique (Brighton, Royaume-Uni, 19-20 avril 2012, cf. le paragraphe 9. f. ii. de la Déclaration de Brighton).
La Déclaration adoptée lors de cette dernière conférence a ainsi « (exprimé) en particulier la détermination des Etats parties à (…) (en envisageant) d’instaurer, si nécessaire, de nouvelles voies de recours internes, de nature spécifique ou générale, pour les violations alléguées des droits et libertés protégés par la Convention » et, également, en « encourage (ant) les juridictions et instances nationales à tenir compte des principes pertinents de la Convention.
Et ce, eu égard à la jurisprudence de la Cour, lorsqu’elles conduisent leurs procédures et élaborent leurs décisions, et leur en donner les moyens ; et, en particulier, (en) permet (tant) aux parties au litige – dans les limites appropriées de la procédure judiciaire nationale, mais sans obstacles inutiles – d’attirer l’attention des juridictions et instances nationales sur toutes dispositions pertinentes de la Convention et la jurisprudence de la Cour ».
Outre ces deux dispositions, la Déclaration a invité le Comité des Ministres « à élaborer un guide de bonnes pratiques en matière de voies de recours internes ».
Le Comité des Ministres a ensuite chargé le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) d’élaborer le dit guide, cf. les décisions du Comité des Ministres lors de sa 122e session, 23 mai 2012, point 2 – Garantir l’efficacité continue du système de la Convention européenne des droits de l’homme.
Les travaux se sont d’abord tenus au cours de deux réunions d’un groupe de rédaction à composition restreinte, avant d’être examinés par le Comité d’experts sur la réforme de la Cour (DH-GDR), puis par le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH) avant sa transmission au Comité des Ministres.
Les Congolais « souvent victime de la discrimination raciale »
Les Congolais doivent savoir que, « conformément à la jurisprudence constante, la Cour européenne des droits de l’homme (Cour EDH), la preuve de la discrimination qu’ils sont victime peut résulter d’un faisceau d’indices ou de présomptions non réfutées, suffisamment graves, précis et concordants, dont la radio Okapi a mentionné dans l’émission.
En outre, le degré de conviction nécessaire pour parvenir à une conclusion particulière et, à cet égard, la répartition de la charge de la preuve sont intrinsèquement liés à la spécificité des faits, à la nature de l’allégation formulée et au droit conventionnel en jeu (Natchova et autres c. Bulgarie [GC], nos 43577/98 et 43579/98, § 147, CEDH 2005-VII) » dans la mesure où, le refus des visas et la manière que les Congolais sont traités ont des présomptions non réfutées de discrimination indirecte en fonction leur origine congolaise.
La Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) du Conseil de l’Europe a adopté sa Recommandation de politique générale no 7 sur la législation nationale pour lutter contre le racisme et la discrimination raciale.
Ce texte définit ainsi la « discrimination raciale » :
« 1. Aux fins de la présente Recommandation, on entend par : (…) ;
b) « discrimination raciale directe » toute différence de traitement fondée sur un motif tel que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique, qui manque de justification objective et raisonnable. (…) ;
c) « discrimination raciale indirecte » le cas où un facteur apparemment neutre tel qu’une disposition, un critère ou une pratique ne peut être respecté aussi facilement par des personnes appartenant à un groupe distingué par un motif tel que la race, la couleur, la langue, la religion, la nationalité ou l’origine nationale ou ethnique, ou désavantage ces personnes, sauf si ce facteur a une justification objective et raisonnable. (…) ».
La Cour EDH rappelle que l’article 14 n’a pas d’existence autonome, mais joue un rôle important de complément des autres dispositions de la Convention et des Protocoles puisqu’il protège les individus, placés dans des situations analogues, contre toute discrimination dans la jouissance des droits énoncés dans ces autres dispositions.
Lorsque la Cour a constaté une violation séparée d’une clause normative de la Convention ou de ses Protocoles, invoquée devant elle à la fois comme telle et conjointement avec l’article 14, elle n’a en général pas besoin d’examiner aussi l’affaire sous l’angle de cet article, mais il en va autrement si une nette inégalité de traitement dans la jouissance du droit en cause constitue un aspect fondamental du litige (Chassagnou et autres c. France [GC], nos 25088/94, 28331/95 et 28443/95, § 89, CEDH 1999-III, et arrêt Dudgeon c. Royaume-Uni du 22 octobre 1981, série A no 45, p. 26, § 67).
L’origine ethnique et la race sont des notions liées, qui se recoupent. Si la notion de race trouve son origine dans l’idée d’une classification biologique des êtres humains en sous-espèces selon leurs particularités morphologiques (couleur de la peau, traits du visage), l’origine ethnique se fonde sur l’idée de groupes sociaux ayant en commun une nationalité, une appartenance tribale, une religion, une langue, des origines et un milieu culturels et traditionnels.
Le fait de traiter de manière différente, sauf justification objective et raisonnable, des personnes placées dans des situations comparables constitue une discrimination (Willis c. Royaume-Uni, no 36042/97, § 48, CEDH 2002-IV). La discrimination fondée sur l’origine ethnique réelle ou perçue constitue une forme de discrimination raciale (voir les définitions adoptées par les Nations unies et la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance, paragraphes 33 et 34 ci-dessus).
