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Or, l’article 56 de la Constitution congolaise stipule que « tout acte, tout accord, toute convention, tout arrangement ou tout autre fait, qui a pour conséquence de priver la nation, les personnes physiques ou morales de tout ou partie de leurs propres moyens d’existence tirés de leurs ressources ou de leurs richesses naturelles, sans préjudice des dispositions internationales sur les crimes économiques, est érigé en infraction de pillage punie par la loi ». En conséquence, précise l’article 57, « les actes visés à l’article précédent ainsi que leur tentative, quelles qu’en soient les modalités, s’ils sont le fait d’une personne investie d’autorité publique, sont punis comme infraction de haute trahison ».
La supranationalité de l’accord-cadre d’Addis-Abeba
Curieusement, le mécanisme de suivi régional[2] que viennent de mettre en place les signataires de l’accord-cadre d’Addis-Abeba n’est guère habilité à sanctionner tout manquement aux engagements contractés. Nul n’ignore que les institutions supranationales sont pourvues de pouvoirs de décision à l’égard des États membres et de leurs ressortissants.
Cela démontre la logique expansionniste qui a animé les signataires de cet accord-cadre, dont le but réel a trait à la recherche de nouveaux marchés et à l’exploitation dans l’impunité des ressources naturelles de la région du Kivu. Les décisions qui seront prises par ce mécanisme de suivi, le fameux système « 11 + 4 », ne pouvant être révocables par le gouvernement congolais, leurs règlements et directives, qui auront la primauté sur le droit national, s’appliqueront automatiquement. Ainsi la République Démocratique du Congo sera-t-elle mise de facto sous tutelle.
Des institutions transnationales
Certes, les acquis de l’accord-cadre d’Addis-Abeba – notamment ceux qui se rapportent à l’évolution du mandant des forces onusiennes, au déploiement d’une brigade d’intervention rapide et à la nomination d’un Envoyé spécial des Nations Unies – ont permis la fragilisation du M23 qui est désormais contraint d’engager des négociations à Kigali en vue de l’attitude à adopter. Néanmoins, la Constitution congolaise réaffirme, dans son article 5, le principe démocratique selon lequel tout pouvoir émane du peuple.
Comme le souverain primaire a délégué ses représentants dans les institutions étatiques, il revient au Parlement congolais[3] de jouer pleinement son rôle en demandant à l’autorité ayant engagé le pays dans un accord-cadre dont certaines clauses encourageraient la souveraineté de la République Démocratique du Congo et le pillage de ses ressources naturelles.
Ainsi cet exercice devra-t-il avoir pour objet l’audition des ministres des Affaires étrangères, Raymond Tshibanda, et de la Défense nationale, Alexandre Lubal Tamu, pour comprendre la nature des recommandations ayant poussé le président Joseph Kabila, garant de la souveraineté nationale conformément à l’article 69, à ratifier l’accord-cadre d’Addis-Abeba.
Les parlementaires congolais devront préconiser, comme l’ont d’ailleurs fait dans un passé proche la France et l’Allemagne, des clauses de substitution privilégiant une politique étrangère et de sécurité commune ainsi qu’un mode intergouvernemental en matière de justice et des affaires intérieures. Ainsi devront-ils faire évoluer certains engagements dudit accord-cadre au profit des institutions transnationales.
Gaspard-Hubert Lonsi Koko
Notes:
[1] La République Démocratique du Congo, le Congo-Brazzaville, la République centrafricaine, la République du Soudan du Sud, l’Ouganda, le Burundi, le Rwanda, la Tanzanie, la Zambie, l’Afrique du Sud et l’Angola.
[2] Lequel sera étroitement lié à l’Union africaine, à la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs et à la Communauté pour le développement de l’Afrique australe, ainsi qu’à d’autres partenaires internationaux, y compris l’Union européenne, la Belgique, les Etats-Unis d’Amérique, la France et le Royaume-Uni. Un plan détaillé pour la mise en œuvre de l’accord sera développé conjointement, y compris l’établissement de critères et mesures de suivi appropriées.
[3] En effet, les commissions des affaires étrangères et de la défense des chambres haute et basse du Parlement congolais doivent se réunir en urgence pour se pencher sur lesdites clauses qui, si elles ne sont pas précisées, risquent d’officialiser la mise sous tutelle de la République Démocratique par le biais du système « 11 + 4 ».