La discrimination raciale est une forme de discrimination particulièrement odieuse et, compte tenu de ses conséquences dangereuses, elle exige une vigilance spéciale et une réaction vigoureuse de la part des autorités.
C’est pourquoi celles-ci doivent recourir à tous les moyens dont elles disposent pour combattre le racisme, en renforçant ainsi la conception que la démocratie a de la société, y percevant la diversité non pas comme une menace mais comme une richesse (Natchova et autres, précité, § 145).
Une fois que le requérant a démontré qu’il y a eu différence de traitement, il appartient au gouvernement défendeur d’en établir la justification. Par conséquent, les congolais demandeurs de visa Schengen se trouvent dans la même situation que les autres personnes souhaitant passer la frontière européenne.
Des explications « pas convaincantes »
Les explications de l’Ambassadeur propre à justifier la différence de traitement entre les personnes d’origine congolaise et les autres dans la jouissance du droit à la liberté de circulation ne sont pas convaincantes.
En tout état de cause si les Congolais faisaient le recours contre le refus de visa, la Cour EDH considère qu’aucune différence de traitement fondée exclusivement ou de manière déterminante sur l’origine ethnique d’un individu ne peut passer pour objectivement justifiée dans une société démocratique contemporaine, fondée sur les principes du pluralisme et du respect de la diversité culturelle.
En définitive, les Congolais font l’objet d’une privation et d’une restriction délibérées tenant exclusivement à leur origine ethnique, la différence de traitement avec la complicité et dans l’indifférence totale des autorités congolaises s’analyse en une discrimination raciale au sens de l’article 14 de la CEDH.
Et quotidiennement en République Démocratique du Congo (RDC), il y a sans cesse la violation de l’article 14 de la CEDH combiné avec les articles 3 et 8 à la CEDH pour les demandeurs de visa Schengen.
La raison de risque migratoire n’est pas convaincante. En effet, avec la montée en puissance de nouvelles technologies destinées au recueil et à la transmission de données personnelles, qui représentent un danger accru pour les libertés, dire que les demandeurs de visa congolais ne quitteront pas l’espace Schengen est un alibi qui ne mérite pas les frais occasionnés et l’énergie engagé lors de la procédure.
Par ailleurs, les méthodes modernes de recueil se fondent sur de nouvelles générations de puces électroniques capables de recueillir et de stocker de grandes quantités de données et de les transmettre très efficacement par télémétrie.
Malgré leur apparente neutralité, ces données (…) peuvent être détournées en vue d’une surveillance abusive des comportements. (…). Ce risque de détournement est encore aggravé par la possibilité de transmettre de telles données par des techniques performantes de télémétrie qui ne garantissent nullement leur confidentialité et n’offrent aucune protection contre une utilisation illégitime (cf. Ange Sankieme Lusanga, notre doctorat en droit à l’Université de Berne, titre de thèse : « Esquisse sur l’émergence d’une nationalité et citoyenneté transnationale face aux concepts traditionnels. Etude des droits africain, congolais, européen et suisse », Berne, éditions Stämpfli 2014, 332 pages).
La CEDH, dans son texte originaire, ne contient pas de disposition particulière relative aux demandeurs de visa. Cependant, la Cour EDH a pris en compte les droits de ces derniers et a réalisé une extension de la protection conventionnelle, sous réserve de l’activité politique (art. 16 CEDH).
En effet et à l’aune de l’art. 1er CEDH, il est reconnu des droits à toute personne, sans distinction de nationalité, dès lors qu’elle relève de la juridiction d’un Etat membre. Par ailleurs, le mécanisme de la “protection par ricochet” a également joué en faveur des étrangers, une catégorie de personnes particulièrement vulnérables.
Cependant, pour être compatible avec la CEDH, le droit interne doit offrir des garanties de procédure effectives afin de protéger les étrangers contre des mesures étatiques arbitraires. Ainsi, la protection procédurale suppose, en l’espèce, les Congolais qui demandent le visa doivent disposer d’un recours effectif au sens de l’art. 13 de la CEDH (voir également MSS c/ Belgique et Grece, 21 janv. 2011; Auad c/ Bulgarie, 11 oct. 2011; Müslim C/ Turquie, 26 avr. 2005 § 72; T.I. c/ Royaume-Uni, 7 mars 2000, n° 43844/98).
En ce qui concerne le délai de 6 mois évoqué dans l’émission, force est de constater que cela constitue un déni de justice flagrant, dans la mesure où des garanties fondamentales de la procédure équitable ne sont respectées, cf. par analogie, voir Othman c/ Royaume-Uni, 17 janv, § 260. Par ailleurs, la Cour EDH exige que, les demandes (…) soient examinées rapidement, attentivement et avec une diligence particulière” (voirTanda-Muzinga c/ France, 10 juil. 2014, § 73).
En vous remerciant pour toute l’attention que vous aurez accordée à la présente prise de position et en particulier en publiant ce qui précède, pour que les Congolais soient informés de leurs droits, je vous prie de recevoir, Messieurs les Journalistes, l’expression de nos sentiments distingués.
LE POTENTIEL